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1 0 5 6 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
Quant au point de vue philosophique, la circonstance principale est que
la disjonction de certaines espèces, entre des pays plus ou moins éloignés,
ne peut pas s'expliquer au moyen des causes actuelles de transport.
Ce phénomène présente de l'analogie avec ceux de l'aire des espèces
(chap. VII), en ce ({ue les catégories de plantes a habitation continue très
vaste sont souvent celles qui offrent des disjonctions, et que les espèces
à habitation très vaste (p. 56/i) offrent toujours des faits de disjonctions,
à cause de leur présence dans des îles ou sur des continents distincts. L'extension
de l'aire dépend en partie de causes antérieures; mais la séparation
en dépend d'une manière complète, au même degré que la présence
des espèces dans une des régions de la terre plutôt qu6 dans une autre.
On est conduit par ces deux questions aux grands problèmes concernant
l'état antérieur et l'origine probable des espèces de notre époque. Je vais
m'en occuper dans le chapitre qui suit. J'y reviendrai encore, dans le
chap. XXVI, en considérant non plus les espèces, mais les diverses contrées
delà terre, dans leurs rapports antérieurs probables.
CHAPITRE XL
ÉTAT ANTÉRIEUR ET ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES
ACTUELLES.
ARTICLE PREMIER.
NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER L'ÉTAT ANTÉRIEUR DES ESPÈCES, ET MARCHE A SUIVRE
DANS CE GENRE DE RECHERCHES.
§ I. IMPOSSIBILITÉ D'EXPLIQUKR PLUSIEURS FAITS AU MOYEN DE L'ÉTAT ACTUEL
DES ESPÈCES ET DE L'ÉTAT ACTUEL DU GLOBE.
Dans tout ce qui précède, j'ai exposé la distribution des végétaux telle
que nous la voyons maintenant. J'ai cherché à rendre compte de chaque
fait par un examen attentif de la nature des espèces et des causes extérieures,
physiques ou géographiques, pouvant exercer sur elles une
influence quelconque. Il m'a été impossible de ne pas reconnaître que souvent,
et pour des phénomènes d'une grande importance, les causes actuelles
n'expliquent pas les faits; qu'au contraire des causes antérieures;, c'est-àpeut
avoir élé répandu par les cultures- L'Arceuthobium Oxycedri, qu'on croyait commun
à EEurope et à l'Amérique seplenlrionale, a été reconnu différent dans chaque pays (Gray,
Plani. Lirìd/i., II, p, 214), et ce cas s'est présenté pour beaucoup d'espèces. Je laisse de
côté bien d'autres exemples, car il serait plus long de citer les espèces éliminées que
celles reconnues véritablement pour disjointes.
NÉCESSITÉ DE CONSIDÉRER L'ÉTAT ANTÉRIEUR DES ESPÈCES. 1057
dire la position primitive sur tel ou tel point du globe, un état différent des
espèces, ou enfin une autre distribution des terres, d'autres conditions de
climat, d'autres moyens de transport, sont les véritables causes qui ont
influé sur la répartition actuelle.
Je récapitulerai simplement ces faits sans entrer dans les détails, car
pour plusieurs, ce que je viens d'avancer est évident, et pour d'autres, les
preuves ont été accumulées dans les pages qui précèdent.
1. Certaines espèces existent dans une région, et manquent à telle autre
région où elles pourraient parfaitement vivre, sous l'empire des conditions
actuelles. Je veux dire que si on les y transporte, elles y réussissent,
non-seulement dans les jardins, mais même en rase campagne, où elles
deviennent spontanées (chap. VIII, p. 607). Il parait que beaucoup de
plantes seraient dans ce cas, et se naturaliseraient aisément si les espèces
préexistantes dans chaque pays n'opposaient un obstacle très grand à la
diffusion d'espèces nouvelles, par leurs racines, leur ombre et la multitude
de leurs graines qui se trouvent en réserve dans le terrain (p. 623, 798).
Sans doute, la séparation actuelle des continents et l'absence de moyens de
transport, ont empêché souvent l'extension; mais il est clair aussi que la
position primitive, du moins la position ancienne des espèces, est une
condition dominante, étrangère aux conditions actuelles de climat et de
séparation ou de contiguïté des continents. En d'autres termes, la seule
cause apparente de l'absence d'une espèce dans un pays, est quelquefois
qu'elle ne s'y trouvait pas à une époque, si ce n'est primitive, du moins
antérieure à la nôtre.
2. Les plantes ligneuses se trouvent souvent établies par grandes masses,
dans des pays où maintenant ces mêmes espèces ne peuvent plus s'établir
lorsque le terrain est dénudé. Il faut que, jadis, les conditions du sol et de
l'atmosphère aient été plus favorables ; et cela doit remonter le plus souvent
à une époque antérieure à l'homme, car depuis les temps historiques,
les climats sur lesquels on a des données n'ont presque pas changé.
3. Des espèces à grosses graines, et d'autres qui se naturalisent difficilement,
existent cependant aujourd'hui, à la fois, sur des terres qui sont
séparées les unes des autres par des obstacles insurmontables à ces espèces,
par exemple, dans certaines îles et sur les continents voisins. Il faut qu'à une
époque reculée, des moyens différents de communication aient existé, ou
que la répartition antérieure, peut-être primitive, des espèces, ait déterminé
ce phénomène (p. 998).
h. Plusieurs espèces sont communes à des sommités de montagnes fort
éloignées, ou à des chaînes de montagnes et des pays situés vers le nord
à une grande distance (p. 1007). Aujourd'hui, tout moyen de transport
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