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Les voyageurs qui décrivireiil les premiers les produclious de l'Amérique
(a), témoignèrent beaucoup d'étonnement de la culture du Maïs ; ce
qui doit faire penser qu'ils n'en avaient point vu chez eux. Hernandez
(Thes. Mex.^ p. 2/i2), qui consacre un loîig chapitre au Maïs, exprime une
sorte d'indignation de ce que les Espagnols n'avaient pas encore introduit
chez eux une plante aussi utile; or, ce voyageur était parti d'Europe en
1571, suivant les uns, en 1593 suivant d'autres (Lasègue, Mus. Deless,^
p. /|67).
Voyons maintenant si le Maïs n'était pas connu en Asie ou en Afrique,
avant la découverte de l'Amérique; et, puisque les documents européens
ne peuvent rien prouver à cet égard, c'est aux livres et anx monuments
orientaux que nous aurons recours.
Le Zea des Grecs n'était point le Maïs, mais l'épeautre (p. 933). Les
livres sacrés n'en font aussi aucune mention.
Le célèbre orientaliste d'IIerbelot Onení., Paris, 1697, au mot
Roi(s) a commis une erreur relevée par Bonafous ; il cite un passage de
Mirkhond, historien persan du xV^ siècle, d'après lequel Rous, huitième
ills de Japhet, fit semer dans les îles de la mer Caspienne (c le blé que nous
appelons, dit d'Herbelot, Blé de Turquie^ et que les Turcs appellent encore
dans leur langue Rous et Boulgar. » Recourant au texte de Mirkhond, à
la Bibliothèque de Paris, Bonafous a vu, à l'endroit cité par d'Herbelot,
que Rhozar, fils de Japhet, fit semer sur les rives du Volga du Kaveres^
espèce de céréale que les Dictionnaires traduisent par millet ; et que Rous,
frère deKhozar, fit cultiver dans les îles du Volga, leBorgou^ qui, d'après
les mêmes, signifie une espèce d'arbre creux dont on fait des flûtes. Le
mot Borgou aurait donc été confondu avec Borgoul ou Bolgour^ que
les auteurs rendent par alica^ frmnentum seu triticum^ far decorticaîiim,
etc. ; et du mot Bolgoiii^ d'Herbelot aurait fait Boulgar^ qui,
d'après les vocabulaires, veut dire cuir^ et non une graine quelconque.
« Quant au mot roiis^ pris dans le sens de Maïs ou de grain, je n'ai trouvé
nulle part, dit Bonafous, aucun terme qui justifie le récit de d'Herbelot. Ou
cet auteur aura puisé à une autre source que celle qu'il indique, ou une
étrange confusion se sera mise dans les notes qu'il avait rassemblées. »
Les voyageurs qui ont parcouru l'Afrique et l'Asie dans les temps qui
ont précédé la découverte de l'Amérique, ne font pas mention du Maïs. H
est vrai qu'ils n'étaient pas nombreux, ni très exacts, et qu'ils n'avaient pas
pénétré dans toutes les parties du continent asiatique.
Les monuments de l'ancienne Egypte n'indiquent aucune trace du Maïs.
J'ai parcouru les planches de l'ouvrage de Caillaud, et n'ai pas aperçu le
(a) P. Martyr. Ercilla, Jean îIp Lory, etc., qui iVrivirenf ño 1516 u 1578.
01UGÍNK DKS ESPÈCES LE PLUS UÉNÉKÂLEiMENT CULTIVÉES. 9/47
moindre dessin qui pût le rappeler. On y reconnaît cependant à merveille
le millet, la vigne et d'autres plantes. L'absence du Maïs, dans les
catacombes et monuments anciens d'Égypte, est généralement admise (a).
Voici cependant un témoignage contraire qui serait une grande découverte,
s'il n'y a pas eu erreur ou supercherie. Les détails suivants, dit
Bonafous, que j'extrais d'une relation inédite du voyageur Rifaud, méritent
d'être rapportés littéralement : « Les grains et l'épi de Maïs, que j'ai
découverts à Cournac (Thèbes), se trouvaient, sous la téte d'une momie
posée sur un oreiller de bois. Les grains étaient dans une coupelle de terre
cuite ; la tige, de 18 pouces de longueur, conservait encore ses feuilles. Sur
la partie gauche de la momie, on voyait de petits fruits nommés nabac en
arabe, mêlés à des grains de blé et à des bulbes d'une plante dont les
habitants se servent pour faire des grains de chapelet. Sur la partie droite
de la momie, s'ol)So'vaient des végétaux aquatiques, nommés resche en
arabe. Il y avait aussi cinq ou six pains de froment. Une guirlande et une
couronne de ileur de lotus ornaient le corps de la momie; la couronne
reposait sur la poitrine, et la guirlande serpentait autour du corps. Le cercueil,
de bois de sycomore, et couvert de signes hiéroglyphiques, était
renfermé dans un sarcophage de basalte; des figurines de terre cuite, au
nombre de trois cent quatre-vingt-dix, entouraient la momie. La caisse, de
bois, avait 5 pieds 7 pouces de long, et le sarcophage, de basalte, avait
environ 6 pieds. Ce fut à la partie occidentale de Thèbes, sur le revers de
la chaîne libyque, que je fis cette découverte tout à fait due au hasard, si
l'on considère que la petite vallée quirecélait ce tombeau avait été explorée
par les Arabes pendant plusieurs années. »
Je ne doute nullement de la véracité de Rifaud; mais je crains qu'il
n'ait été victime de quelque supercherie. Remarquons d'abord que les
Arabes ont exploré depuis plusieurs années la vallée dont il s'agit, et n'oublions
pas que le Maïs est cultivé maintenant dans toute l'Egypte. Demandons
nous ensuite si les anciens Égyptiens, qui entendaient parfaitement
l'agriculture, et qui liaient toutes leurs idées religieuses à des productions
naturelles, auraient possédé le Maïs sans l'avoir cultivé autant et plus que le
millet et l'orge, et auraient enfermé un grand nombre d'espèces de plantes
dans des milliers de cercueils sans se souvenir de l'une des pli^ig précieuses.
Dans mon esprit, il y a contre l'opinion de l'existence du Maïs dans l'ancienne
Thèbes, une preuve morale bien plus forte que le fait isolé découvert
par Rifaud : c'est que le Maïs, introduit en Égypte, aurait dû s'y
répandre partout, être figuré sur tous les monuments, se lier à toutes les
(a) Voy. Kunth, Ann. sc. nat., VIII, p. 418, et Raspaii, Notice sur la détermination
spccifiquG des céréales trouvées par ]\L Passalaçqua dans un tombeau égyptien.