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1022 I>KS ESPECES DISJOINTES.
sur les inontagnes de Maroc, Ibrmanl une sorte de transilion entre les îles
Canaries et la région de la mer lledilerrance.
Tout le monde sait qu'il existe une douzaine d'espèces partagées entre
rirlande et les Açores ou l'Espagne, comme le Dah«»eia poiifoiiïi (voy.
p. 150, 170, et carte I, fig. 12). Ce sont principalement des Kricacéeset
Saxifragacées. Leur transport me paraît impossible par les causes actuelles,
car ces plantes se trouvent en Irlande sur des montagnes. J'en parlerai de
nouveau dans le chapitre xxvi.
Voici encore quelques exemples de disjonction ])ien remarquables.
S o u t e l l a r î a minorai . . — — 'P Dans les marais de l'Europe occidentale,
del'Allemagne et jusqu'en Lithuanie (Ledeb., Fl. 111, p. 401); dans la
région du lac Baikal, près d'Irkuisk (Benlh., Prodr., XII, p. i l ! ; Ledeb , 1. c.).
Celte interrnption, dans un espace de 80 degrés longitude, est remarquable, les
pays intermédiaires ayant élé assez explorés par les botanistes russes. Une variété
se trouve dans les montagnes de l'Inde (BenLh., l. c.).
C î r c î e a l i i tct îai ia. L. — — En Europe, jusqu'au nord de TÉcosse
(Wals., Cyb , I, p. 276), et en Finlande (Ledeb., FL Ross., II, p, 113), Sibérie,
jusqu'à l'Altaï (ìò.); Amérique nord-est, du Canada aux parties élevées des
étals méridionaux (Torr et Gray, Fl.^ 1, p. 527) Quelques auteurs en font une
variété, canadensis, mais ellerepose sur des poils de la tige un peu plus fréquents,
différence insignifiante. L'absence dans les régions polaires, même aux îles
Féroé, etc., établit une solution de continuité très grande entre les deux patries.
Hiachyf^ aspera, (3 « l a h r a t a , Beiitli. (DC., Prodr.^ XII, p. 471). — "if
— Cette variété d une espèce commune aux Etals-Unis, se trouve, selon M. Bentham
: T e n Caroline; T dans la province de Fokien en Chine.
P h r y m a leptostaeli^a, L.. — 0 — Kien n'est plus singulier queMa double
patrie de cette petite plante, qui forme à elle seule un genre et une famille, à côté
des Verbénacées. Je m'en suis occupé, de même que Schauer, à Toccasion du
Prodronius (XI, p. 520). Il nous a été impossible de trouver une différence entre
les échantillons des Etats-Unis et ceux du Népaul, si ce n'est que les derniers ont
la fleur légèrement plus grande. De pareilles diversités existent entre des échantillons
de plusieurs espèces, et ne méritent pas d'être élevées au rang de caractères
spécifiques.
^ a n r n r B i s c c rmius , li.— — MM. Hookeret Arnolt [Bot. Beecimjs Voy.^
p. 21 6) disent qu'ils n'ont pu découvrir aucune différence entre les échantillons
de la Chine méridionale et ceux de l'Amérique septentrionale. L'espèce est indiquée
dans cette dernière région au Canada (Hook., FL hoì\ Am , II, p. i 43) et
dans les Étais du nord-est de la'confédéralion (A. Gray, Bot. north. St.), au bord
des étangs. Il ne paraît pas qu'on la connaisse dans le nord-ouest de l'Amérique.
Dans ces derniers cas, de répartition entre les États-Unis et la Chine ou
le Népaul, d'espèces non cultivées, il est bien impossible de supposer un
transport. On ne ])eut guère imaginer une communication antérieure à
l'état actuel du globe, par des îles ou un continent qui auraient disparu,
ESPÈCES ORDINAIRES PARTAGEES DANS L'HÉMISPHÉRE BORÉAL. 1023
car toutes les autres espèces sont différentes, excepté certaines plantes
cosmopolites. On pourrait peut-être supposer que ces espèces auraient eu,
pendant une période, une habitation imnaense, laquelle se serait réduite
subséquemment, par des causes géologiques. Il serait cependant singulier
qu'elles ne fussent pas restées çà et là clans les pays intermédiaires ou dans
certaines contrées adjacentes. L'hypothèse la plus probable paraît être celle
d'un développement de mêmes formes spécifiques à de grandes distances, au
moins pour ces rares espèces.
E r i o c a u l o n septaiigularc, With. (K. pellucîiluni, Mîclix). — —
Découvert, en 1764, dans les lacs tourbeux de l'île de Skye en Écosse (Ilook.,
FL Scot., p. 270), ensuite dans les lacs do Tîle deColl et des Hébrides voisines
(I-Iook., Brit. Ft,, p. 405), ce qui no paraît pourtant pas très bien démontré a
M. H.-C. Watson [Cyb., III, p. 37), et en abondance dans l'ouest de l'Irlande
(Hook.,i. c.), en particulier dans les lacs de Cunnamara (Mackay,FL Ilib.,
p , 2 8 9 ) . — L ' i d e n t i t é spécifique a été prouvée avec l'Eriocaulon pellucidum,
Michx, qui existe dans l'Amérique septentrionale, savoir: à Ter re-Neuve, dans le
Canada, jusqu'au Saskatchawan (Hook., Fi. bor. Am., Il, p. i 87), et dans quelques
parties septentrionales de l'Union (A, Gray, Bot. n. St., p. 514), sans
avancer cependant jusqu'à la région du Mississipi et de l'Ohio (Ridd., FL west.
Si. ; Lea, Cincinn.).
Une distribution géographique aussi extraordinaire provoque bien des
réflexions, d'autant plus que cette plante est la seule Restiacée existant en
Europe. M. IL-C. Watson, en 18/i7 (PhytoL, p. 765), inclinait à l'idée
d'un transport d'Amérique en Europe par une cause inconnue. En 1852,
il désigne l'espèce comme native en Ecosse, et il ne parle pas de la localité
d'Irlande (Cyb., 1. c.). J'ai beaucoup hésité sur cette espèce, et n'ai pu
me décider qu'à la fm de mon travail, après avoir résolu un grand nombre
de questions analogues, moins difficiles. En définilive, je regarde l'espèce
plutôt comme disjointe, c'est-à-dire comme séparée antérieurement à
l'état présent du globe, et non comme transportée par les causes actuelles.
Il me semble très improbable qu'une graine ait été transportée du Canada
ou de Terre-Neuve en Irlande ou en Ecosse, puisque le courant des Florides
(Gulf stream) vient du Mexique et se trouve séparé delà côte des États-Unis
par un autre courant, qui marche du nord au sud (\oy. la carte des courants
dans Herschell, Manual of scientific enqniry). L'espèce actuelle
manquant à la vallée du Mississipi, n'aurait pu être transportée que parle courant
du Canada, qui longe la côte des Etats-Unis. On connaît bien quelque
liaison, vers le nord-est de Terre-Neuve, entre ces deux courants, tantôt
superposés et tantôt juxtaposés, et il n'est pas impossible qu'un corps flottant
passe de l'un à l'autre; mais comment admettre que le Gulfsiream,
ayant reçu des graines crEriocaulon par cette voie accidentelle, fût venu
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