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ver à une solution. Je n'ai jamais ouï parler d'aucune graine tombée
d'Angleterre en France, ou d'Irlande en Angleterre, par l'effet des
vents d'ouest, qui sont cependant si intenses et si fréquents dans ces
contrées. Je ne crois pas que jamais on ait constaté des chutes de graines
d'Afrique en Sardaigne, de Sardaigne en Corse, de Corse sur la côte de
(iénes et de ÎNïce, quoique les vents du midi y soient bien violents (a). On
cite des cas où les cendres des volcans, la poussière des déserts, ont été
portées en mer à de grandes distances et à d'immenses hauteurs (6), mais
ces substances sont beaucoup plus légères et plus ténues que les plus
petites graines de phanérogames. Les spores des cryptogames pourraient
bien être portées d'une île à l'autre, même d'un continent à l'autre, et
c'est un moyen d'expliquer la diifusion si remarquable de leurs espèces ;
mais, je le répète, pour les phanérogames, nous n'avons rien de semblable
qui soit constaté.
Aux Antilles, à Bourbon, dans les mers de la Chine, les effroyables
ouragans qui déracinent les arbres, enlèvent les toits des maisons et
jonchent la mer de feuillage, doivent certainement emporter une multitude
de graines et même des fruits assez gros; mais presque toujours ces ouragans
sont locaux, comme des trombes, ou tournoient dans un cercle qui
n'est pas très étendu. Il faudrait alors, pour que des graines fussent portées
au loin, que le vent les fît tomber dans un courant. Cela doit arriver
assez souvent ; mais dans ce cas, c'est le courant qui joue le rôle principal
(juant au transport.
Les chutes de lichens, qui ont étonné quelquefois les habitants de la
Perse et de l'Anatolie, sont une preuve que le vent peut transporter des
corps aussi pesants que la moyenne des graines. M. Parrot a rapporté des
échantillons du lichen qui est tombé en 1828 dans plusieurs points de la
Perse, par des pluies d'orage. Le terrain fut couvert de 5 à 6 pouces
d'épaisseur d'une substance qui, étant tombée du ciel, fut décorée naturellement
du nom de manne.
(a) On verra plus loin que M. Gussone, qui a longtemps observé la Sicile et les îles
voisines n a rien aperçu de semblable. De même M. Godron (Migr. des vég., p. 4) Sir
Charles Lyell {Principes de géologie, édit., trad. franç.,lY, p. 144), qui est disposé à
croire au transport de graines par les causes actuelles, ne cite aucun fait de ce ^enre
observe dans les îles Britanniques. S'il en avait appris un seul par la lecture des journaux
ou par la conversation, il l'aurait sûrement noté. J'ai questionné souvent des marins. Ils
n ont pu me citer que des insectes ailés ou de la poussière, comme venant tomber quel-
^ f ^ distances pas très grandes de la cote ; jamais des graines.
du Vésuve furent portées jusqu'à Constantinople; en 1815
celles du Sumbawa furent portées à 290 lieues, jusqu'aux îles d'Amboine et de Banda.
Boudant, Cours elem. d'hist. nat., partie géol., p. 45.) En 1845, les cendres du volcan
Hecla en Islande, lurent portées aux îles Feroc, Orcades, et même entre l'Angleterre et
1 lrlande.-(Ch. Martins, Veget. des Hes Feroc, p. H i , d'après des écrits de M. Ehrenberg
D'après les descriptions et les iigures, ce lichen (Lichen esculentus,
PalL, Voy., édit. fr., pl. 108 ; Lecanora esculenta Spr., et surtout, Eversman.
Act. Acad. nat. cur., XV, 2" part., p. 356, t. LXXVIII), est d'un
poids assez considérable, car il a un diamètre de 9 à 12 lignes, et une
forme sphérique irrégulière. Dans l'hiver de 18/45 à 18Zi6, il tomba,
dit-on, dans la province de Broussa, en Anatolie, et je crois aussi ailleurs
dans ce pays, la même espèce de lichen. J'en ai reçu des fragments, très
semblables à la figure publiée par M. Eversman. L'étiquette porte qu'ils
sont (( tombés du ciel avec la rosée du matin » ; mais je ne garantis rien à
cet égard. Le fragment le plus gros pèse ¿30 milligrammes. Sa forme est
oblongue, les autres sont sphériques. Ils sont tous rugueux, d'une consistance
calcaire, d'une teinte terreuse brune (a) avec des points blancs.
On peut en voir des échantillons, peut-être plus nombreux, dans le cloître
des Arméniens à Venise (Treviranus, Bot. Zeit., 18ii8, p. 893); mais je
ne puis dire leur grosseur et leur pesanteur. Je doute que ces lichens aient
été portés loin de leur origine, par exemple, à plus de 10 ou 15 lieues, et
certainement ces chutes sont bien rares. Il faut, pour produire un pareil
phénomène, non-seulement des vents d'une force extraordinai/e, mais aussi
des accumulations de fragments détachés sur des pentes où le vent s'en
empare. Les graines sont rarement accumulées en quantité aussi grande
à la surface des terrains, et si quelques-unes sont rugueuses ou munies de
l)oils et de membranes qui facilitent le transport, il y en a une infinité qui
ont une surface lisse, peu saisissable.
Les fleuves transportent les graines à de grandes distances. Dans leurs
inondations, ils les déposent sur le terrain, où plus tard elles doivent germer
convenablement. Les torrents des montagnes emportent souvent dans
les plaines des espèces qu'on est étonné d'y trouver. Ce sont des cas frappants,
notés par tous les botanistes, mais dont l'importance est presque
nulle en géographie botanique, car les espèces alpines ne peuvent pas s'établir
à demeure fixe dans les plaines. Les transports par de grands fleuves,
dont le cours prolongé traverse des pays à peu près de même niveau et de
climat analogue, ont dû, au contraire, avoir une influence très grande pour
mélanger des flores diverses. Quand les fleuves marchent du nord au sud
ou du sud au nord, ils risquent de porter les espèces sous des latitudes
où le climat les empêche de vivre ; mais s'ils se dirigent de l'est à l'ouest
ou de l'ouest à l'est, leur effet, pour reculer les limites, doit être complet.
(o) Le lichen dont le corps d'armée de Jussuff s'est nourri près du Sahara algérien
{l'iacodum Jussuffii Link, bol. Zeit:, 1848, p. 666) est d'une teinte beaucoup plus
claii'e, tirant sur le rouge. 11 n'a été trouvé ([ue sur le sol, mais par sa nature il se détache,
et le vent doit le rouler facilement.