1 3 0 0 DIVISION DES SUUKACES TKUliKSTlïES EN UÉGIONS NATURELLES.
Chaque zone de quelques lieues offre un cliangement de climat et voit
s'arrêter quehjues espèces, ou se modifier la proportion de certains genres
et de certaines familles. La transition n'est pas uniforme, mais elle existe
partout. De meme;, dans la direction des grands lacs a la Louisiane et au
Texas; et, sur la còle occidentale, de Kotzebue sound à l'Oregon, de
rOrégon à la Californie, de la Californie à Panama.
Dans notre Europe, où les chaînes de montagnes déterminent, par exception.
des limites naturelles plus positives, les régions ne sont pas toujours
tranchées. En allant du bassin de la mer Méditerranée en Laponie, on
rencontre des modifications de climat et de végétaux assez irrégulières.
Je conviens que l'abri déterminé par les Cévennes, les Alpes méridionales
et les Apennins produit une diflerence de végétation sensible à tous
égards en passant d'un côté à l'autre, mais déjà dans le Languedoc une
foule d'espèces dites de la région méditerranéenne n'existent pas, et les
familles principales ne sont pas selon les proportions qu'on trouve en
Corse ou en Sardaigne. En outre, la Lombardie et le Piémont d'un côté,
le sud-ouest de la France et le plateau central de l'Espagne de Tautre, ne
forment-ils pas des transitions entre la région méditerranéenne et celle
de l'Europe tempérée? Ce sont des intermédiaires quant aux espèces, aux
genres principaux, à la proportion des familles, aux cultures les plus apparentes,
en un mot à tous les caractères de végétation. Avançons vers le
nord : les espèces s'arrêtent, Tune au centre de la France, l'autre vers la
région du Rhin, une troisième croise les précédentes du nord-est au sudouest,
ou vice versâ (voyez les cartes 1 et 2); les grandes familles, comme
les Légumineuses et les Composées diminuent et augmentent graduellement.
Tout cela continue jusqu'en Laponie, excepté dans certains districts,
où des causes locales déterminent une modification plus rapide. Entre
l'Europe septentrionale et la Sibérie, aucune limite véritable. La moitié
des espèces phanérogames de Saint-Pétersbourg se retrouve encore en
Daourie (a); les genres sont presque tous semblables; et si l'on comparait
deux provinces près de l'Oural, Tune en Europe, l'autre en Asie, la
transition serait insensible.
Les difficultés sont les mêmes pour plusieurs îles ou archipels. Dans la
zone équatoriale et dans les zones tempérées, chaque île a des caractères
distinctifs de végétation, et c'est une chose souvent arbitraire de grouper
des îles plus ou moins rapprochées, plus ou moins analogues, de manière
à les présenter dans les ouvrages comme une région naturelle. Réunirat
on Yan-Diémen à la Nouvelle-Hollande? Rourbon et Maurice à Madagascar?
Si l'on , considère les îles Canaries et Madère comme une région, à
(a) Turczaniiiow, Bull, Soc. Mose., 1842, p. 15.
mVïSION DES SURFACES TERRESTRES EN RÉGIONS NATURELLES, 1307
cause de certains rap])orts bien constatés, les îles Açores et les îles
du cap Vert devront-elles entrer dans la même région? Toutes les îles au
midi de l'Asie feront-elles une seule région à cause de leur rapprochement
et des transitions de Tune à l 'autre? On sent bien vite, par ces exemples,
que la séparation matérielle des ffores paj des mers ou bras de mer ne
simplifie pas la question et que la constitution de régions botaniques, en
nombre déterminé, avec des caractères positifs, n'est guère plus facile pour
les îles que pour les fractions d'un continent.
Les obstacles contre lesquels on est venu échouer dans cette division
par régions botaniques, sont de deux catégories différentes.
Les véritables caractères de végétation, ceux surtout qui ont de l'importance,
ne sont connus que pour un très petit nombre de ffores. On
veut apprécier le degré d'analogie de deux provinces voisines, de deux îles
ou archipels peu éloignés, et l'on ignore, par exemple, le degré de fréquence
des espèces, le degré de fréquence des genres et des familles,
choses compliquées, desquelles résulte cependant une bonne partie de
l'effet produit par chaque végétation. Le nombre des espèces et des genres
propres à chaque pays, ou communs à plusieurs, n'est pas toujours conslaté.
Si les pays que l'on compare sont étendus, on ne tient pas compte,
peut-être, du fait que beaucoup d'espèces sont cantonnées en un seul
point et ne caractérisent nullement la végétation de l'ensemble du pays.
Les Flores étrangères à l'Europe ou aux Etats-Unis sont presque toutes
incomplètes, et d'ordinaire la série des familles n'est pas même achevée;
les Flores européennes et celles de l'Union américaine ont été rarement
rédigées en vue de travaux de géographie botanique. Souvent ne renferment
pas les faits qui seraient essentiels à connaître. Nous eu sommes
donc, pour la constitution de régions botaniques naturelles, au point où
l'on en serait pour la constitution des familles si l'on ignorait dans les deux
tiers des cas l'adhérence ou la non-adhérence des pétales; dans d'autres
cas, la présence de l'albumen, ou la forme de l'embryon. On aurait beau
connaître deux ou trois caractères, plus complètement qu'on ne connaît
certains faits de géographie botanique, la constitution des groupes n'en
serait pas moins imparfaite, superhcielle^ et quelquefois arbitraire.
Les méthodes logiques, appropriées à la question, n'ont pas été
appliquées. Chacun a groupé les pays en régions, dites naturelles, suivant
certains aperçus, certains faits séparés de l'ensemble, et l'on a oublié
que toutes les bonnes classifications se ressemblent dans leurs principes
et même dans leur forme. Ainsi, toute classification non-seulement doit
s'appuyer sur l'ensemble de plusieurs caractères bien connus et dont la
valeur a du être étudiée; mais elle doit aussi se composer de groupes
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