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1 2 8 2 VARIETE DES FORMES VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER,
lequel empeclic ou relarde rinlroduclion fortuite d'espèces des autres
regious.
Les îles volcaniques rapprochées des continents n'ont pas une végétation
aussi pauvre. Capraia comparée avec Norfolk ^ Juan-Fernandez ^ Auckland
et Campbell, îles de môme étendue, mais isolées, en sont bien la
preuve. On remarque cependant que Sainte-Hélène, Kerguelen, Juan-
Fernandez, Taïti, etc., présentent dans les ravins de leurs mornes des
espèces très distinctes, très caractéristiques, dont l'existence est un phénomène
d'une grande valeur au point de vue géologique. Assurément, la
date de l'apparition de ces plantes, ou la date de leur arrivée, si elles
sont venues d'autres pays alors existants, est un des problèmes les plus
curieux de la philosophie des sciences naturelles, mais je ne veux pas
traiter ici ces questions. Il me suiïit de constater et d'expliquer le nombre
très faible des espèces dans plusieurs petites îles éloignées des continents
et même dans d'autres îles. Le fait me paraît évident, mais les causes en
sont variées, et souvent géologiques plutôt que physiques.
Maintenant, envisageons certaines grandes îles et archipels qui se trouvent
éloignés de toutes les terres, comme les îles Sandwich, les Açores, la
Nouvelle-Zélande et autres plus ou moins analogues.
Les Açores sont situées à peu près sous les mêmes degrés de latitude
que les Baléares; elles ont une surface plus grande et souffrent moins de
la sécheresse; cependant, il s'en faut de peu qu'elles n'aient moins d'espèces.
En général, les archipels du cap Vert, des Canaries, de Madère et
des Açores ont 3 à 500 espèces de moins qu'on n'en trouverait sur une
étendue semblable et surtout avec des montagnes aussi élevées, par
exemple dans le Maroc ou la péninsule espagnole. Est-ce un effet de l'isolement
ou de la nature volcanique de toutes ces îles? Probablement les
deux causes y ont concouru. De même pour les îles Maurice et Bourbon,
qui sont assez isolées, volcaniques et dont la végétation, malgré un climat
bien favorable, ne présente pas autant d'espèces diflerentes que l'un des
départements de la France ayant une surface analogue. Le nombre total
des espèces dans les archipels volcaniques et isolés des Galapagos et des
Sandwich est encore très incertain (a), mais il semble inférieur aussi à
ce qu'on trouverait sur les continents d'Amérique ou d'Asie dans un espace
et avec des hauteurs analogues. Les îles de la Société ont un bien petit
nombre d'espèces ; elles ont, il est vrai, trois causes d'affaiblissement : l'éloignement
des grandes îles et des continents^ l'origine ignée des montagnes
(a) Les matériaux dont le docteur Hooker s'est servi pour son travail, remarquable à
bien des égards, étaient, comme il le dit lui-meme, assez loin d'être complets.
NOMBRE TOTAL DES ESPÈCES DANS CUAOUE PAYS. 12 8 3
et la formation récente, souvent madréporique, des terres basses. Enfin,
la Nouvelle-Zélande, comparée je ne dis pas à un espace égal de la Nouvelle
Hollande et de l'Afrique australe, mais même à l'île de la Grande-
Bretagne, qui est sous une latitude moins favorable, atteste un apauvrissement
causé par l'éloignement (a). Selon le docteur Hooker (FL
préface, p. vu) l'île de Van-Diémen, avec un tiers de la surface de la
Nouvelle-Zélande, aurait sensiblement plus d'espèces phanérogames. Elle
est sous le même degré de latitude, mais plus rapprochée d'une grande
terre.
La Nouvelle-Hollande paraît cependant, malgré sa vaste étendue, lorsqu'on
la compare avec l'Afrique et l'Amérique sous des latitudes analogues,
avoir moins d'espèces. C'est peut-être un eiîet de l'isolement ; cependant
il ne faut pas oublier combien la sécheresse du centre de l'île est défavorable
aux végétaux. H n'y a que le grand archipel, comprenant Sumatra,
les Philippines et la Nouvelle-Guinée, qui semble ne pas éprouver de diminution
provenant de la position insulaire, mais le rapprochement des îles,
l'élévation et l'étendue de plusieurs d'entre elles, la proximité de l'Asie et
un climat très favorable compensent amplement l'action de l'isolement.
En résumé, les îles éloignées des terres, excepté celles de la région
boréale, ont moins d'espèces qu'une surface égale, dans des conditions
analogues, sur les continents ou près des continents. L'appauvrissement
extraordinaire de quelques petites îles s'explique en outre, soit par une
formation ignée ou madréporique, soit par l'absence d'abri contre les vents
ie mer ou contre un soleil trop ardent. Dans tout cela, les faits s'accordent
avec les prévisions du simple bon sens, car on peut exagérer la
facilité de transport des graines au travers de l'Océan, mais il faut bien
admettre une difficulté quelconque à la diffusion des espèces par cette voie.
Il en résulte que les îles sont exposées à perdre des espèces, comme les
pays continentaux, mais qu'elles ont moins de chances de les voir se
remplacer ou se rétablir par une influence extérieure.
§ V. SUR LES CAUSES QUI DÉTERMINENT LE NOMBRE DES ESPÈCES DANS UN PAYS.
H m'est impossible de ne pas faire ressortir ici, comme dans tous les chapitres
de cet ouvrage, la double iniluence des causes actuelles et des causes
antérieures. Ce que j'ai dit des îles et surtout des îles volcaniques, le fait
(a) La différence est beaucoup moins forte qu'on ne le croyait avant les découvertes
publiées par le docteur Hooker. La Grande-Bretagne, avec une surface un peu plus
grande, mais un climat plus froid, se trouve avoir 4 à 500 espèces de plus. Si l'on
retranche une centaine d'espèces des terrains cultivés ou d'origine étrangère bien prouvée,
si d'un autre coté on ajoute à la Nouvelle-Zélande une centaine de Fougères de plus, qui
prennent la place des Phanérogames, on arrive à une différence bien légère, je dirai
presque à une sorte d'égalité.