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620 CHANGEMENTS DANS L'HARITATION RES ESPÈCES. CAUSES DE TRANSPORTS. 621
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graines de plantes a([uatiques ou marines dans leur estomac; mais j'en
ai cherché inutilement des exemples, et je crois, d'ailleurs, que beaucoup
d'oiseaux de mer ne sont pas granivores. Enfin, les geais et les pies
ont l'habitude de cacher dans les troncs d'arbres, et même dans le sol
des forêts, les fruits et les graines dont ils font provision pour l'hiver.
Ce résultat de Tinstinct peut expliquer la présence d'une multitude de
graines dans les forêts, quand on vient à les abattre; mais il est saris
importance pour la diiTusion des espèces d'un pays à l'autre.
Les quadrupèdes doivent transporter ({uelquefois des graines, volontairement
ou par hasard. Je ne parle pas dé l'action des rongeurs, qui portent
d'un endroit à l'autre, jamais au loin, les graines dont ils font usagé; mais
plutôt des ruminants, et en général, des herbivores. Plusieurs espèces
livrées à elles-mêmes vivent en société et émigrent par masses considérables.
Les rennes, en Sibérie (a), en sont un exemple. Dans lés pâys civilisés,
l'homme conduit des troupeaux de boeufs et de moutons à de
grandes distances. Il n'est pas douteux que les poils de ces iinimatjx ne
conservent les graines et les capsules, quand elles sont ou visqueuses, ou
munies de crochets et d'épines. On croit aussi que les petites graines
dures, celles en particulier qui se trouvent dans certaines baies, peuvent
traverser les voies digestives des mammifères sans être altérées (6). Ce dernier
mode est de peu d'importance, parce que les migrations des quadrupèdes
ne sont pas rapides comme^celles des oiseaux; mais le transport
des graines adhérentes aux poils doit avoir un effet assez important.
Vax somme, il est remarquable combien les causes naturelles de transport,
je veux dire les causes étrangères à l'homme, sont plus nombreuses
dans le sens du nord au midi que du midi au nord, et combien elles sont
rares dans le sens des degrés de latitude, qui est pourtant celui de l'extension
ordinaire des espèces. Les vents et les courants se dirigent dans tous
les sens; avec plus de régularité dans le sens des parallèles, mais plus d'intensité
peut-être dans le sens des m.éridiens. Le transport des blocs de
glace n'a d'effet que des régions polaires aux régions tempérées. Les migrations
des oiseaux et des quadrupèdes sont dirigées dans le sens des
méridiens, et ne peuvent guère avoir d'effet que du nord au sud, attendu
que les graines mûrissent en automne, lorsque les animaux se mettent en
route pour les pays méridionaux. Par suite de plusieurs de ces mêmes circonstances,
et par l'action de la pesanteur et des cours d'eau, il y a infiniment
plus de causes qui font descendre les espèces des montagnes que de
(a) Le voyage de Wrangel est curieux sur ce point.
{h) D'après Jacquin {Obs. II, p. 7), les graines de Psidium son! répandues de eeUe manière
par les vaches dans les pâturages des îles Antilles.
causes d'ascension. Les glaciers, les ruisseaux, l'inclinaison du terrain, les
migrations des oiseaux et des troupeaux, en automne, de la montagne à la
plaine, tout contribue à faire descendre les plantes alpines.
Ainsi, les limites polaires, éqtiatoriales et inférieures des espèces doivent
être plus facilement atteintes que les limites à l'est, à l'ouest et les limites
supérieures. Ainsi, encore, les causes naturelles ayant agi depuis des milliers
d'années du haut vers le bas des montagnes, du midi au nord, et
gurtout du nord au midi, l'action de l'homme, comparativement nouvelle,
cette action qui se propage dans tous les sens, peut naturaliser plus souvent
aujourd'hui dés espèces à l'est, à l'ouest, et même sur les montagnes
que dans les autres directions. Il me reste à parler de cette iniluence, assurément
très grande.
Le transport des plantes et des graines par l'homme se fait de mille
manières, volontairement ou sans intention, directement et ouvertement, ou
par des voies détournées et cachées. Les premières peuplades qui se sont
répandues sur chaque continent ont porté probablement avec elles quelques
espèces de plantes utiles et surtout quelques-unes de ces graines qui s'attachent
aux vêtements et aux animaux domestiques, et qui se développent
bien dans le voisinage des habitations, près des fumiers, des terrains brûlés
et des décombres. Plus une population est faible, plus elle est étrangère aux
arts de la civilisation, plus ces premiers transports de graines sont insignifiants.
Ensuite, la population devenant plus dense, plus civilisée, l'agriculture
ayant pris naissance et étendu son domaine, les occasions de transports
se multiplient et s'appliquent à des espèces plus nombreuses. Les
peuples chasseurs ou pasteurs parcourent sans doute d'assez vastes étendues
de pays, mais les peuples cultivateurs préparent des terrains propres
à recevoir des espèces nouvelles, et faisant venir les graines de leurs
champs de pays plus ou moins éloignés, ils introduisent avec elles des
plantes diverses, dont plusieurs naturellement deviennent spontanées.
Enfin, lorsque la guerre a créé de vastes empires et forcé les hommes à de
nombreux voyages, lorsque la navigation s'est étendue, lorsque des terres
nouvelles ont été mises en rapport avec les anciennes, que l'agriculture a
pu exporter ses produits, et que l'horticulture s'est mise à peupler les
jardins de milliers d'espèces étrangères ; alors les transports de graines
sont devenus de plus en plus nombreux. Ils ont pris une influence tout à
fait prépondérante sur les transports par des causes naturelles. Quelques
réflexions, quelques exemples, doivent convaincre les personnes qui en
douteraient.
Il est clair que, dans les pays civilisés, la culture s'applique à un grand
nombre de plantes et fait varier extrêmement la nature physique des terÎ
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