1090 OlilGlNR T'RO]!ABI,K DKS ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES,
font parliculiùreineiil llexil)k'3 et soumis à dos infUieiices ;trli(icielles, en
particulier ù l'isolement (p. 1083).
Il existe pourtant des races i)armi les plantes spontanées. D'où proviennent
elles? Comment se sont-elles formées et maintenues? Voilà ce
qu'il est essentiel d'examiner, et il vaut la peine d'y procéder lentement,
logiquement, car les races anciennes et bien établies sont regardées, ou par
erreur, ou volontairement par quelques botanistes, comme des espèces.
-le dis d'abord qu'il existe réellement des races dans les espèces spontanées.
On ne peut en douter en voyant ces milliers de formes énumérées
dans les livres de botanique sous le nom de variétés. Une partie se compose,
il est vrai, de modifications peu distinctes, passagères, qui ne sont que des
variations, ou au plus des variétés qu'on pourrait propager par division.
D'autres sont certainement héréditaires. L'opinion des botanistes est unanime
sur ce point. Ils didérent dans l'appréciation de cas particuliers ; mais
ils admettent tous que certains états des espèces spontanées sont transmissibles
par graines, avec plus ou moins de régularité et de durée. Ainsi, nous
avons dans les Alpes des pieds de Rhododendron ferrugineum à lleurs
blanches. Lorsque j'en ai fait recueillir des graines et que j 'en ai offert aux
directeurs de jardins botaniques, tous m'en ont demandé. Aucun d'eux,
certainement, ne pensait que ce Rhododendron blanc fût une espèce; mais
chacun se llattait d'obtenir par les semis des pieds à tleurs blanches (a). Cet
empressement général des botanistes montrait une opinion admise de tous,
.opinion fondée sur l'observation habituelle des faits et sur l'analogie entre
les plantes spontanées et les plantes cultivées. Il n'est pas un forestier
qui, voulant semer des arbres, ne recherche les graines de chêne, ou de
pin, ou de hêtre, provenant de la variété qu'il estime le plus dans cliaque
espèce. A défaut de variété, il cherchera les graines de pieds d'une belle
venue, tant il est persuadé que la plupart des qualités sont héréditaires,
dans les plantes spontanées comme dans les plantes cultivées.
Il existe aux îles Açores beaucoup d'espèces communes avec les îles Britanniques
ou le continent européen; mais souvent la forme en est un peu
différente, au point de fornier ce qu'on appelle des variétés, non des
espèces. Or, quand on a semé certaines de ces variétés, en Angleterre,
elles se sont conservées de génération en génération (b). Lorsqu'on sème
dans les jardins botaniques des graines d'une espèce commune, venant de
localités éloignées, on remarque souvent des formes un peu différentes
dans les produits, souvent aussi une disposition à fleurir plus tôt ou plus
^ (a) Il est si rare qu'on élève des Rhododendrons des Alpes au point de lleurir que
J'ignore si mes correspondants ont obtenu des fleurs blanches. '
(6) Watson, dans le Phytnlogist, II, ]», 938.
CHANGEMENTS (JUl ONT PU s'oPÉlUill UANS LES ESPÈCES. lOül
tard. On l'attribue, non sans raison, à des différences héréditaires. Malheureusement,
les expériences de semis se font presque toujours sur des
espèces cidtivées, ou sur ces variétés douteuses de plantes spontanées, qui
sont regardées par quelques botanistes comme des espèces particulières (a).
C'est ce qui m'empêche de citer des exemples plus positifs et plus nombreux.
Néanmoins, je présume n'être démenti par personne, en disant que
beaucoup de ces états des plantes spontanées, que l'on désigne d'une opinion
unanime comme des variétés, sont héréditaires. De plus, il n'y a
aucune raison de croire que les races spontanées soient moins durables
que les races de plantes cultivées. Au contraire, car les espèces cultivées
étant flexibles (c'est une des causes pour lesquelles on les cultive), leurs
modifications doivent, en général, être moins stables. Si donc, il y a des
races de blé, de maïs, etc., qui se conservent depuis des siècles, même
depuis le temps des anciens Égyptiens, je croirai volontiers que parmi les
plantes spontanées, il existe des races extrêmement anciennes, remontant
peut-être à un état antérieur de notre globe.
Envisageons cette possibilité. Reconnaissons de plus combien de formes
sont indiquées dans les livres tantôt comme variétés, tantôt comme espèces,
suivant l'opinion des auteurs; combien on découvre en explorant mieux
un pays, de ces prétendues espèces admises par les uns, rejetées par les
autres. Nous serons conduits ainsi à chercher si, dans le laps prolongé des
siècles, il n'existe pas des causes qui ont dû amener la formation de races
auxquelles, maintenant, on trouve plusieurs des attributs de l'espèce, et
que l'on désigne ordinairement comme telles. En d'autres termes,
il se pourrait que les espèces spontatiées ne fussent pas de nature à créer
des races, comme les plantes cultivées, sous nos yeux, dans la durée de
quelques années ; mais que, par l'effet du temps et de conditions géographiques
ditîérentes, elles aient pu en former depuis une époque très
reculée.
Si les choses se sont passées ainsi, à côté d'un état peut-être primitif
de (elle espèce, il se serait formé des modifications anciennes, durables
parce qu'elles sont anciennes (loi d'atavisme), et aujourd'hui ces modifications
sembleraient à tous les botanistes, ou à quelques-uns, des espèces
particulières. L'espèce primitive aurait pu, ou s'éteindre, ou durer, au
travers de changements de climat et de configuration géographique des
continents. Les formes dérivées héréditaires que nous appelons espèces,
(o) L'Anagallis phoenicea et coerulea'; les espèces ou variétés de nos primevères communs.
Souvent leurs formes ou leurs couleurs sont trouvées liéréditaires , par expérience ;
mais ce ne sont pas des modifications d'espaces dans l'upuiionde tout le monde; ce sonl,
pour quelques botanistes, des espèces.
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