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J 12/ 1 ORIGINE PUOBAÜLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
de transport assez faciles (au moins par Ierre), paraissent être des espèces
peu anciennes, je veux dire postérieures à là configuration actuelle de la
plupart de nos continents. Les espèces qui ont une aire très vaste, malgré des
moyens actuels de transport difficiles, sont probablement plus anciennes.
9. En comparant les formations géologiques successives, il semble que
les premiers végétaux ont été surtout des espèces d'une organisation
simple, et en petit nombre; que, graduellement, des espèces plus compliquées
sont venues s'ajouter et remplacer en plus grand nombre les
espèces qui périssaient. Parmi nos espèces actuelles, ce sont également les
plus simples qui paraissent les plus anciennes, d'après leur diffusion, et ce
sont les plus compliquées qui paraissent les plus récentes, d'après leur aire
restremte. Cette concordance, par deux voies différentes, appuie l'hypothèse
d'une progression dans les êtres organisés successifs, hypothèse que
la géologie n'a pas encore démontrée suffisamment.
10. Les espèces ligneuses se sont établies par grandes masses dans les
pays septentrionaux et tempérés, à une époque où le climat devait être
plus humide ou plus nuageux qu'à présent. Aujourd'hui, en effet, dans le
midi de l'Europe, le nord de l'Afrique, les îles Canaries, les portions méridionales
des États-Unis, et ailleurs, un terrain dénudé, exposé aux effets du
soleil, ne se couvre plus de végétation arborescente, comme cela est arrivé
jadis. Or, les Conifères et les Amentacées, qui constituent la plupart des
forêts, sont des Phanérogames peu développées. Leur ancienneté probable,
d'après leur existence par masses dans certains pays, confirme donc l'inégalité
d'âge de nos espèces et le fait que les espèces anciennes n'étaient pas
les plus compliquées.
11. Les faits de géographie botanique actuelle sont, en général, clairs et
concordants si l'on suppose que les espèces les plus anciennes, parmi les
Phanérogames, sont, d'abord, la majorité des plantes aquatiques et des
lieux humides, puis beaucoup de plantes septentrionales et alpines et la
plupart des arbres de nos régions tempérées, et si l'on suppose en même
temps que les espèces les plus récentes se trouvent principalement parmi
les plantes des régions chaudes, parmi les Dicotylédones à ovaire infère et
corolle gamopétale, telles que les Composées, Dipsacées, Campanulacees,
etc., et parmi les autres Phanérogames à organisation compliquée
sous certains rapports, comme les Orchidées, les Palmiers, les Apocynées,
Asclépiadées, Cucurbitacées, Passillorées, Bégoniacées, etc.
12. Depuis l'existence déjcà ancienne de la plupart de nos espèces, il a
pu arriver que certaines races se soient formées et propagées, et que,
maintenant, nous les prenions pour des espèces, en particulier si elles
habitent des contrées distinctes, et si les modifications voisines dans l'es-
RÉSUMÉ ET CONCLUSIONS. 1125
péce ont disparu, par l'effet d'événements géologiques ou d'accidents naturels
quelconques. Cependant, cette considération ne peut pas s'appliquer
aux espèces très distinctes de leurs congénères, ni aux espèces si nombreuses
de certains genres qui se trouvent accumulées dans le même pays,
et qui ont dû, par conséquent, éprouver des induences semblables pendant
un temps très long.
13. Les espèces cultivées offrent, en général, plus de modifications que
les autres, parce qu'elles sont plus flexibles et que la culture isole les individus
modifiés ; mais on retrouve peu à peu ces espèces à l'état spontané,
souvent d'une manière incontestable, et il est possible qu'on les retrouve
toutes à mesure que certaines régions seront mieux connues. Ainsi, elles
rentrent dans les lois des autres espèces.
i k . Les faits connus autorisent à penser qu'une plante peut se développer
accidentellement sous une forme nouvelle que nous appellerions
une espèce distincte, même un genre ou une famille, mais que nous
appelotlsune monstruosité lorsque nous en savons l'origine. La plupart de
ces formes ne peuvent pas durer, ni surtout donner des graines, et bien
plus rarement des graines fertiles. Dans ce dernier cas encore, il faut que
l'atavisme ne ramène pas la forme primitive et que la fécondation avec les
autres individus de forme ancienne soit impossible, c'est-à-dire qu'il y ait
isolement, pour que la forme nouvelle se conserve de génération en génération.
L'ensemble de pareilles conditions n'est guère possible dans la
nature. Évidemment, ces conditions n'ont pas pu exister à l'origine
d'espèces agglomérées sur un même continent ou dans une île, et cette agglomération
est précisément le cas le plus fréquent pour les espèces analogues.
On est donc obligé de reconnaître pour l'origine de la grande majorité
des espèces, genres et familles, une cause extra-naturelle, ayant agi dans
certains moments, cause supérieure, dont l'action échappe aux sciences
d'observation. En d'autres termes, la cause qui a fait exister les formés
héréditaires de la plupart des espèces, de tous les genres, de toutes les
familles de plantes, est une cause analogue à celle qui a fait exister les
corps simples reconnus dans la nature inorganique.
15. Les races, les espèces, les genres, les fiimilles, ont une durée indéfinie,
c'est-à-dire qu'elles n'ont pas en elles-mêmes une raison de cesser à
une époque précise. Elles continuent jusqu'au moment où des causes extérieures,
fréquentes pour les races, moins fréquentes et même rares pour les
espèces, très rares pour les genres, et surtout pour les familles, viennent à
influer lentement ou brusquement.
Dans le chapitre xxvi, j e reviendrai sur plusieurs de ces faits et de ces
principes, envisagés au point de vue de régions particulières.