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6 1 6 CHANGEMENTS DANS L'HABITATION DES ESPÈCES.
On ignore, pour la plupart des espèces (a), le temps pendant lequel les
graines peuvent rester sous l'eau sans se gâter et sans perdre la faculté de
germer. Il y a sans doute de grandes diliérences d'une graine à l'autre : les
unes pourrissent vite ; les autres, les noyaux, par exemple, doivent se consen^
er longtemps, et même se trouver à la fin d'un long trajet dans une
rivière plus disposées à germer, les parties dures s'étant ramollies.
Les courants marins peuvent aussi porter des graines à d'immenses distances.
Ils doivent d'autant plus fixer notre attention que, si des flores de
continents éloignés peuvent se mélanger, ce doit être par leur action, le
vent étant reconnu impropre à transporter lu plupart des graines au travers
de la mer. Il faudrait savoir d'abord jusqu'à quel point les graines
résistent à une longue innnersion dans l'eau salée. Supportent-elles mieux
l'eau de mer que l'eau douce ? Tout cela est à peu près inconnu, et il
est vraiment surprenant que les botanistes et les géologues n'aient
fait aucune expérience directepourrésoudre des questions siimportantes(6).
Les graines d'Amérique apportées sur les côtes d'Ecosse et de Norwége
par le courant de l'Atlanlique sont ordinairement privées de la faculté de
germer. Je dis ordinairement, car d'après Linné (c), et un savant écossais
dont parle M. Ch. Marlins sans le nommer (d), ces graines germent quelquefois
quand on veut les faire lever. D'autres voyageurs ont dit le contraire
(e). Sloane, qui a le premier reconnu l'origine de ces fruits ou
graines, ne dit point qu'on les voie germer (/"), et l'habitude générale des
paysans écossais et norwégiens, de conserver ces graines plutôt que de les
semer ou de les vendre aux horticulteurs des villes, qui seraient certainement
curieux de les voir lever, me fait croire qu'elles ont ordinairement
perdu la faculté vitale en arrivant en Europe.
Le Coco de mer, Lodoicea Seychellarum Labill., est porté depuis des
siècles, par un courant, des îles Praslin aux Maldives; cependant il ne
s'est pas naturalisé sur ce dernier archipel, dont le climat est fort analogue(^).
J'admets difficilement la ' conservation de la faculté de germer
(a) M. Dureau de La Malle (Ann. sc. nal., V, p.' 373) cite un fait d'après lequel les
graines de moutarde et celles de bouleau conservent leur vitalité après vinst ans d'immersion
dans l'eau douce.
(b) Voyez à la fin de cet ouvrage la note sur les questions à résoudre. M. Godron
(Migr. des vegét., p. I l ) a observé, dans le voisinage d'étangs salés, des graines de
Grammees qui germaient après immersion pendant un hiver,
(c) Linné, Colonioe plantarum, dans Amoen. acad., vol. VIII, p. 3.
(d) Martins, Essai sur la végét. des lies Féroé, p. i i i ; id. Voij. bot. en Norwéae
p. 129. -J y ,
le) M. Louis Necker, cité par de Candolle, article Géogr. bot., dans le Dictionn. se
nat., vo). XVIII.
if) Sloane, Philos. Irans., 1695, n" 222.
(g) Voyez l'histoire complète de ce palmier dans Hooker, Bol. MIag., t. 2734.
CAUSES DE TlUNSPOUTS. 617
après un Wng transport par un courant, à moins qu'il ne s'agisse de certaines
graines qui conservent plus que d'autres les propriétés vitales, comme
celles des Légumineuses et des Malvacées (voyez ci-dessus p. 541) . J'ajoute
encore que souvent la direction des courants porte les graines sur des
parages où l'espèce ne peut presque pas s'établir à cause du climat. C'est
le cas du gulf-siream en Ecosse et en Norwége, du courant qui remonte
du sud au nord sur la côte du Japon, et même de celui qui longe le
Labrador et les côtes de la Nouvelle-Angleterre, à une profondeur plus
grande que le courant superficiel (a). Je montrerai, d'ailleurs, qu'il ne suffit
pas d'une graine ou de quelques graines pour naturaliser une espèce
quand un pays est déjà couvert de plantes; mais que, pour lutter contre la
([uantité énorme de graines et de racines qui existent, il faut une aflluence
considérable de graines en bon étal.
Si les courants qui traversent de grandes étendues de mer et ceux qui
se dirigent sur les côtes dans le sens des méridiens me paraissent avoir
peu d'effet à l'égard des transports de graines et surtout de l'introduction
des espèces dans de nouvelles llores, j e n'eu dirai pas autant des courants
qui longent les côtes, ou qui passent d'une terre à une autre terre voisine,
dans le sens des degrés de latitude. Sous ces conditions, les graines sont
portées, pour ainsi dire, d'étape en étape. Elles restent peu de temps dans
l'eau, elle climat des localités successives est favorable à leur développement
ultérieur. Ainsi, le courant qui fait à peu près le tour de la mer Méditerranée,
longeant la côte d'Afrique jusqu'en Syrie, revenant ensuite de
l'est à l'ouest sur plusieurs points de la côte d'Europe, ce courant a pu
évidemment transporter et naturaliser des espèces dans de grandes étendues
de la région méditerranéenne. La partie du Gulf-streara qui contourne le
golfe du Mçxique, le courant qui va de Madère aux Canaries, des Canaries
à la cote du Sénégal, celui qui continue le long de cette côte, dans toute
l'étendue de la Guinée, celui de la côte orientale d'Afrique ; le courant du
Chilian Pérou, celui de l'Orégon au Mexique; le courant qui traverse de
l'est à l'ouest les archipels de la Société, de Eidgi, etc. (b) : tous ces courants
doivent avoir de l'influence, car les graines qu'ils transportent peuvent
ne pas rester longtemps en mer et ont bonne chance de réussir par des
naturalisations de place en place.
Les.géologues ont attiré l'attention des botanistes sur un mode de transport
qui peut avoir de l'importance dans les régions septentrionales, celi^i
par des blocs de glaces flottantes. « Ce n'est point une hypothèse gratuite,
(а) Sir C. Lyell, Second tour in America.
(б) Berghaus, Physic. Allas, II Abth., n. 3; Beechey, dans llerschell, Manual of
scient, enquiry, carte, p. 106.
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