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les éléments avec lesquels on parviendra une fois à les résoudre; mais
la solution ne viendra que des progrès de la géologie et de la paléontologie.
Il y a, en effet, trois degrés à parcourir.
D'abord, on remarque des espèces disjointes, c'est-à-dire séparées
aujourd'hui entre pays plus ou moins éloignés, sans qu'aucun transport
moderne puisse en rendre compte. Ce sont des présomptions d'anciennes
contiguïtés. Les botanistes ne sauraient trop étudier les faits de cette
nature, indépendannnent de toute théorie. L'examen en est diiTicile. Il
exige de l'expérience, du jugement, et de grandes ressources en livres et
en herbiers. La zoologie, de son côté, présente les mêmes recherches à
faire. En particulier, la distribution des mollusques terrestres offre des
faits analogues à ceux des végétaux, et ils acquièrent plus d'importance à
cause de la bonne conservation des coquilles dans les terrains.
Plus tard, lorsque le pays est exploré par des géologues, on découvre
des indices ou des preuves d'anciennes connexions entre les pays offrant
des espèces communes, quoique séparés. La science en est parvenue à ce
point pour l'Europe, les bords de la mer Méditerranée et le nord-est de
l'Amérique. Il en résulte que les hypothèses de Forbes, et celles émises
tout à l'heure sur nos régions européennes, reposent déjà sur des indices
ou commencements de preuves.
Enfin, il arrivera un jour, probablement, où l'on aura découvert nos
espèces actuelles, au moins certaines espèces, à l'état fossile, dans des
couches de diluvium, dans des tourbes anciennes ou des terrains d'une
époque déterminée de la période quaternaire ou peut-être tertiaire. Ce sera
sans doute par les animaux que ces belles découvertes commenceront, car
on aura infiniment de peine à découvrir des végétaux dans des couches
supérieures exposées à l'air et aux inondations, pendant des milliers
d'années, avant la présence de l'homme, depuis l'élévation des Alpes.
Il ne faut cependant pas désespérer de rencontrer des graines et des
fruits reconnaissables jusque dans ces couches superficielles où se trouve
le noeud de la question. Si l'on y parvient, les hypothèses de Forbes seront
démontrées, modifiées ou renversées par des arguments positifs.
Quand il s'agit des pays hors d'Europe, nous n'en sommes pas même au
second degré. On a constaté des espèces disjointes, mais on est loin d'avoir
donné à ce genre de faits toute l'attention qu'il mérite, et lorsqu'on est
arrivé à connaître plusieurs de ces espèces dans une contrée, on voit avec
regret que la géologie ne possède encore à peu près rien sur les connexités
possibles entre les localités éloignées. Je parlerai donc des pays
hors d'Europe d'une manière beaucoup plus brève. Auparavant, il me faut
mîFLEXIONS SUR CE GENRE D'HYPOTHÈSES, ETC. 13 2 5
indiquer certaines causes d'erreurs, certains défauts de raisonnement,
essentiels à connaître dans ce genre si nouveau de recherches. Je réduirai
sur ce point mes recommandations aux suivantes :
i^Ne pas confondre deux questions très différentes : l'ancienneté probable
d'une végétation et l'ancienneté probable de chacune des espèces ou
catégories d'espèces qui la composent. Une végétation qui continue depuis
une époque géologique ancienne peut contenir des espèces récentes; il est
probable même que les espèces se sont en partie renouvelées par des
extinctions d'espèces, des naturalisations ou des créations. Inversement,
une végétation récente peut se composer plus ou moins d'espèces anciennes,
venues des régions voisines. Le célèbre Schouw a méconnu cette distinction
dans son Mémoire sur l'origine de la création végétale existante (a);
c'est une des causes pour lesquelles je ne l'ai point cité dans ce qui
précède.
2° Ne pas employer les chiffres fondés sur les flores, surtout les proportions
d'espèces de diverses familles ou catégories, pour apprécier l'origine
des végétations, ou du moins, ne les employer qu'avec prudence et
dans certains cas. Les flores actuelles étant le résultat de divers événements
antérieurs, les chiffres ont presque toujours une signification ambiguë.
Ainsi, une île placée entre deux continents présente ^ d'espèces
communes avec l'un et i communes avec l'autre; cela peut venir, soit de
communications plus prolongées ou plus récentes avec le second de ces continents,
soit d'une extinction plus considérable des espèces sur le premier
des continents ou de certaines espèces dans l'île, à la suite de modifications
de climats. Les faits botaniques bien constatés ont de l'importance, mais
leur nombre en a beaucoup moins. La défiance des chiffres doit être encore
plus grande lorsqu'il s'agit des espèces fossiles, car on ne connaît qu'une
petite proportion de chaque époque, et d'ailleurs, on confond probablement
des espèces ayant vécu sur place ou transportées par des courants, et même
des espèces ayant existé dans des localités différentes à plusieurs milliers
d'années, peut-être, de distance; j e veux dire qu'on croit des espèces contemporaines,
tandis qu'elles peuvent avoir changé d'habitation dans une
série de siècles. Sous d'autres points de vue, les proportions par familles
ont peu de valeur. Que deux flores présentent, par exemple, 6 pour dOO
et 10 pour 100 d'espèces d'une existence probablement récente, cela peut
(a) Traduit du danois en anglais, dans Hooker's Journal, 1850 et 1851. Voyez iSoO,
p ; 376. Ce travail a été le dernier de l'auteur, et se ressent de la maladie grave dont il
était atteint. Je n'ai pas reconnu dans les opinions relatives aux glaciers et dans l'appréciation
des formes végétales les plus développées, la justesse d'esprit et l'érudition dont
ce savant, aussi exact que hardi dans ses idées, avait donné précédemment des preuves
nombreuses.
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