636 CHANGEMENTS DANS L'IIABITATION DES ESPÈCES.
vées, offriraient un terrain plus desséche que le reste du pays (a).
Le Globularia vulgaris, espèce bien facile à reconnaître, est mentionné
par J. Bauhin {liist., III, p. l/i), comme croissant de son temps à Genève
et h Bàie, localités assez rapprochées de Monlbelliard. Il existe aussi dans
l'herbier de C. Bauhin (DC., mss.), je crois sans localité précise ; enfin,
il est figuré par plusieurs auteurs anciens, tels que Tabernoemontanus et
Clusius, comme une plante européenne. Lobel (Adv. nov., p. 200), en
1576, parle de celte espèce rare comme croissant en Finlande, en Italie et
en Allemagne. Le mot de rare ne s'emploierait pas aujourd'hui. Il indique
un accroissement de fréquence dans l'espèce, depuis trois siècles, par naturalisations
successives, dans des points tels que Monlbelliard. J'ai tracé
exactement les limites actuelles de l'espèce dans le Prodromus, v. XII,
p. 611. Elles sont assez remarquables au nord-est et au nord-ouest. Je ne
serais pas surpris, à cause de leurs sinuosités compliquées, que l'espèce
ne fût en marche sur ces frontières, de sorte qu'ayant occupé le midi de
l'Allemagne, il y a trois siècles, en laissant quelques lacunes dans le genre
de Monlbelliard, elle aurait avancé depuis celte époque vers le nord, tout
en comblant les espaces réservés. Les botanistes allemands pourront mieux
que moi vérifier cette hypothèse.
Les plantes annuelles soni peut-être plus souvent dans le cas dont je
viens de parler. Elles ont dû se répandre beaucoup avec les plantes cultivées;
et quand elles apparaissent en un point oû l'agriculture existe déjà, il
est permis de supposer souvent qu'elles avaient dépassé ou environné ce
point dans une progression peu régulière. On aurait de la peine à citer des
exemples de ce fait en Europe, à cause de l'ancienneté de la diffusion des
plantes de terrains cultivés. J'en indiquerai plus loin, à l'occasion d'espèces
originaires d'Amérique. Aux États-Unis et dans les colonies, il serait
probablement plus facile de constater des faits pareils ; mais comme ils ne
conduisent à aucune loi générale, et qu'ils s'expliquent d'eux-mêmes quand
ils se présentent, je n'insiste pas davantage.
§ IL EN DEHORS DES LIBIITES.
L'extension des limites par des naturalisations de proche en proche doit
être un fait rare sur un continent oû les causes ordinaires de transport
existent depuis des siècles. La réflexion et l'observation concourent à mon-
(a) Le Digitalis grandiflora préfère aussi les lieux secs, mais je doute de l'assertion de
M. Bernard que J. Bauhin ne l'aurait pas trouvé aux environs de Montbelliard. La plante
existe dans l'herbier de G. Bauhin (DC., mss.) sous le nom de fJigilalis lutea magno
flore, et c est peut-être celle dont parle J. Bauhin, Hist., Il, p. 813, comme croissant
a Montbelhard.
NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 637
trer que les limites sont généralement assez fixes. A moins qu'une espèce
ne soit arrivée depuis peu d'années dans une région, elle a dû s'étendre le
plus possible par la dispersion naturelle de ses graines. Les conditions de
sa propre nature et du climiît ont réglé la limite oû elle est destinée à s'arrêter,
limite sur laquelle des variations peu importantes de climat, d'une
année à l'autre, peuvent déterminer seulement quelques légères oscillations.
Toutefois, si les terrains favorables à quelques espèces ont augmenté
dans certaines directions, si des moyens de transport nouveaux ou
plus énergiques se sont manifestés, on verra ces espèces avancer davantage.
Elles se présenteront, il est vrai, surtout comme des plantes adventives,
que les moyens de transport répandent plus souvent ou plus loin ;
quelquefois aussi comme plantes naturalisées.
L ' A n e m o n e coronaria, E., paraît avoir marché de l'est à l'ouest, dans
le midi de l'Europe depuis quelques siècles, favorisée sans doute par une
culture de plus en plus fréquente dans les jardins. Elle existait en Grèce
du temps de Dioscoride, et sa fréquence dans ce pays, à Constantinople, en
Thrace, en Asie Mineure, ne peut laisser aucun doute que ce ne soit sa
patrie de toute antiquité. Les botanistes italiens de l'époque delà renaissance
en parlent, mais autrement qu'on ne le ferait aujourd'hui pour une
plante aussi commune et spontanée en Italie. L'un des plus anciens et des
plus exacts, Csesalpinus, l'appelait Anemone alterum genus per eg rinum
apud nos {De plant., lib. xiv, cap. 9, p. 5Zi8, synonyme admis par Bertol.,
Fl. p. Zi56, et qui paraît effectivement se rapporter à l'espèce).
Clusius dit qu'on avait transporté la plante d'Italie en Espagne, et J. Bauhin
l'appelle Anemone italica tenuifolia, etc. ; mais cela vient peut-être de ce
qu'on la cultivait de leur temps en Italie. Aujourd'hui elle est bien spontanée
dans toute l'Italie et en Sicile, même dans les bois et les prés.
On la trouve fréquemment à Nice et en Sardaigne (Moris, FL, I, p. 19).
En 1761, Gérard ne l'indiquait pas en Provence, où elle s'est répandue
notablement depuis le siècle actuel. Mon père n'en connaissait qu'une seule
localité dans cette province en 1816 (DC., mss.). M. Robert l'indiquait
près de Toulon en 1838 (Plant, phanér. Toul.), et les auteurs de la
nouvelle Flore française, MM. Grenier et Godron, citent Grasse, Draguignan,
Hyères, Toulon. Du temps de Magnol (1686), l'Anemone coronaria
n'existait pas autour de Montpellier, car on ne peut pas croire qu'il eût
omis une plante aussi apparente, bien connue de lui dans les jardins,
Gouanla mentionne dans sa Flore, en 1765, et tout le monde l'a retrouvée
depuis à Montpellier. Elle manque à la Flore de Tarn-et-Garonne
(Lagrèze, 1 vol., '18Zi7). Elle est cependant près de Toulouse, mais dans
une seule localité, très restreinte. M. Noulet {Fl. bassin Pyr.^ p. 5), dit,