1 1 r
1 3 3 6 VÉGÉTAUX DE DIVERS PAYS AU POINT DE VUE DES ORIGINES.
y
des Etats-Unis et celle du Japon, comme plus anciennes que notre
flore européenne actuelle. 11 s'appuie sur ce genre de considérations;
mais heureusement, il lui donne plus de poids en l'accompagnant de faits
géologiques.
L'objection me paraît être dans le petit nombre des espèces identiques
entre les pays que l'on compare. Pourquoi plusieurs genres étant communs
entre les États-Unis orientaux et le Japon, se serait-il éteint précisément
les espèces supposées identiques à l'origine et non les autres espèces? En
se posant ainsi la question, on incline à l'idée que les deux végétations
étaient analogues, autrefois comme à présent, avec des identités spécifiques
fort rares, et l'on se trouve ainsi rejeté vers d'autres liypotlièses d'une
nature complètement différente, celles relatives à l'origine même des êtres
organisés.
Il est impossible, en effet, de ne pas sentir une influence mystérieuse,
inexplicable, celle de la distribution première des classes, familles, genres,
espèces, races, en un mot, des formes plus ou moins analogues, au moment
de leur apparition. Chaque groupe a un centre géographique plus ou
moins étendu; chaque terre, excepté de petites îles dont les végétaux
paraissent avoir été détruits par des volcans et .des régions qui
sont sorties récemment de la mer, présente des formes caractéristiques.
Nous ne pouvons nullement nous figurer un état de choses dans
lequel chaque groupe aurait été réduit cà un seul individu, et alors même
la situation première de l'individu aurait entraîné d'immenses conséquences
au travers des époques géologiques. Qu'on examine un pays ou un
autre, une époque ou une autre, ce sont toujours des milliards de végétaux
plus ou moins différents qui s'offrent à nos yeux ou à notre imagination,
et ils sont groupés géographiquement, comme ils le sont au point de
vue de leurs formes et de leurs qualités physiologiques.
En s'exprimant ainsi, j'en conviens, on raconte des faits ; on n'essaie
aucune explication, même hypothétique. Ce n'est pas une manière d'avancer.
Mais, du moment où l'on veut scruter les circonstances particulières de
chaque groupe et de chaque contrée, on se voit relancé dans un champ
par trop indéfini d'hypothèses.
Les groupes naturels se sont-ils succédé dans un ordre déterminé, soit
dans le monde en général, soit pour chaque pays? c'est-à-dire, dans la série
des milliers de siècles déjà écoulés depuis la création de végétaux, les
Phanérogames sont-elles venues après les Cryptogames, les Dicotylédones
après les Monocotylédones, les Composées après d'autres familles, etc.?
Cette évolution ci-t-elle eu lieu sinuìUaiiénieiit dans tous les pi^ys ou sur
chaque terre, après une certaine durée de ses espèces? Telles sont les
ORIGINES PROBABLES DES VÉGÉTATIONS ACTUELLES. 13 3 7
immenses questions qu'il est aisé de soulever et impossible de résoudre
dans l'état actuel des connaissances. Le peu de données que l'on possède
contribue souvent à vous faire flotter d'une hypothèse à une autre. Ainsi,
quand on voit des îles comme Juan-Fernandez et Sainte-Hélène, peuplées
essentiellement de deux catégories de formes, les unes très anciennes dans
le monde (les Fougères), les autres récentes (les Composées et Campanulacées),
presque sans intermédiaires, on se demande si la création des
formes végétales aurait été suspendue longtemps dans ces îles, et si les Composées
auraient paru dans ces régions distantes, comme en Europe, au moment
de l'époque tertiaire, par une cause générale et non locale. D'un autre
côté, en voyant la richesse des formes végétales dans certaines régions
émergées et non dévastées depuis plusieurs époques géologiques, dans des
pays même isolés ou presque isolés, comme la Nouvelle-Hollande et le
Cap, on est tenté de croire à une évolution régulière de formes de plus en
plus compliquées, sur chaque surface terrestre, indépendamment de ce
qui arrive ailleurs. On penche encore plus vers ce système lorsqu'on voit,
en zoologie, que les espèces éteintes d'une région ressemblent souvent
aux espèces qui ont succédé dans la même région; que, par exemple, la
Nouvelle-Hollande se distinguait par des Marsupiaux, et le Brésil par des
Tapirs, Rongeurs, Singes, etc., dans les époques antérieures comme àÎa
nôtre; que les quadrumanes fossiles d'Amérique ont le système dentaire
des quadrumanes actuels de cette partie du monde, et les quadrumanes
fossiles d'Europe, le système dentaire de ceux de l'ancien monde à l'époque
actuelle. Enfin, la distribution de certains groupes dans une partie du
monde seulement, comme les Stylidiées à la Nouvelle-Hollande et pays
voisins, les Cactacées en Amérique, etc., et l'extension des groupes caractéristiques
d'un continent sur des îles indépendantes, qui en deviennent
en quelque sorte des annexes, à ce point de vue des genres ou des
familles, comme les Galapagos de l'Amérique, Sainte-Hélène de l'Afrique ;
tous ces phénomènes font présumer une loi d'évolution ou plutôt de créations
locales, selon laquelle chaque flore ou faune dépendrait, jusqu'à un
certain degré, de celle qui a précédé. Le lien entre les êtres organisés
successifs d'une même partie du monde nous échappe, à nous qui repoussons
l'idée d'une transformation d'une famille dans une autre, d'un genre
dans un autre, même d'une espèce véritable dans une autre (p. 1093 et
suivantes) ; mais l'étude des faits géographiques et paléontologiques nous
ramène à l'idée d'un lien, c'est-à-dire d'un rapport de cause à effet entre
les êtres organisés d'une époque dans une région, et ceux qui ont suivi
dans la même région, à moins que, par des circonstances locales, ils n'aient
été importés de régions voisines.
i
:
li,
ill
-rS
r - ' ^ l