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622 CHANGEMENTS DANS L'IIABITATTON DES ESPECES.
rains. Les espèces cullivéesj elles-mêmes, deviennent rarement spontanées;
mais avec elles on répand une multitude de graines, qui prospèrent sous le
nom de mauvaises herbes. Comme les céréales et les plantes fourragères
ou potagères ne donnent pas partout de bonnes graines, et que les variétés
dégénèrent quelquefois, ou que les agriculteurs désirent en obtenir de nouvelles,
il s'est établi un commerce de graines très actif, au moyen duquel
on reçoit souvent des espèces qu'on aimerait mieux ne pas recevoir. Le
mouvement commercial et agricole porte les espèces principalement du
midi vers le nord et des pays anciennement cultivés vers les colonies.
Ainsi, l'exportation des graines de trèfle, de luzerne, de légumes divers,
est considérable de France en Angleterre, dans le nord de l'Europe et aux
Ktats-Unis. Il tend à répandre les espèces de l'Europe tempérée et mériilionale.
Inversement, l'Europe reçoit par les cargaisons de laine, de
coton, de graines oléagineuses, de graines d'arbres d'Amérique, et avec les
plantes vivantes destinées aux jardins, une quantité d'espèces que l'on n'a
pas l'intention d'envoyer et qui ont quelque chance de s'introduire parmi
nos végétaux indigènes. On sait que le lavage des laines d'Orient a fait
paraître dans une localité voisine de Montpellier, le pont Juvénal, une
foule d'espèces de Barbarie, de Syrie, de Bessarabie qui, il est vrai, pour
la plupart, n'ont pas duré dans le pays. Le lest des vaisseaux, déposé quelquefois
sur le rivage, près des ports de mer, est aussi une source d'importation,
de même que plusieurs marchandises transportées d'un pays à
l'autre.
Mais, de toutes les influences huniaines, la plus importante peut-être est
celle qui résulte des jardins, surtout des jardins botaniques proprement
dits. Dans le nombre immense des plantes qu'on y cultive, avec la quantité
de graines qu'on y fait venir de l'étranger, il est évident que les chances
de naturalisation deviennent très grandes. On apporte ainsi des graines que
le hasard des causes naturelles ou des échanges commerciaux ne transporterait
jamais. Souvent, ce sont des plantes inutiles, même nuisibles, que
les hommes ne rechercheraient pas, sans un motif de curiosité scientifique.
Une fois cultivées, elles deviennent souvent de mauvaises herbes dans l'intérieur
du jardin, et se répandent quelquefois au dehors, surtout par l'eiTet
des déblais qu'on rejette, et des plantes vivantes ou des graines que l'on
distribue. Les plantes de quelque mérite, comme ornement ou comme
espèces utiles, passent des jardins botaniques dans ceux des amateurs et
même des simples cultivateurs. Alors elles gagnent de temps en temps les
décombres, les terrains vagues autour des habitations et même les champs.
Il est certain du moins que leurs graines y sont portées par le vent et les
oiseaux. Si elles ne réussissent pas, la cause en est dans le climat et dans
CAUSES DE TRANSPORTS. ()-2;)
les obstacles divers dont je parlerai tout à rheure. Le système des jardins
anglais est une cause nouvelle de dispersion. Autrefois, on enfermait les
jardins dans des murs ; maintenant on les ouvre, et une gradation insensible
conduit des terrains cultivés aux terrains naturels. Les graines s'échappent
plus aisément. D'ailleurs, les jardiniers plantent quelquefois des espèces
étrangères dans les endroits reculés des grands parcs, et leur doiment
ainsi toute facilité de se propager en rase campagne.
Tels sont, au premier aperçu, les moyens de transport. Il ne sullit pas
d'en constater l'existence, il (aut encore prouver par des faits que ces
moyens ont agi. On se contente trop souvent d'indiquer les possibilités de
transports, sans examiner si elles se réalisent. Ceci pourtant est l'essentiel,
et je montrerai bientôt que quelques-uns des moyens do transport ont une
action très limitée. Auparavant je dois mentionner les o])stacles à la diffusion
que les graines rencontrent de divers côtés.
§ II. OBSTACLES AUX NATURALISATIONS.
Lorsqu'une graine est portée pour la première fois dans un pays, elle
subit plusieurs épreuves, elle rencontre divers obstacles.
La chance est d'abord qu'elle tombe dans une localité défavorable, où la
germination et le développement sont plus ou moins difficiles, peut-être
même impossibles. Un grand nombre de plantes ne peuvent pas supporter
les terrains imprégnés de sel, ou bien leurs graines pourrissent au lieu
de germer sur le bord humide d'une rivière. Le vent, les oiseaux, jettent
les graines au hasard, dans des localités souvent trop sèches; des milliers
d'insectes les détruisent. Le terrain, d'ailleurs, est souvent couvert d'un
tapis de verdure si serré, de broussailles ou de forêts si épaisses, que la
place manque véritablement à l'introduction de nouveaux individus. Les
prairies étouffent les jeunes arbres à végétation très lente ; les forêts tuent
par leur ombre la plupart des plantes qui poussent dans leur domaine.
Ainsi, la probabilité qu'une graine unique parvienne à lever après un
transport est infmiment légère. On ne peut douter, pour les plantes indigènes,
de l'énorme proportion des graines qui sont détruites par les accidents,
les insectes, l'ombre et les racines des plantes existantes; on sait
aussi quelle profusion de semences il faut pour qu'une espèce se maintienne
dans sa propre localité. On appréciera par ces faits la viabilité d'une
seule graine, toujours plus ou moins détériorée par un voyage.
Supposons que la plante germe et s'élève, alors elle devra subir l'épreuve
lente et multiple d'un cliniât nouveau.
Enfin, si les conditions physiques du pays lui permettent de vivre et de
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