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•ii G 3/ 1 CIIANf.EMEMS DANS L'jlAiîlTATlOiN DES ESPÈCES.
est bien singulier que l'espèce manque au bassin du lac de Genève,
quand elle existe dans le bassin du lac de Neucliâtel, Morat et Bienne, où
le climat est si semblable. On sait, d'ailleurs, qu'elle est répandue dans
tous les pays qui avoisinent la Suisse, et qu'elle avance au nord jusqu'en
Finlande et en Suède, pays où le froid est plus prolongé que chez nous.
Rien ne fait présumer que le Sagittaria ne s'établît pas très bien dans les
eaux des environs de Genève, si on l'y mettait. Il vient parfaitement
au Jardin botanique; mais jusqu'à présent il n'a pas été naturalisé
ailleurs.
L'Hottonia palustris présente les mêmes faits en Suisse, notamment
à Genève. Comme il est moins facile à naturaliser, j 'en suis moins
étonné.
Le Trapa natans est épars dans les eaux douces du nord de l'Italie, de la
France, de la Suisse et de l'Allemagne. Il manque à plusieurs districts
enclavés dans ceux où il existe. Cependant il se naturalise partout, si l'on
veut bien le transporter. Ainsi, on l'a jeté dans des étangs où il manquait
près de Paris (Coss. et Germ., FL, I, p. 13/i) et en Wurtemberg (Scliiibl.
et Mart., Fl.)-^ il s'y est établi. On le garde indéfiniment dans les bassins
de plusieurs jardins botaniques, à Genève, par exemple, où il ne végète pas
spontanément. Il serait, je crois, facile dele reprendre, mais il devient si
incommode, qu'on aime mieux ne pas le propager. Il a disparu de la Lorraine
depuis quelques années, ou au moins il y est devenu excessivement
rare (Godron, FL, I, p. 3/iO). Il a aussi disparu de plusieurs localités de
la chaîne du Jura, selon M. Thurmann {Essai phjlost. Jura, II, p. 92).
Ces faits ont pu avoir un certain degré de fréquence. Probablement, des
intempéries, des accidents dont la nature n'est pas connue, ont détruit çà et
là l'espèce, indépendamment de la diminution générale des eaux stagnantes
par l'influence de l'homme. Dans cette hypothèse, on trouvera tout simple
que la plante, mise de nouveau dans un étang, y réussisse bien pendant
un nombre d'années quelconque.
Je suis assez disposé à admettre la même hypothèse pour d'autres
plantes aquatiques. Leur aire est généralement si vaste, leur diffusion a été
autrefois si facile, que l'absence dans tel ou tel point, au milieu, ou à côté
de l'habitation de l'espèce, fait volontiers présumer quelque diminution
accidentelle de fréquence, quelque cause locale de disparition. Les naturalisations
de ces plantes peuvent donc, être problématiques dans un sens,
tout en étant certaines, car ce sont peut-être des réintégrations, des
renouvellements plutôt que des introductions absolument nouvelles. D'un
autre côté, dans quelques pays, comme la Suisse, il a pu arriver que les
vallées fussent encore couvertesdeglaciers à l'époquede l'apparition de cer-
NATURALISATIONS A PETITE DISTANCE. 635
taines plantes aquatiques ou de leur diffusion dans les pays voisins. Les
causes de dispersion de ces espèces auraient cessé ou auraient perdu de
leur énergie, depuis que les glaciers ont fait place à divers de nos marais
et de nos lacs. On expliquerait ainsi la pénurie assez grande de notre région
en plantes aquatiques.
Les espèces ligneuses ont disparu souvent d'un district à la suite de la
destruction des forêts par la main de l'homme. Elles peuvent quelquefois
reparaître si les circonstances redeviennent favorables.
Les espèces vivaces sont sujettes à moins d'accidents et de variations
d'habitations que les plantes aquatiques et les arbres, parce que, d'ordinaire,
elles s'accommodent mieux de différentes stations. Cependant celles
qui exigent des terrains humides, ou l'ombre des forêts, sont aussi exposées
à "disparaître et à reparaître de nouveau, en raison uniquement de
certains changements qui s'opèrent dans le pays. Les espèces de terrains
secs et de terrains ordinaires ne sont pas dans le même cas. Il faut donc
appliquer à chaque catégorie des considérations et des hypothèses diiTérentes.
Je vais en citer quelques exemples.
D'après un opuscule intéressant (a) de M. P.-F. Bernard, de Montbelliard,
plusieurs plantes existent aujourd'hui autour de cette ville, qui
n'avaient pas été trouvées par J. Bauhin, Chabray, et même le botaniste
Berdot, dont l'herbier, fait de 1758 à 1763, se trouve chez son gendre,
M. Duvernoy. Ce sont les Globularia vulgaris. Digitalis grandiflora, Seseli
montanum, Seseli glaucum, Selinum Chabroei, Selinum oreomontanum
(S. Oreoselinum?), Athamanta Libanotis, Spiraia filipéndula, Thalictrum
minus, angustifolium et galioides. L'auteur attribue l'introduction de ces
plantes à un canal dérivé du Doubs , établi depuis un demi-siècle ou
environ, qui arrose le vallon de Montbelliard dans une bonne partie de son
étendue. « Les graines, dit-il, entraînées et déposées par les eaux, trouvant
le sol dans une exposition convenable, auront pu s'y développer facilement.
» J'admets l'influence de ce canal, non pour le transport des graines,
car l'eau d'un canal n'a guère de courant; mais comme cause d'irrigation,
d'humidité et fraîcheur dans quelques localilés du pays. Le Spiroea filipéndula
a pu se naturaliser par ce motif, peut-être encore le Selinum Chabroei,
qui aime les endroits humides ; mais les autres espèces habitent
plutôt les lieux secs. Le Globularia vulgaris, le Thalictrum galioides, le
Libanotis, les Seseli, ne peuvent pas avoir été favorisés par l'établissement
d'un canal, à moins de supposer que les berges étant très releía)
Tableau de la végétation du Jura et de l'ancienne Franche-Comté, des Vosges^
deVancieL Alsace, b. in-8 de 10 pages. Strasbourg, 1822. C'est le prospectus d un
ouvrage qui, je crois, n'a pas paru.