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8 Î 6 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
bitude de la cultiver! On n'en cite aucune preuve d'après leurs traditions,
leur langage et les dires des voyageurs. J'ai déjà indique l'opinion du
docteur Roulin à cet égard (p. 811). M. Asa Gray, professeur de botanique
à Harvard University, près de Boston, est dans le môme sentiment,
qui est partagé, me dit-il, par M. Harris, bibliothécaire de l'université, un
des hommes les plus versés dans les antiquités du pays. H y a dans l'ensemble
de ces faits et de ces assertions des choses qui concordent mal. Si
l'on venait à découvrir une preuve de la culture du Solanum tuberosum
chez les anciens Mexicains, la présence de la plante spontanée dans leur
pays deviendrait plus probable, quoique, d'une manière abstraite, une
habitation s'étendant de la Patagonie au Mexique soit toujours invraisemblable.
Il est plus probable cependant, comme je l'indiquais au début de cet
article, que la pomme de terre apportée de la Caroline par les Anglais
aurait été introduite antérieurement sur cette côte par des Européens,
car les Espagnols l'avaient déjà transportée du Pérou dans divers pays, au
moins dans le leur.
Manioc. — Les maniocs à suc vénéneux et à suc non vénéneux étaient
considérés autrefois comme des variétés d'une seule espèce (Jatropa Manihot,
L., Janipha Manihot, Kunth). Maintenant, surtout depuis les
recherches de Pohl {Fl. Bras., I, p. 17), on les regarde plutôt comme
deux espèces, lïiiie dont il faut extraire le suc vénéneux pour employer la
racine et qui a des feuilles à sept lobes {Manihot uiilissima, Pohl),
l'autre à suc doux et à feuilles 5-lobées {Manihot Aipi, Pohl). Le nom
générique de Manihot, employé déjà par Plumier, Tournefort et Adanson,
est préférable en lui-même et par ancienneté aux deux autres.
L'abbé Raynal a répandu une erreur en disant que le manioc avait été
apporté d'Afrique en Amérique. M. Robert Brown {Bot. Congo, p. 50) affirmait
le contraire, en 1818, sans donner cependant de preuves, et depuis
M. Moreau de Jonnès ( / iû^ Acad. se,, 182/i), M. de Humboldt {Noiw.-
Esp., S^édit., vol. II, p. 398), et M. A, de Saint-Hilaire (GuilL, Arch,
bot., I, 239), ont insisté sur l'origine américaine. Il est difficile d'en
douter. En eifet : Les deux Manihots étaient cultivés par les indigènes du
Brésil, de la Guyane et des parties chaudes du Mexique avant l'arrivée des
Européens; 2° celte culture était très commune aux Antilles dans le
xvr siècle (J. Acosta, Hist. nat. Ind., trad, franç., 1598, p. 163);
3" elle est encore actuellement plus répandue dans le nouveau monde que
dans l'ancien; elle a été importée à l'île de Bourbon, de mémoire
d'homme, par le gouverneur de la Bourdonnais (Thomas, Stat. Bourh., II,
p. 18), et dans l'Inde elle n'est encore qu'un objet de curiosité ; 5« il existe
une foule de variétés et de noms vulgaires indigènes en Amérique
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 81 7
(Poh], l. c.; Aubl., Guy,,yo\. II, mém. 3), ce qui ne paraît pas avoir lieu eu
Afrique (Thonn., Guin., p. /il/i; Hook., FL Nigr.)] 6Me genreManihot
ne compte pas moins de quarante-six espèces au Brésil seulement (Pohl,
L c.), presque toutes spontanées, mais aucune espèce indigène n'a été
découverte dans l'Afrique tropicale (Hook., FL Nigr.; Bojer, II. Manr.).
Il est difficile, assurément, de comprendre comment les nègres de la côte de
Guinée et du Congo ont reçu le manioc; mais toutes les probabilités botaniques
et historiques militent en faveur d'une importation du nouveau monde.
Les expressions des voyageurs qui ont parcouru l'Amérique méridionale
sont peu claires à l'égard de la qualité spontanée des Manihot. Pohl {F'L
Bras.^ I, p. 29) dit bien, en pariant du Manihot Aipi : « Colitur in tota
» Brasilia et in America hispanicà, certissime Brasilia^ indigena, » et du
Manihot utilissima (p. 33) : « Colitur in tota Brasilia et America meridio-
» nali et est indigena Brasilia, nec unquam ex Africa translata; » mais il
ajoute (p. 34) : c< Verum difficile problema videtur, in omnibus quce coluntur
» plantis veram primariamque vel originariam ejus speciem designare. Ego
» quidem primitivam ipsius Manihot utilissima
» plantam esse censeo. » D'où il paraît que Pohl n'avait pas rencontré de
Manihot sauvage identique avec aucune des plantes cultivées. M. de Martins
n'en avait pas vu également, car Pohl avait examiné les Manihots de sa
collection (Pohl, p. 55), et il ne cite aucune localité pour le Manihot commun.
Son Manihot pusilla semble assez différent des espèces cultivées,
d'après les figures. MM. de Humboldt et Bonpland disent, en pariant des
deux espèces cultivées (Janipha Manihot, Kunth, TVo?;. gen.^ H, p. 108) :
« Crescit fere sponte, locis aridis exustis, prope Mompox in convalli llu-
» minis Magdalense. » Quant aux auteurs anciens, comme Piso, il est
assez hasardeux de dire si les Manihots sauvages dont ils parlent sont les
types des espèces cultivées ou l'une des autres espèces décrites comme
indigènes par les botanistes modernes. La planche duMandihoca sauvage,
de Piso (p. 55) est rapportée par Pohl, quoique très mauvaise, dit-il, au
Manihot Aipi. Assurément il est probable que les deux espèces croissent
spontanément au Brésil, surtout vers la région du lleuve des Amazones,
mais on n'en a pas encore la preuve complète.
Arum Coioeasia, L. {Colocasia antiquoTum, Schott, Melet.).—On cultive
cette espèce dans les eaux du Delta d'Egypte, sous le nom de Qolkas
(Belile, FZ. ill., p. 28), on Koulkas (hûiÎQ, De là Colocase des anciens,
br. in-8,1846). Clusius {Ilist. II, p. 75) avait vu la plante en Poït.
ugal. H dit que les Espagnols rappelaient Alcoleaz et l'avaient reçue
d'Afrique. M. Boissier {Voxj, bot. Esp., II, p. 590) cite, comme nom
vulgaire dans le midi de l'Espagne Alcolcaz, qui rappelle complètement
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