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1 0 8 6 ORIGINE PRODAIÎLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
monstruosités). C'est la propagation et la durée de ces formes nouvelles qui
est difficile. Le défaut de temps, l'absence d'isolement, la production de
graines imparfaites ou en quantité trop petite, arrêtent ces formes dérivées
et maintiennent de préférence les anciennes.
Voici une preuve bien claire de la difficulté avec laquelle se constituent
des races, parmi les plantes spontanées. Les espèces européennes qui se
sont naturalisées en Amérique se reconnaissent parfaitement. Elles sont
rarement indiquées comme variétés dans les ouvrages de botanique descriptive,
et il est à présumer que les variétés mentionnées quelquefois ne
seraient pas héréditaires si on les cultivait. Il y a près de 200 espèces
qu'on sait positivement introduites aux États-Unis ; je n'en pourrais pas citer
une seule qui soit indiquée comme variété bien tranchée et surtout comme
race. On voit que, pour la plupart des espèces, un siècle, deux siècles,
même trois siècles d'exposition à un climat nouveau, ne suffisent pas pour
produire un état particulier, ni surtout un état héréditaire, qui puisse ressembler
à une espèce distincte, tandis que ce temps aurait suffi peut-être
pour des plantes cultivées, qui sont plus flexibles, et que l'homme soumet
à des traitements exceptionnels. Dans les espèces spontanées, lorsque des
conditions nouvelles de climat tendent à les modifier, ce n'est pas par
centaines d'années, mais par milliers, qu'il faut compter, pour que des
races aient pu se produire et se confondre à nos yeux avec les véritables
espèces.
Un autre exemple s'observe sur la limite géographique de chaque
espèce. Ordinairement, cette limite est la même depuis plusieurs siècles-
Rien ne peut faire croire, dans la plupart des cas, qu'elle ait changé depuis
un temps très long. Cependant, an ne trouve pas sur ces limites des races
distinctes ; on n'aperçoit aucun indice de cette chimère (a) que les agriculteurs
poursuivent sous le nom d'acc/tmaiaiiow. Les espèces ne se plient
nullement aux conditions de climat qui leur sont hostiles. Elles périssent
plutôt que de changer. S'il se produit des formes accidentelles (et l'on en
trouve toujours en cherchant bien), ces formes ne sont pas mieux adaptées
au climat que les autres; ce sont des monstruosités ou demi-monstruosités
qui se manifestent une fois et disparaissent le plus souvent, là comme
ailleurs. Dans les plantes cultivées, l'homme peut obtenir, sur la limite
des espèces, des variétés et des races nouvelles qui se plient aux conditions
d'un climat nouveau. Ainsi, on a des Maïs [)récoces qui se cultivent dans
des pays où le Maïs ne pouvait pas mûrir il y a cinquante ans. L'industrie
(a) Un homme ingénieux et bon observateur, Du Petit-Thouars, a dit : « L'acclimatation,
cette douce chimère de la culture » (Mém. sur les cffelx de la gelée, p. H , 28).
L'expression me paraît aussi heureuse que vraie.
CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉUER DANS LES ESPÈCES. 1087
Jiumaine sait dùcouvrir et conserver des races hâtives ; mais rien de pareil
n'a été observé dans la nature, quoique la plupart des espèces soient arrêtées
sur certaines limites depuis plusieurs siècles. Du moins, s'il se produit
quelque chose d'analogue, c'est à la suite d'un temps si long qu'il dépasse
le terme des plus anciens documents historiques, et encore faudrait-il un
isolement des pieds modifiés, isolement qui ne peut arriver que rarement
et par hasard dans le cours naturel des choses.
Toutes ces considérations s'appliquent aux hybrides, si on veut les
regarder comme une ^source de modification des espèces. Ils sont fréquents
dans les jardins; ils donnent quelquefois, mais bien rarement, des graines
fertiles; ces graines peuvent ne pas retourner aux formes des espèces primitives,
ce qui, pourtant, est une disposition manifeste à la première, ou à
la deuxième, à la troisième génération. Je ne nie pas cela; mais la géographie
botanique traite des plantes spontanées, et, dans le cours naturel des
choses, la fécondation entre espèces différentes est extrêmement rare
( a ) ; les graines (quand elles ne sont pas stériles), sont si peu nombreuses
que la forme hybride, en elle même peu stable, ne résiste pas à l'immense
quantité de plantes des formes primitives qui pullulent à côté d'elle. Les
structures de fleurs qui ont permis la fécondation croisée, permettent aussi
la fécondation entre les hybrides et les individus des deux espèces primitives,
ce qui ramène promptement vers les deux formes anciennes,
au lieu de propager un état intermédiaire.
En résumé, je reconnais la possibilité de formes nouvelles, héréditaires,
qui dériveraient des formes spécifiques actuelles, ou qui auraient dérivé
depuis quelques milliers d'années de certaines espèces; mais je constate
aussi la diiTiculté de ces modifications pour la majorité des espèces, surtout
hors de l'influence de l'homme, la très faible probabilité que ces modifications
se propagent dans le cours naturel des choses ; en un mot, les causes
nombreuses qui doivent produire un état durable des espèces et arrêter
l'augmentation de formes nouvelles.
En a-t-ilété de même à une époque antérieure, à la suite d'un temps
plus long et de conditions peut-être différentes? C'est ce que je vais essayer
de conjecturer, au moyen des données de l'époque actuelle.
§ n i . CHANGKMENTS QUI ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES A LA SUITE D'UN TEMPS
TRÈS LONG, COMPRENANT PLUSIEURS SliiCLES ANTÉRIEURS A l/ÉPOQUE ACTUELLE
OU PLUSIEURS MILLIERS D'ANNÉES.
Toutes les fois qu'il a été question dè rinfluence du climat sur les végé-
(a) Be f'anilolir-, Phyiiiol. vég., p. 101
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