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1 0 7 2 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
tiens (riiabitatioîis qui entraînent ces noms, et cependant, il serait impossible
de définir mieux que nous ne l'avons fait pour l'espèce, une ville et
un village. On ne peut pas dire qu'une ville est une agglomération ayant
une certaine population, car il y a des villes moins peuplées que certains
villages; ni qu'une ville est une agglomération entourée de murs, car il y a
des villes ouvertes ; ni qu'elle est le centre d'une administration, qu'elle a
une église, un marché, car il y a des villages pourvus d'administrations,
ou d'église ou de marché (a). Bien plus, il y a des villes qui se touchent,
qui se confondent; il y a des maisons dont on ne peut dire si elles appartiennent
à une ville ou si elles sont en dehors, comme il y a des espèces qui
se touchent, et des individus à côté ou sur les confins des espèces. Tout cela
n'einpeche pas que les villes ne soient des réalités, que le sens du mot
ville ne soit clair, même pour les plus ignorants.
Voici pourquoi il est clair. C'est que chacun a dans sa pensée les cas
les plus faciles à comprendre, qui sont aussi les plus nombreux, et desquels
ressort l'existence de certains attributs habituellement combinés, qui
distinguent une ville. De meme pour la notion d'espèce, elle repose sur la
combinaison de caractères habituellement réunis. Sachons ne pas nous
écarter du gros bon sens de tous les temps et de tous les peuples, qui
reconnaît l'espèce d'après un nombre incalculable d'espèces fort claires,
et n'envisageons pas trop les exceptions, qui nous feraient tomber dans de
véritables subtilités.
Je vais donc admettre les espèces du règne végétal comme elles se présentent
à nous à l'époque actuelle, et avec les seules données d'une observation
de quelques siècles, savoir comme des collections d'individus
qui se 7'essemblent assez pour avoir en commun des caractères nombreux
et importajitSy qui se continuent fendant plusieurs générations^
sous Vempire de circonstances variées; s'ils ont des fleurs^ se féconder
avec facilité les uns les autres et donner des graines presque toujours
fertiles ; se comporter à Végard de la température et des autres
agents extérieurs d'une manière semblable ou presque semblable ; en
un moty se ressembler comme les plantes analogues de structure^ que
nous savons positivement être sorties d'une souche commune^ depuis
un nombre considérable de générations.
Eu résumant ainsi mes idées, je suis arrivé à une définition de l'espèce
(a) Telle est la difficulté de définir ce mot si clair une ville, que d'après le Dictionnaire
de l'Académie française, on ne peut pas savoir si Londres est une Yille ou un village.
Le Dictionnaire dit au mot ville : (( Assemblag'e d'un grand nombre de maisons
disposées par rues, et souvent entourées d'une clôture commune, qui est ordinairement
de muró et de fossés. » Édit, de 1835. — Or, il y a des rues dans plusieurs villages, et
comme le dit la définition, il existe des villes sans clôture ; Londres est dans ce cas.
CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1073
qui diffère peu de celle donnée par de Candolle dans la Théorie élémentaire
(édit. 1819, p. 193) : «On désigne sous le nom d'espèce la collection
de tous les individus qui se ressemMent plus entre eux qu'ils ne ressemblent
à d'autres ; qui peuvent, par une fécondation réciproque^
produire des individus fertiles, et qui se reproduisait par la génératiouj
de telle sorte qu'on peut^ par analogie^ les supposer tous sortis
originairement d'un seul individu, » Adrien de Ju^sien (Cours élém. de
bot,y édit. 18Z|3, p. 505) avait adopté cette définition en modifiant les
caractères relatifs à la reproduction, sans doute à cause des Cryptogames
dans lesquels on ne connaît pas de véritable fécondation, surtout de fécondation
réciproque. Il dit : « Vespèce est la collection de tous les individus
quise ressemblent entre eux plus qu'ils ne ressemblent à d'autres^
et quiypar la génération, en reproduisent de semblables ; de telle
sorte qu'on peut^ par analogie^ les supposer tous issus originairement
d'un même individu. »
Les botanistes se rangent pour le plus grand nombre, tacitement ou
expressément, autour de définitions semblables de l'espèce.,
Quelques-uns s'en éloignent plus dans la forme que dans le fond. Ainsi,
Endlicher et Unger (a) disent : « Les individus qui concordent dans tous
les caractères invariables appartiennent à la même espèce, » On voit
ensuite, par la manière dont ils définissent les variétés et les sous-espèces
(races), qu'ils entendent par caractères invariables ceux qui ne changent
pas pendant une succession indéfinie de générations.
D'autres donnent des définitions métaphysiques, plutôt que basées sur
la logique des sciences d'observation.
M, Schleiden (6) commence par établir que la notion d'espèce est essentiellement
subjective; ensuite il arrive à la définition suivante ; (( Tous
les individus qui, indépendamment du lieu et du temps, présentent des
caractères identiques dans des circonstances identiques, appartiennent à
une espèce (c). » M. Jordan (d) considère aussi la notion d'espèce comme
une abstraction de notre esprit, ce qu'on peut dire assurément de toute
notion d'un objet collectif, sans diminuer pour cela la réalité de cet objet.
Il raisonne sur l'espèce comme on raisonne ordinairement sur ce qu'on
appelle le tgpe d'une espèce, le type d'un genre, le type d'une famille, etc.
Il arrive ainsi à dire (p. 5) : « Le fond commun^ identique chez tous
ceux qui représentent une même forme spécifique^c''est l'espèce, »
(a) Grundzilge der Botanik, 1843, p. 405.
(b) Grundzüge der wissenschaftigen Botanik, 1850, voL II, p. oiG.
(c) « Zu einer Art gehören ane Individuen, die Abgesehen von Ort und Zeit, unter
voUich gleichen Verhällnissen auch völiich gleiche Merkmahlen Zeigen, o
(d) De Vangine des diverses variétés ou espèces d'arbres fruitiers^ etc., bi\ iu-8,
Paris, 1853.
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