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C H A N G E M E N T S DANS L'IIABITATION DES ESPÈCES.
N A T U R A L I S A T I O N A PETITE DISTANCE. 687
Euphorbia exigua, L. — © — Uniquement dans les champs, à l'époque de
Ray, comme aujourd'hui. De même sur le continent, audire de J. Bauhin. Je me
réserve de scruter l'origine probable de cette espèce et d'autres euphorbiacées à
l'occasion du XV^ volume du Prodromus.
Le Buxm sempervircns, L., est considéré par M. Watson {Cyb., Il, p. 366)
comme d'origine étrangère, mais naturalisé [denizen). Plusieurs des localités
anglaises sont suspectes, et il est douteux que l'espèce se maintienne par ses
graines en rase campagne. Le docteur Bromfield [Phyl., 1850, p. M 7) a aussi
des doutes. Il remarque cependant que le Buis est bien spontané sur les colhnes
calcaires delà Belgique méridionale, sous une latitude semblable à l'Angleterre;
mais cette assertion n'est pas confirmée par les Flores belges à moi connues
(Leslib,,/iof. Beig., 1827, II, p. 294 ; Lej. et Court., Compend. ; Kickx, FI.
Brüx.] Hannon, Fl Beig.]. En Hollande, l'espèce est indiquée comme se répandant
quelquefois hors des cultures {Prodr. FL. Bat., p. 239). M. Pauquy [FI.
dep. de la Somme) n'indique de localité que près de Paris ; mais la Flore de Normandie
donne l'espèce comme venant dans les bois et les haies. Celle du Calvados
(Hard., Ben , Led. , p. 237) indique les haies, le voisinage des habitations. Le
Buis manque aux îles de la Manche (Bab., Prim. ; Piquet, Pliylol., 1853), à l 'Irlande
et à la partie nord-ouest de la péninsule ibérique (Colm., Ree. Galic.). Il
paraît plus spontané en Angleterre qu'en Normandie. Ainsi, on l'a indiqué abondant
sur les collines calcaires de Dunstable (Sm., Fngl. FL, IV, p. 133). Il peut
s'être naturalisé à la suite d'une culture ancienne dans le pays, j'en conviens ;
mais ce serait à une époque déjà reculée, car il paraît avoir été plus commun
autrefois, avec une apparence spontanée (Wats., l. c.). Bay [Syn., édit. 1724,
p 445) le compte parmi les espèces indigènes, et Gerarde, en ^ [Herbal,
p . 1225), dit : Sur diverses collines incultes et stériles de l'Angleterre. » —
Les noms de Buxus, Buis, Buchs, Box, ou analogues, sont dans les langues
gréco-latines, germaniques, slaves (ßtis enillyrien, Puss-panen bohémien) , peut -
être même celtiques {Beuz en bas breton). On en retrouve les traces ou l'origine
en calmouk Boschlom,el en géorgien Bsa (Pali., Fl. Ross., II, p. 28) : mais les
langues tarlare et persane ont un nom tout différent (Pali., ib.). On peut en
inférer, ou que les plus anciennes migrations de l'est à l'ouest, en Europe, ont
répandu la plante, ou que les peuples en arrivant trouvaient déjà l'espèce et lui
conservaient un nom connu et primitif. Dans l'un et l'autre cas, la présence,
dans l'étendue de l'habitation actuelle, serait, historiquement parlant, très
ancienne.
M e r c i i r i a l i s annua, L. — (î) — Le docteur Bromfield [Phylol., 1850,
p. 823), dans un article intéressant sur cette plante, a prouvé qu'elle était d'autant
moins commune en Angleterre qu'on remonte plus haut dans les ouvrages.
Les textes de Ray (1724), Parkinson (1 640) et Gerarde (1 597) sont curieux sous
cepointdevue, et surtout celui de Turner [Herbal, 1 566), qui reproche à ses compatriotes
d'avoir employé jusqu'alors une fausse mercuriale, et qui ajoute, en parlant
de la vraie qu'il voyait en Allemagne : « Elle commence maintenant à être
connue à Londres et chez les gentilshommes du voisinage. » En anglais, il
n'existe qu'un nom, French Mercury, indiquant une origine étrangère, tandis que
les Allemands avaient Bingelkraut et Küwarlz, déjà du temps de Bauhin [Hist.,
I I , p. 978), que les Hollandais ont Schyt kruyd (herbe Schxji), qui a des analogues
en polonais, Szczyr, et en hongrois Ssel-fu, qu'il y a un nom latin tiré de Mercure,
vm vieux nom français Cagarelle, etc. Évidemment, cette herbe, aujourd'hui
si commune dans les îles Britanniques, y est d'origine étrangère, et, d'après
les noms, je ne la crois pas introduite par les jardiniers flamands, comme le
supposait Bromfield, mais'plutôt venue de Franco, au xvi'siècle seulement,
usitée d'abord comme légume, et répandue ensuite avec le progrès des cultures.
ï J r t i c a pîlulifei-a, L . — © e t (2) — Cette espèce, à laquelle plusieurs réunissent
rUrtica Dodarlii, présente plus que les autres orties des indices d'origine
étrangère dans la Grande-Bretagne. M. Watson [Cyb., II, p. 369) la croit
étrangère, et dit qu'elle paraît et disparaît dans diverses localités, maintenant
cornine autrefois. Bromfield [Phylol, 1 850, p. 827) est moins affirmatif. Il
trouve l'espèce aussi établie à Yarmouth, par exemple, qu'à Montpellier, où il a
eu occasion de l'observer. Le nom anglais Roman nettle [Ortie romaine), était
déjà le seul usité en 1597, du temps de Gerarde [Herbal, p, 571 ], et selon lui, on
appelait également cette itlanie Ortie italienne et Ortie romaine, dans les dialectes
du haut et du bas allemand. Il la dit étrangère en Angleterre, mais cultivée. Parkinson,
en 1 640 [Herbal, p. 441), cite une tradition, ou si l'on veut une invention,
qui n'est pas sans quelque valeur. « Semée dans nos jardins, dit-il, comme
en Allemagne et en France, elle a été trouvée croissant naturellement depuis un
temps immémorial, dans deux localités, la ville de Lidde, près Romney, et les rues
de la ville de Romney, dans le comté do Kent, oià l'on rapporte que Jules César a
débarqué avec ses troupes et séjourné quelque temps, ce qui, probablement, a
déterminé le nom de Romania, et par corruption, Romeney ou Romny, et comme
elle croît dans cette localité, on dit que les soldats en avaient apporté des graines
avec eux et les avaient semées pour, avec l'herbe, se frotter les membres lorsqu'ils
seraient engourdis par le froid, car on leur avait dit d'avance le climat de
la Grande-Bretagne si rigoureux, qu'ils ne pourraient pas le supporter sans des
frictions pour ramener la chaleur naturelle, et depuis ce temps-là, elle aurait continué
à vivre dans cet endroit, en se semant chaque année de ses graines (a). »
Humulus Lupuhis, L. Les doutes émis par Smith, et plus récemment par
M. Watson [Cyb., II, p. 372), sont combattus victorieusement par Bromfield
[Phytol., 1850, p. 827). — Voir plus loin, chap, ix, l'article concernant le
houblon.
Castanea vesca, Goertn. Déjà du temps de Turner, en 1 568, il existait de
vieux châtaigniers en Angleterre, dans le comté de Kent. « In the fieldes and
many e gar dins, » expressions du/ /eròai , citées par Bromfield (P/iyioiog/si, 1 850,
p. 853), qu'on doit comprendre, ce me semble, comme signifiant « la campagne
et plusieurs jardins. » Gerarde, 1597, parle de bois de châtaignier [Herb.,
p. 1 254). 11 existe près de Tortworth, dans le comté de Gloucester, un Châtaignier,
qui était déjà cité pour sa grosseur en 11 35, et qui avait, en 1766, une
(a) L'origine des orties communes présente un certain intérêt. On les regarde comme
les fidèles compagnes de l'espèce humaine ; or, je vois avec surprise que la langue sanscrite
n'a pas de nom correspondant à celui d'ortie (Roxb. Pl.; Piddington, Index), quoique l'on
connaisse des noms dans les langues modernes de l'Inde, le bengali, l'hindoustani, etc. J'en
conclus que les anciens peuples indo-germains, partis de la région caucasique n'avaient
probablement pas d'orties chez eux, bien que maintenant elles abondent dans le Caucase
et aux environs (Bieb., Pl., etc.). Les orties communes seraient donc originaires d'Europe.
Elles ont reçu, en effet, des noms divers, grecs, latins, slaves, germains, celtes, qui expriment
le plus souvent la propriété des feuilles, comme Urtica de uro, Nessel (allem.) et
Nettle (angl.), venant peut-être de Nadel, aiguille, etc.
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