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1 0 8 S OUIGINII: IMIOBAIU.î: DES KSPKCKS SPONTANÉES ACTUELLES.
laiix, je iHC suis eliorcé do coinbaltro ropiiiion d'une acdimatalion^
c/csl-à-dire d\iii changement dans la nature des espèces qui les rende,
après ((uehiues générations, plus aptes à résister aux inlluences défavorables
d'un climat. J'ai applaudi au mot spirituel de du Petit-Thouars :
(( L'acclimatation, cette douce chimère de la culture. )) J'ai montré pour
preuve les espèces spontanées luttant depuis des siècles sur les limites
[tolaires, équatoriales, supérieures ou inférieures de leurs habitations, sans
jiouvoir avancer, par conséquent, sans se modiiier conformément aux
conditions locales extérieures. Chaque année, elles sortent de leurs limites;
quand elles s'éloignent beaucoup, elles se trouvent dans la position de
plantes qui i)assent brusquement d'une époque géologique à une autre;
({uand elles s'éloignent seulement de quelques lieues en plaine, ou de
quelques mètres sur la pente d'une montagne, elles éprouventles conditions
d'un changement graduel de climat; dans l'un et l'autre cas, elles périssent
plutôt (pie de varier. Dans les plantes cultivées elles-mêmes, que des soins
minutieux protègent contre les intempéries, et dans lesquelles une légère
modiiication peut s'isoler et se propager au moyen des boutures et des
greffes, nous remarquons des effets bien légers et très contestables des
causes extérieures. Presque toujours, les effets observés semblent venir
d une culture particulière plutôt que du climat, ou bien, une fois produits
par une cause quelconque, ils semblent sur le point de disparaître, à moins
(pie l'homme ne s'en empare et ne les fasse durer par le moyen d'une propagation
isolée.
J'ai noté cependant que la vigne, exposée forcément par la culture à
des climats nouveaux, se modiiie à la longue, non pas au bout d'une génération
d'homme, ni même de deux, mais après un siècle au moins^ comme
on l'a vu à Madère, au Cap, etc. (p. 1080). J'admets que dans les espèces
cultivées les variations prolongées peuvent devenir héréditaires. C'est un
acheminement à supposer que des inlluences plus prolongées encore ont
pu modiiier les espèces spontanées, ou plutôt ont déterminé certaines
qualités actuelles.
Il reste à savoir quelles sont les qualités qui peuvent se modifier ainsi.
J'en connais une, mais une seule, si je veux rester dans la limite des
faits constatés. Cette qualité, variable dans les espèces spontanées par une
action très lente du climat, est la faculté de résister au froid.
Lorsqu'on sème des graines de pins de l'Himalaya prises à 10,000 pieds
d'élévation, les produits résistent mieux que ceux, tout semblables d'ailleurs,
provenant de graines récoltées à une élévation moindre (Ilook. L,
New Zealand Flora, introd.,p. xii). La môme remarque a été faite sur
des semis de Rhododendron rouge ordinaire de l'Himalaya {ibid.). Depuis
CUANGEMENTS QVL ONT PU S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1089
combien de siècles ou de milliers d'années les individus de ces deux élévations
différentes étaient-ils, eux et leurs auteurs, inlluences par des climats
différents? C'est ce qu'on ignore. Aussi mettrai-je plus d'importance à une
considération basée sur d'autres faits.
Quand nous mettons en pleine terre, dans nos jardins d'Europe, une
espèce des États-Unis ou du Japon, il y a une grande chance pour qu'elle
supporte notre climat. Nous voyons môme, de temps en temps, ces espèces
se répandre hors des cultures et se naturaliser dans la campagne. D'après
ce seul fait, qui se représente dans d'autres pays, on ne peut pas prétendre
d'une manière générale que les espèces soient adaptées ou appropriées aux
climats actuels. D'un autre côté, toutes les espèces des pays chauds se
montrent incapables de supporter les climats froids. Jamais on naura
ridée, dans le nord de l'Europe, de laisser en pleine terre une espèce des
Canaries, du Cap, de la Nouvelle-Hollande, ou dans le midi de l'Europe,
une espèce de la Guyane ou du Congo. L'expérience a montré qu'elles ne
supportent jamais le froid. Ne peut-on pas en déduire cette conséquence
que, par un séjour de plusieurs milliers d'années dans leurs habitations, les
espèces ont éprouvé une influence piirticulière, au point de vue des dispositions
physiologiques? Elles se sont moulées, pour ainsi dire;, sur les conditions
de température; mais il a fallu pour cela un temps incalculable.
L'argument serait faible si cette observation s'appliquait seulement aux
espèces de régions continentales, comme le Mexique, le Venezuela,
rinde, etc., qui ont pu, de tout temps, se répandre vers lenord. Pour elles,
on peut dire qu'à leur formation primitive^ une cause physiologique les
empêchait de supporter le froid, car sans cela leurs limites se seraient
étendues. Il n'en est pas de même des espèces de Sainte-Hélène, de
Madère et autres îles. Il leur manquait des nnoyens de transport pour s'essayer
dans d'autres pays ; on les leur a donnés. On les a mises pour la première
fois à l'épreuve dans nos jardins, et elles se trouvent toutes hors
d'état de supporter le froid ; donc elles ont reçu par une longue demeure
dans une île à climat égal et chaud, une constitution particulière.
C'est, du reste, je le répète, le seul fait à ma connaissance, et il suppose
un temps beaucoup plus long que celui des cultures les plus prolongées^ H
faut donc, si l'on veut étudier l'influence du temps, revenir à l'examen de
la formation des races, et conjecturer, d'après cela, jusqu'à quel point des
espèces ont pu se former, ou plutôt des raceâ ont pu revêtir l'apparence de
véritables espèces à la suite d'un temps très long.
De nos jours, avec l'observation la plus attentive, nous ne voyons pas se
manifester des espèces nouvelles, ni même s'établir des races qu'on puisse
prendre pour des espèces distinctes^ excepté dans les végétaux cultivés, qui
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