1082 OUlLiliM-: PKUUAIÎLK DI-S EïSPÉCKS SPONTANÉES ACTUELLES.
taines variélés aient pessé (Fexister, par d'autres causes que des intempéries
extraordinaires qui tuent la plante, ou la négligence des cultivateurs,
qui oublient de la multiplier, il est impossible de rien conclure de quelques
laits. Pour une variété qu'on dit éteinte, on peut en citer beaucoup
d'autres qui durent depuis des siècles, nonobstant leur transport dans des
localités différentes et l'eilét de cultures variées : par exemple, beaucoup de
variétés de pommier, de poirier, de mûrier. Je croirais volontiers qu'une
variété change lentement, très lentement, lorsqu'on la soumet à un climat
nouveau ; la vigne en est une preuve. Mais rien ne peut faire supposer que les
circonstances restant semblables, elle ne dure pas indéfiniment, ou que trans^
portée ailleurs, elle doive changer dans un laps de temps déterminé. Encore
moins a-t-on la preuve qu'elle doive s'éteindre de vieillesse et périr, sans des
intempéries extraordinaires, comme certains agriculteurs l'ont supposé.
Races. ~ On donne ce nom à des états particuliers de l'espèce qui se
maintiennent presque toujours de génération en génération, par les graines,
et qui, à plus forte raison, se propagent par les procédés de division (a). '
^ Les meilleurs exemples de races, dans le règne végétal, peuvent être
tirés des Graminées annuelles cultivées. Assurément personne ne doute
qu'en semant un certain blé, un certain maïs, on obtient un Mé, un maïs,
dont les caractères principaux et distinctifs sont les mêmes de génération
en génération. Plus ces traits sont prononcés, plus on est frappé de leur
ténacité héréditaire, car alors les diiTérences légères qui s'offrent parmi
les individus d'un même semis ou de plusieurs semis successifs, se cachent
à nos yeux sous les caractères essentiels de la race.
L'expérience a fait connaître des races dans toutes les catégories de
plantes phanérogames. En semant des pépins de raisin blanc, on obtient
des vignes à raisin blanc. Les pavots à graines blanches ou à graines noires,
conservent ces couleurs par les semis. De même pour les anagallis à fleurs
rouges ou bleues (b). Les graines de pêcher à fleur semi-doWe donnent
invariablement des fleurs semi-doubles (c). Les asperges de Hollande se
conservent bien de graines (J). Les jacinthes blanches donnent presque
toujours des jacinthes blanches (e). Une modification à feuilles rouges du
(a) Le mot race a Tinconvcnient d'etre uniquement français et de se baser seulement
sur une notion physiologique. U y a long-temps que Link avait proposé le nom de
subspecies, sous-espece, qui aurait pu se traduire dans toutes les lan-ues et qui est en
rapport avec les ex^pressions usitées dans Thistoire naturelle descriptive. La définition
(h) Thwaites, dans Phxjtologisl, I, p. 167.
(c) Camuset, cité dans London gard. mag,, août 18i l , p 398
(d) D'après le témoignage de plusieurs horticulteurs, par exemple de MM. Jamin, près
de Pans, qui en sement une grande quantité chaque année.
(e) De Candolle, Phys. vég,, p. 692.
CHANGEMENTS QUI ONT PU S'OPÉREH pANS LES ESPÈCES. 1083
Berberís vulgaris a donné uniquement, par les graines, des feuilles rouges;
mais l'expérience n'est pas encore assez ancienne pour que la race soit
bien constatée (a). On pourrait multiplier ces exemples. Ils sont exactement
semblables à ceux que l'on connaît dans le règne animal. Ils offrent
les mêmes conditions, les mêmes circonstances, les mêmes bizarreries; et
ce n'est pas là un des rapports les moins remarquables entre les deux
règnes.
Ainsi, dans les végétaux, comme dans les animaux, il est difficile de
deviner à friori les qualités qui se conserveront d'une génération à l'autre.
L'expérience seule peut démontrer ce qui est vraiment héréditaire. Je
citais, il y a un instant, les couleurs de certains fruits qui constituent des
races. Dans d'autres espèces, le même genre de caractères n'est pas
héréditaire. On a semé 100 merisiers (Cerasus padus) à fruit jaune, dont
aucun n'a donné des fruits Jaunes ; 100 cerisiers de Sainte-Lucie (Cerasus
Mahaleb) à fruit jaune, qui tous ont donné des fruits rouge-brun ou noirs;
enfin, 100 cornouillers (Cornus mas) à fruit jaune, qui ont donné 1/12^
seulement de pieds à fruit jaune {h). Les semis de hêtre, variété pourpre,
ne donnent ordinairement qu'un tiers ou à peu près de pieds à feuilles
pourpres (c). Les Celtis australis, Clypeola maritima. Erysimum Barbarea,
Cheiranthus Cheiri, à feuilles panachées, se maintiennent de graines;
mais en général les variétés de cette nature ne se propagent pas uniformément
et sûrement par les semis (c). Les variétés de mûrier dites mtdlicaulis^
more/a'ana, . retournent au Morusalba, dès la première ou la
seconde génération, d'après des expériences dont Moretti m'avait parlé.
Quelquefois, une race paraît fixée, et plus tard, elle retourne au type
primitif. Ainsi, le noyer précoce (Juglans regia praîadulta ou proeparturiens)
découvert par hasard dans le Poitou, a paru se conserver régulièrement
de graines (c); mais on m'a montré dans l'établissement de M. Jamin,
à Bourg-la-Reine, près de Paris, des pieds qui reprenaient la taille
et le mode de vivre du noyer commun, quoique provenant de semis de la
variété.
Dans l'un et l'autre règne on peut faire des races, en employant certains
moyens semblables. On profite d'une disposition des êtres organisés
à ressembler, jusque dans les détails les plus secondaires, aux générations
antérieures, spécialement à la précédente. Pour donner à cette disposition
tout son effet, on isole les individus qui ont telle ou telle qualité dont on
(a) Pépin, Ami, soc, hortic. de Paris, et Flore des serres et jardins, VIII, p. 279.
{b) Prévost, Ann. Flore et Pomone^ 1840"184'l, p. 55.
{c) Pépin, Ann. Flore et Pomone, 18^0, p. 169, et Journ. des serres etjard., 18-48,
Misceli., n. 126.
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