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J 0 9 8 ORIGINE PUOlUBLfc: DKS ESPÈGKS SPONTANÉES ACTUELLES.
iienieiit aux temps anciens, et l'on sentira combien la production de la
grande majorité des espèces par dérivation est incompatible avec leur groupement
actuel près les unes des autres.
Je résume cet article et je dis :
^ Les espèces sont susceptibles de modifications par Teffet de causes intérieures
inconnues, et même de causes extérieures peu intenses.
Les formes produites ne deviennent héréditaires que par TeiTet de l'isolement
et du temps.
Ainsi les formes nouvelles qu'on pourrait considérer comme des espèces
distinctes (et qui le sont en définissant l'espèce d'une certaine manière),
ne peuvent être que des formes réparties dans des pays séparés les uns
des autres.
Or, l'immense majorité des espèces de chaque genre étant groupées sur
le même continent, quelquefois dans une même île, on ne peut pas leur
appliquer ce mode de formation.
J'admets ainsi les deux modes d'introduction de nouvelles formes spécifiques
soutenus par deux écoles de naturalistes; mais le mode par dérivation,
comme possible dans le cas très rare d'espèces aujourd'hui analogues,
géographiquement séparées, et le mode par une formation propre a
chaque espèce comme certain pour Limmense majorité des espèces. Le
premier mode ne formerait même pas de véritables espèces, mais plutôt
des races, que nous confondons nécessairement avec les espèces, vu l'impossibilité
de remonter par l'observation jusqu'à des temps très anciens.
L'autre mode serait le seul réel.
Ceci me conduit à étudier les hypothèses qui ont été émises sur la création
des espèces proprement dites et sur leur mode primitif de distribution;
mais auparavant je dirai quelques mots d'une théorie, présentée aussi
comme hypothèse, dans laquelle on cherche à expliquer la progression
géologique des êtres organisés par une variabilité plus grande des espèces
a certaines époques, ou du monde, ou de chaque espèce en particulier,
§ IV. HYPOTHÈSES D'UNE VARIABILITÉ :PLUS GRANDE DES ESPÈCES DANS CERTAINES
ÉPOQUES GÉOLOGIQUES OU A CERTAINS AGES DE L'ESPÈGE.
On croit échapper aux difficultés des grandes questions de paléontologie
en supposant une variabilité des espèces plus grande, tantôt dans certains
moments de transitions géologiques, tantôt à certaines périodes de la vie
des espèces elles-mêmes.
La première de ces hypothèses ne repose sur aucune base d'histoire
naturelle, sur aucun indice physiologique ou historique, même léger.
Ce serait dans les années qui suivent de grandes révolutions du globe que
c
CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1099
les espèces, éprouvant de nouvelles influences, se mettraient tout d'un coup
à varier; elles seraient saisies d'une sorte de fièvre et se changeraient en
d'autres formes, considérées par nous comme des espèces distinctes. Mais,
de quelle nature sont ces révolutions du globe qui détermineraient des
phénomènes aussi extraordinaires ? De la même nature que les circonstances
dont nous sommes témoins, qui ne produisent nullement des faits semblables.
Ce sont des éruptions de volcans, des exhaussements du sol, des
terres qui s'élèvent au-dessus de la mer, d'autres qui disparaissent, des
glaciers qui avancent ou reculent. Tout cela se voit de nos jours et ne
change pas le degré de variabilité des espèces. Il est vrai que les phénomènes
sont locaux, d'une faible importance;mais ils sont de même nature,
et c'est l'essentiel. On peut, d'ailleurs, se représenter des changements
plus importants. Supposons qu'un immense continent vînt à s'élever au
midi de la Nouvelle-Zélande et de la Nouvelle-Hollande. Ce serait une
des plus grandes révolutions qui pût arriver; cependant, elle n'aurait
aucune influence sur l'hémisphère boréal, et, en outre, rien ne peut faire
supposer que les espèces des îles Auckland, Kerguelen, etc., qui se trouveraient
sur ce nouveau continent, fussent saisies tout à coup d'une faculté
nouvelle de transformation. L'analogie de faits connus nous fait comprendre
que les unes périraient, tandis que d'autres se répandraient peu à peu.
Elles ne seraient point isolées ; les individus, en devenant plus nombreux,
pourraient toujours se féconder mutuellement, par conséquent, les caractères
communs de l'espèce se conserveraient. Si, au lieu de cela, on suppose
une révolution qui isole, par exemple, la rupture de l'Amérique septentrionale
en trois ou quatre îles, on comprend que certaines espèces
pourraient, à la longue, se modifier en deux, trois ou quatre races, dont
l'isolement favoriserait la formation; mais ce serait la faculté de conservation
des formes nouvelles qui aurait changé, ce ne serait pas la faculté de
varier.
Du reste, il n'est pas possible de supposer aux dernières révolutions
géologiques des effets plus intenses que ceux observés aujourd'hui entre
certaines localités rapprochées. Considérez la Sicile, par exemple. Entre
les sommités de l'Etna et les plaines brûlantes du littoral, la différence est
aussi grande qu'on peut la supposer entre deux époques géologiques très
différentes. Ainsi, quand les graines tombent de la montagne de l'Etna dans
la plaine, ce qui arrive tous les jours, c'est bien comme si elles passaient
d'une époque à une autre. Lorsqu'elles tombent directement sur le littoral,
c'est une transition brusque; lorsqu'elles descendent de place en place, et
de génération en génération, c'est l'équivalent d'une transition graduée.
Dans l'un et l'autre cas, les espèces soumises à de nouvelles conditions