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CHANGEMENTS DANS L HABITATION DES ESPECES.
qu'on dit des vents, des courants, des oiseaux, etc., je ne découvre jamais,
en étudiant la propagation des espèces, une plante transportée au travers
de la mer, d'une autre façon que par le lest des vaisseaux, ou avec des
marchandises, ou par une intervention quelconque de l'homme.
L ' E i s h o i t z i a c r i s t a t a est uue labiée des montagnes de l'Inde et de la
Sibérie, qui existe, peut-être depuis le commencement de ce siècle, en
Russie, où on la donne tantôt comme spontanée (Hoefft, Fl. Koursk^
p. 38, en 1826), tantôt comme subspontanée (Ledeb., Fl. Ross.^ ill,
p. 335), et qui se répand depuis quelques années dans les terrains cultivés
en Allemagne (Reich., FL Exc.^ p. 316; Koch, Syn., édit.,
p. 631), et dans les terrains cultivés, décombres et bords de chemins,
dans la Suède occidentale (Fries, Nov. ed. alL^ I, p. 190; Wahl., F'L
Suec.y II, p. 1082). Les auteurs de la Flore de Courlande (Fleischer et
Lindem., p. 310) la donnent bien pour spontanée, dans les champs, fossés,
rivages; mais rien ne prouve qu'elle y ait toujours existé. En Suède,
elle est certainement introduite depuis 25 ou 30 ans. Selon M. AVahlenberg,
elle s'est échappée des jardins. En Allemagne, on ne doute pas non
plus de son origine étrangère, et quoique M. Reichenbach l'ait admise
comme naturalisée, en 1830, il y a encore une quantité de Flores qui n'en
parlent pas. Elle s'est répandue autour d'Angers, dans les champs (M. Leroy,
verbalement, 1850).
Le Tuiipa ociiitis-soiîs, Saint-Amans, manquait aux environs de Montpellier,
d'après Magnol, Gouan et de Candolle ; mais les caractères les plus
certains, fondés sur les bulbes, n'avaient pas été suffisamment observés
dans les tulipes avant les travaux tout à fait récents, et l'on a pu confondre
l'espèce avec une autre. Plusieurs tulipes sont arrivées autour de Florence
depuis l'époque de Micheli (a).
Je parlerai plus loin (p. 729) des Xanthium arrivés d'Amérique, aux
environs de Montpellier, depuis Magnol.
Le of f i c i n a l e , L . , est aussi, probablement, un arbuste de Grèce,
naturalisé en Italie et en Provence. L'introduction est si ancienne, que
les preuves historiques font défaut. Il est abondant en Syrie, dans l'Asie
Mineure et la Grèce. Il manque à la Sicile et au royaume de Naples. On le
connaît à Tivoli, près de Rome, depuis l'époque de Csesalpin (Cses., II,
p. 71), et peut-être il y était déjà auparavant, car la beauté et l'utilité de
l'espèce avaient dû engager les anciens Romains à le cultiver dans leurs jardins.
M. Bertoloni (FL It., IV, p. liàQ) le cite comme abondant sur les
collines de Tivoli et de Bologne. Maratti (FL Rom., I, p. 33Zi) n'hésite
(a) M. Parlatore m'a certifié ce fait, n en parlera sans doute dans sa Flora Ilaliana.
NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. Qhi
pas à le considérer comme d'origine étrangère. Le Styrax croît en Dalmatie
(h. Roiss. !), peut-être aussi par naturalisation. S'il était primitivement
d'Italië, il aurait, ce me semble, un nom de forme latine, plutôt
que le nom grec s tor ace ou is for ace. D'ailteurs, pourquoi manquerait-il au
royaume de Naples? On le trouve à Nice (Duby), et jusqu'en Provence,
très souvent dans la forêt de Sainte-Baume, à Monrieux, Touris (Garid.,
Aix, II, p. /l50; Robert, PL Toulon; herb. DelessJ), où il est bien
spontané, mais probablement naturalisé d'une époque ancienne. Les
moines l'avaient peut-être reçu dans le tetnps des croisades, à titre de
plante officinale.
Le Yaiiisneria spiralis s'est établi en abondance dans le cariai du Midi
près de Toulouse, déjà au commencement du siècle actuel (DC., FL Fr.,
m , p. 268 ; La Peyr., Hist. pL Pyr., p. 59/i). Il faut qu'il ait été introduitparla
navigation dans cette localité de création artificielle. L'espècen'est
pas indiquée dans le sud-ouest de la France (Thore, Landes FL
Bord., édit. ; Des Moulins, FL Dard.); mais elle est abondante dans
le sud-est, aux environs d'Arles, et les bateaux passent du bassin du Rhône,
par les étangs, dans le canal du Midi. La Peyrolise dit que le Yallisrieria
existait de son temps (1813) dans l'Aude et dans la Garonne, près de Toulouse
seulement (Noulet, FL bassin sous-Pyr.^ p. 593). Il commence
à pénétrer dans le canal latéral (Lagrèze-Fossat, FL Tarn-et-Gar.,
] 8/i7). L'espèce marche de l'est à l'ouest par l'effet des voies ouvertes aux
bateaux. Il n'en était pas de même autrefois, et les Alpes ne sont pas
traversées par des canaux; donc, la présence de cette plante d'eau douce
en Italie et dans le bassin du Rhône est un fait inexplicable par les causes
actuelles : c'est un fait géologique ou de création.
Au Brésil, une Graminée, le Trîstcgis giutinosa, vulgairement Capim
Gordura, s'était répandue, peu avant le voyage de Saint-Hilaire, dans la
province des Mines, venant du pays situé sous 17° hO^ latitude sud
(A. Saint-H., A7in. se. nai.,XXIV, p. 76). Cette plante visqueuse et fétide
apparaît quand on brûle une forêt isolée des campos, et étouffe les autres
espèces. Je présume que le vent charrie ses graines à de grandes distances,
et que la germination commence tout d'un coup lorsque les conditions du
sol se trouvent favorables, après la combustion.
En résumé, les naturalisations en dehors des limites d'une espèce, c'està
dire les extensions de limites sur un même continent, dont j'aurais pu
citer un plus grand nombre d'exemples, tiennent ou à des transports nouveaux
de graines, ou à ce que les stations convenables pour une plante se
sont déterminées dans certaines directions, pour la première fois^ ou à
l'introduction peu ancienne d'une espèce sur un point du continent, de sorte
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