9 2 0 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE ÜES ESPÈCES CULTIVÉES.
l'Inde. D'après Rumpliius (I, p. 105), il est commun dans les îles occidentales
de l'archipel indien ; mais il devient rare vers les îles orientales,
où il n'a plus de nom vulgaire. Dans le siècle dernier, il n'existait pas dans
les cultures des petites îles de la mer Pacifique, telles que O'Taïti, les Marquises,
etc., car Forster (P/aw^ esc., et Guillem., ZejoAyr. 7Vî<.) ne l'indiquait
pas. Ainsi, l'espèce ne peut être originaire que de la péninsule
indienne, des îles occidentales de l'archipel asiatique, de la péninsule
malaie, de la Cochinchine ou de la Chine méridionale, pays où elle est
cultivée très généralement.
Rumphius assure qu'elle est spontanée dans les forêts de Ceylan : « In
Zeijlana frequentissime occurrunt hoe arbores, ibique crassissimoe et
gravissima: in sylvis crescunt, uli alioe arbores sylvestres » {Amb., I,
p. 106). La variété de Rumphius, I, tab. 31, que l'on rapporte à la même
espèce (Trécul, Ann. sc. nat., 3« sér., VIII, p. 116), est probablement
sauvage également dans les îles occidentales de l'archipel, d'après ce que
dit l'auteur (p. 108). Rheede {H. Malab., III, p. 18) n'est pas explicite
sur sa qualité spontanée. Il dit : « Nascitur hoec arbor ubique in Malabar
et per totani Indiam. » Roxburgh (FI. Ind., édit. 1832, III, p. 522)
déclare ignorer la patrie originaire; mais M. Wight (ic. II, n. 678) nous
dit heureusement : « Comme j'ai trouvé à plusieurs reprises cet arbre dans
les jungles les plus sauvages et sur les escarpements les plus difficiles à
atteindre, j'ai pensé qu'il doitêtre véritablement originaire de l'Inde. Cependant,
cette opinion peut n'être pas fondée, car un arbre dont le fruit est si
généralement estimé, pourrait avoir été transporté et propagé dans les
endroits les plus sauvages. » Malgré ce doute, je suis disposé à regarder la
péninsule indienne et Ceylan comme la patrie primitive et actuelle de
l'espèce. Les témoignages de Rumphius et de Wight, d'accord avec les
inductions historiques, me suffisent, d'autant plus que Loureiro {Fl.
Coch.) n'a trouvé l'espèce que cultivée en Cochinchine et en Chine.
M. Rlume (Bijdr., p. /i82) parle d'une variété spontanée à Java.
Le Jacquier a été introduit dans l'île Maurice et tend à s'y naturaliser,
c'est-à-dire à devenir spontané (Rojer, H. Maur., p. 260). On le cultive
aux Antilles anglaises depuis la fm du siècle dernier (Hook., Bot. mag.,
tab. 2833). Il ne paraît pas qu'on le cultive sur la côte occidentale de
l'Afrique (Rr., Congo; Hook., FI. Nigr.).
Phoenix dactilífera, L,. — Je ne cite le Dattier que pour rappeler :
1° son importance dans le nord de l'Afrique et dans plusieurs contrées
voisines(voy. p. 3/i3); 2''sa culture fort ancienne; S^sa qualité d'arbre spontané,
non contestée, principalement sur tout le revers méridional de l'Atlas.
m u s a s api e iKum, Biv {Bot. ofCongo, p. 51), M u s a paradisiaca et
OUIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 921
Musa Trogiodytarum, Linné (Sp., p. i / i78). — On regardait assez
généralement le Rananier, ou les Rananiers, comme originaires de l'Asie
méridionale et comme transportés en Amérique par les Européens, lorsque
M. de Humboldt est venu jeter des doutes sur l'origine purement asiatique.
Il a cité, dans son ouvrage sur la Nouvelle-Espagne (1" édit., il,
p. 360), d'anciens auteurs d'après lesquels le Rananier aurait été cultivé
en Amérique avant la découverte.
R convient que, d'après Oviédo (Hist, nat., 1556 (a), p. 112-ilZi),
le père Thomas de Rerlangas aurait transporté, en 1516, des îles Canaries
à Saint-Domingue, les prejTiiers Rananiers, introduits de là dans d'autres
îles et sur la terre ferme (b). Il reconnaît que, dans les relations de Colomb,
Alonzo Negro, Pinzon, Yespuzzi et Cortez, il n'est jamais question du Rananier.
Le silence de Hernandez, qui vivait un demi-siècle après Oviédo, l'étonne
et lui paraît une négligence singulière, « car, dit-il (2" édit., p. 385),
c'est une tradition constante au Mexique et sur toute la terre ferme, que
le Platano arton et le Dominico y étaient cultivés longtemps avant l'arrivée
des Espagnols. » L'auteur qui a marqué avec le plus de soin les différentes
époques auxquelles l'agriculture américaine s'est enrichie de productions
étrangères, le Péruvien Garcilasso de la Yega (Commentarios
reaies, l, p. 282) , dit expressément que, du temps des Incas, le maïs, le
quinoa, la pomme de terre, et dans les régions chaudes et tempérées, les
bananes faisaient la base de la nourriture des indigènes. Il décrit le Musa
de la vallée des Andes ; il distingue même l'espèce plus rare, à petit fruit
sucré et aromatique, le Dominico, de la banane commune ou Arton. Le
père Acosta ( f fûi . nat. deindias, 1608, p. 250) affirme aussi,quoique
moins positivement, que le Musa était cultivé par les Américains avant l'arrivée
des Espagnols. Enfin, M. de Humboldt ajoute, d'après ses propres
observations : « Sur les rives de l'Orénoque, du Cassiquiare ou du Reni,
entre les montagnes de l'Esméralda et les rives du fleuve Carony, au milieu
des forêts les plus épaisses, presque partout où l'on découvre des peuplades
indiennes qui n'ont pas eu des relations avec les établissements européens,
on rencontre des plantations de Manioc et de Rananiers. » M. de Humboldt,
en conséquence, a émis l'hypothèse qu'on aurait confondu plusieurs
espèces ou variétés constantes de Musa, dont quelques-unes seraient originaires
du nouveau monde,
M. Desvaux s'empressa d'examiner la question spécifique et dans un
travail vraiment remarquable, publié en 1814 (Desvaux, Journ. bot.,lY,
(а) Le premier ouvrage d'Oviédo est de 1526. C'est le plus ancien voyageur naturaliste
cité par Dryander [Bibl. banks.) pour l'Amérique.
(б) J'ai lu ce passage également dans la traduction d'Oviédo par Ramusio, vol. ÎU,
p. 113.