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1068 ORIGINE PROBABLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
été créées à certaines époques et d'autres dérivées, car toutes ces hypothèses
peuvent se préseiiter à l'esprit, et la science ne donne que des aperçus
pour parvenir à leur sohition.
J e reviendrai plus tard sur ces questions. Il me suffit dans ce moment
d'avoir montré à quel point l'état antérieur du globe et celui de nos espèces,
probablement anciennes, ont inllué sur leur distribution géographique
actuelle. Les causes de celte nature, qui peuvent avoir joué un rôle, sont
nombreuses. Ce sont évidemment :
L'âge relatif des espèces;
S*" Leur premier mode de formation et de répartition ;
S"" Les modiiications qu'elles ont pu subir dans leur forme et leur nature;
Zl" Les changements qui ont eu lieu, avant notre époque, dans la forme
des surfaces terrestres et aussi dans les climats qui en sont phis ou moins
la conséquence.
Quant a ce dernier point, malheureusement, les géologues attendent la
lumière des naturalistes. Ils ne peuvent guère juger des climats et de
l'isolement ou de la contiguïté des anciennes régions, que par la nature
des espèces animales ou végétales qui s'y retrouvent à l'état fossile. Mais
sur les autres questions, sur Fage, l'origine et le développement des
espèces, nous devons nous efforcer tous, géologues et naturalistes, d'arriver
à une solution. On dirait en quelque sorte le siège d'une fortei'esse
que nous faisons ensemble par des côtés différents. Il faut nous entendre,
nous pénétrer du rôle de chacun dans cette attaque. Nous occupons, nous
autres naturalistes, la ligne la plus importante, car c'est à nous de bien
étudier l'espèce et ses rapports avec les climats, avant que les géologues
tirent des conclusions du mode de distribution des êtres organisés dans
diverses époques. A nous donc d'envisager en face la question si ardue
de Yespèce^ de sa nature, de ses modifications, de son origine. C'est à
quoi j e vais consacrer les articles qui suivent, avant de traiter de nouveau
des hypothèses géologiques.
ARTICLE II.
DES CHANGEMENTS Qm ONT PU s'OPÉRER DANS LES ESPÈCES ELLES-MÊMES.
§ î. DÉFINITION DE L'ESPÈCE.
y
Enoncer clairement ses opinions sur la nature de Vespèce est pour un
naturaliste l'épreuve la plus redoutable de toutes. Il sait que chaque mot
sera pesé, que toute idée nouvelle pourra être taxée d'hérésie, et que des
notions fausses sur cette base des sciences naturelles jettent ses travaux
de descriptions dans un discrédit mérité. Plus il avance dans sa carrière,
CHANGEMENTS QUI ONT PU s'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1069
plus il sent la gravité de la question. 11 ne peut essayer de la résoudre
qu'en se recueillant, après avoir éloigné de son esprit toutes les idées qui
ne reposent pas sur l'observation même de la nature.
L'espèce, définie d'une manière abrégée, conforme aux habitudes de la
3lupart des naturalistes, mais insuffisante, comme nous le verrons bientôt,
est « une collection de tous les individus qui se ressemblent assez pour
» quon puisse croire qu ils sont sortis ou qu'ils auraient pu sortir
)) d'un seul couple ou d'un seul individu. »
Cette définition a ses avantages et ses inconvénients (a).
Les avantages sont de ne pas s'attacher à certains caractères de l'espèce
qui la font reconnaître souvent, mais qui n'existent pas toujours. Ainsi il
est très vrai que les individus d'une même espèce se fécondent ordinairement
avec facilité, et que les individus de deux espèces différentes se
croisent rarement et donnent des produits presque toujours inféconds.
Néanmoins, il y a des espèces dans lesquelles la fécondation manque, par
exemple, dans beaucoup de familles de Cryptogames ; d'autres, où elle est
'difficile, par exemple les Orchidées, dont les graines sont si fréquemment
stériles. Il y a, au contraire, des plantes où les fécondations croisées ne
sont pas très rares, même dans le cours naturel des choses, et où les produits
hybrides ne sont pas toujours inféconds.
On pourrait dire, sous un autre point de vue, que les individus de la
mênie espèce diffèrent seulement par des nuances de peu de valeur, et
que les individus appartenant à deux espèces diffèrent par des points plus
importants. Cela est vrai, en général, mais qu'appellera-t-on important et
non important? D'ailleurs, il existe des caractères peu importants en
général qui, dans certaines familles, prennent plus de fixité, par conséquent
plus d'importance, et qui alors distinguent fort bien les espèces.
Telles sont la couleur des fleurs dans les Orchidées, la pubescence dans les
Myosotis, la forme exacte des feuilles dans une autre plante, etc. Celui qui
a étudié la distribution géographique et topographique des espèces, pourra
dire, avec autant de raison, que les individus de la même espèce sont
réunis dans la même région, ont les mêmes limites et se trouvent dans les
mêmes stations. Cela serait vrai pour les 99/100^' des espèces, mais quelquefois
les espèces sont disjointes, comme.si elles avaient eu plusieurs
centres d'origine, quelquefois leurs limites ou leurs stations diffèrent selon
dés vatiétés, dont personne ne pense à faire des espèces, ou selon certaines
modifications de climats et de localités. Plusieurs naturalistes ont soutenu
(a) Elle est tirée presque mot à mot de la Physiologie végétale de mon père (II, p. 688),
lequel a domié ailleurs une définition plus scientifique, dont j e parlerai à la fin du § L
Celle-ci doit être envisagée comme exprmiant ce que les naturalistes entendent et pratiquent
d'ordinaire.
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