8 9 6 ORIGINE GEOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
l'archipel asiatique. lUimphius (Ij p. tab. AS) l'appelait Cujavus ou
Gujavus agrcsiisj parce qu'il le voyait dans les îles Moluques, parmi les
buissons, dans des lieux incultes. On le cultivait aussi, et alors ses fi^uits
étaient plus gros. Les habitants le regardaient comme d'origine étrangère,
parce qu'il se trouvait surtout dans le voisinage des premiers établissements
portugais, et qu'ils ne lui connaissaient aucun nom indigène. Rumphius
(p. l/i/i) inclinait à cette opinion, car, disait-il, on ne voit pas beaucoup
de buissons de cette espèce; il se pourrait que les oiseaux l'eussent
transportée de Manille auxMoluques, et auparavant d'Amérique dans quelqu'une
des îles du grand Océan. Cette supposition est bien improbable, et
l'auteur aurait dû parler plutôt des hommes. A Java, le Psidium pomiferum
est abondant soit dans les jardins, soit dans les taillis (Blume, Bijdr,^
p. 1G93 ; Hassk., dans Flora, I8Z1/1, p. 588).
A Tappui de l'idée qu'il est d'origine étrangère dans tout cet archipel,
je dirai que Forster ne l'a pas rencontré dans les petites îles de la mer
Tacifique {Planloe escuL\ Guillem, ZcpAyr. Tait.). Si c'était une plante
originaire des Moluques ou de Java, ou une plante commune à ces îles et
à l'Amérique, elle aurait existé probablement ou aurait été introduite de
bonne heure dans les îles de la Société, etc. Rheede l'a figurée dans son
llorlus Malabarkus (Hi, tab, 35). C'était un fruit étranger au Malabar,
désigné comme venant de Malacca, et qui pouvait venir aussi bien^ disait-il,
des Moluques, de Chine ou d'Amérique. On ne lui connaît aucun nom
sanscrit et fort peu de noms indous modernes (Roxb., Piddington). Loureiro
{FL Coch.y p. 379) prétend l'avoir trouvé dans les forêts de la Cochinchine
et de la Chine. Le fruit n'a qu'un pouce de diamètre au plus. On
l'hidique à la Chine (Hook, et Arn., BoL Beechey, p. 188), sans dire s'il
y est cultivé ou spontané. Le Ps. aromatiçum de Blanco (FL Filip.j
édit., p. lilQ) paraît otre le pomiferum. L'auteur assure qu'il est indigène
aux Philippines « quoiqu'on dise communément le contraire. » Thunberg
n'en parle pas dans sa Flore du Japon, ce qui fait présumer une existence
peu ancienne en Chine et aux Philippines.
En résumé, le Psidium pomiferum se trouve cultivé et quelquefois spontané
en Amérique et en Asie ; mais en Amérique sa culture paraît avoir été
générale du Brésil aux Antilles et au Mexique dès le commencement du
xvii'^ siècle, l'espèce avait été trouvée sauvage dans le Mexique peu de
temps après la conquête, enfin on lui donnait des noms vraiment indigènes.
Au contraire, en Asie, environ un demi-siècle (Rheede) ou un siècle plus
lard (Rumphius, 1750), la culture n'avait pas pénétré dans les petites îles
de la mer Pacifique, les habitants du Malabar et des Moluques regardaient
la plante comme d'origine étrangère, et lui donnaient des noms tirés des
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 897.
langues européennes ou de comparaisons avec d'anciens fruits de leur pays.
Ajoutons que sur 59Psidium connus (DC., Procir., III; Walp., II, p. 170),
57 sont d'origine américaine sans contestation; un (Ps. guineense), qu'on
disait de Guinée, n'a pas été retrouvé en Afrique (Hook,, FI. Nigr.,
p. 359); enfin le Ps. pumilum, Wahl (Ps. caninum, Lour.? Hook, et
Arn., Bot. Beech., p. 188), c^u'on dit spontané à Amboine (Bumph., I,
tab. /i9), a Java (Blume, Bijdr., p. 1093) et à Canton, pourrait bien,
d'après la nature de ses noms vulgaires, ses localités maritimes ou voisines
d'établissements européens et la diflusion facile des graines de Goyaviers
être encore d'origine américaine (a).
Le Psidium pomiferum a été rapporté de la côte occidentale d'Afrique
(Hook., FL Nigr., p. 359), probablement de cultures. H est cultivé et
presque naturalisé à l'île Maurice (Bojer, / i . Maur., p. 138).
Je reviens à la question delà division ou de la séparation des Goyaviers
en deux espèces. La géographie botanique est plutôt favorable à la réunion,
car les deux formes paraissent originaires du même pays, le Mexique
probablement, ou en tout cas l'Amérique intertropicale; elles sont mé-^
langées presque partout, et depuis deux siècles, dans les cultures. On peut
en inférer, comme des pêches lisses et velues, et des oranges douces et
amères, ou qu'elles sont arrivées partout ensemble, venant d'un même
centre, ce qui serait singulier, ou qu'elles se transforment l'une dans l'autre
par l'efiet des semis. Le Goyavier à fruit arrondi paraît plus robuste, cà
saveur et odeur plus forte; il est plus disposé à se naturaliser. Il serait
donc la souche, en admettant une seule espèce. B est probable néanmoms
que les formes sont devenues héréditaires, comme dans les pêches lisses et
velues, comme dans les cotons blancs et jaunes, dans les pavots à graines
blanches et graines noires, etc.; car aucun auteur ne signale de transformation
à la suite de semis.
Lagenaria vulgaris, Scr. (Cucurbita Lagenaria, L.). — Les gourdes
et cougourdes forment une espèce dont l'origine paraît avoir été méconnue.
Linné (H. Cliff., p. m ; 5p. , p. UU) dit qu'elle croît en Amérique,
dans les lieux humides. M. Seringe (Prodr., III, p. 299) s'est borné
à dire : entre les tropiques. Elle me paraît originaire de l'Inde comme mon
père le soupçonnait déjàen 1805 (FL Fr., III, p. 692). Voici les motifs.
l'^ L'espèce a été trouvée sauvage dans l'Inde (Boxb., FL Ind..
édit. 1832, vol. m , p. 719), dans les forêts humides qui s'étendent vers
Deyra Doon (Boyle, IlL HimaL, p. 218). C'est une variété à fruit amer.
fai Mon père a rapportò au Ps. pumilum un échantillon de la Guadeloupe, dont il fait
une variété (Prorfr., IH, p. 233j. 11 est dans un état si mcomplet que je ne .aurais
émettre une opinion.