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CHANGKMENTS DANS L HABITATION DES ESPECES.
dans les campagnes^ des espèces dont quelques-unes sont connues pour
étrangères, et d'autres peuvent être présumées telles. Les Arabes ont semé
une multitude de dattiers en Sicile et en Espagne. La découverte de l'Amérique
a été une grande époque pour l'histoire des végétaux, et la reprise
du commerce maritime, en 1816, a été quelque chose d'important aussi
pour amener de nouvelles naturalisations en Europe. La création de jardins
botaniques a toujours influé sur un pays. La date de l'introduction
de certaines cultures a aussi de l'importance ^ parce que les premières
graines et les premiers ouvriers sont souvent originaires du pays où cette
culture existait, et que des graines d'autres espèces ont pu alors être
introduites. Les grandes migrations de peuples et le transport de nombreux
individus sont toujours des occasions du même genre. Ainsi, on a
lieu de croire que les nègres transportés en Amérique ont apporté quelquefois
avec eux des graines de leur pays, volontairement ou par hasard.
Enfin, dans les colonies, l'époque de la découverte, la formation des premiers
établissements et leurs progrès successifs, donnent des indices extrêmement
forts de l'origine d'espèces douteuses.
Lorsqu'une plante s'est répandue depuis quelques siècles, elle n'a pas
marché régulièrement de proche en proclie. Ordinairement elle a eu de la
peine à pénétrer dans certains districts éloignés, et surtout dans les îles.
Ainsi, pour constater une origine douteuse, on fera bien de considérer une
étendue de pays aussi grande que possible. On verra bientôt comment j'ai
pu démontrer l'origine étrangère de plusieurs espèces dans la Grande-
Bretagne, en prouvant qu'elles n'existaient pas encore en France ou en
Allemagne du temps de Bauhin, et aussi comment l'invasion moderne
d'autres espèces en Italie est indiquée par leur absence des îles de Sardaigne
ou de Sicile.
L'étude des noms vulgaires et des langues anciennes fournit des indices
linguistiques. Toute plante du nord de l'Inde, par exemple, a dû avoir un
nom sanscrit, si elle est de nature à frapper le vulgaire, ou si elle présente
quelque propriété, quelque phénomène remarquable. Le Maïs, lePoinciana
pulcherrima, les Plumeria, le Myrtus communis, et bien d'autres plantes
cultivées aujourd'hui dans l'Inde, n'ont pas de nom sanscrit. Dans les cas
douteux et pour des espèces aujourd'hui spontanées, on doit recourir à ce
critère, ce qui n'est pas difficile, grâce au soin avec lequel Roxburgh et
d'autres auteurs anglais ont recueilli les noms des plantes indiennes (a). Le
sanscrit, langue morte, mais dont il reste de grands ouvrages et des traditions
locales, offre pour ce genre de recherches des avantages évidents.
(a) Piddingion a condensé en un petit volume tous les noms indiens de plantes : An
Eng ish index io the plants of India, 1 vol. in-S. Calcutta, 1832.
DES PUEUVES Î::T UIÎS INDICES DE NATURALISATION. 627
On peut se flatter de trouver quelque chose de semblable pour les plantes
d'Europe, dans les langues celtiques. Malheureusement, les mieux connues
sont celles qui ont continué d'être usitées jusqu'à nos jours, par
exemple, le gallois (du pays de Galles), et alors on peut toujours craindre
qu'un nom de plante, dans ce dialecte, ne soit moderne. Il faut connaître
bien cette langue pour distinguer un nom primitif d'un nom tiré du latin à
l'époque romaine et d'un nom tiré de l'anglais à l'époque actuelle. Il est
fort à désirer qu'un botaniste se concerte avec un érudit en gallois, et avec
une personne versée dans les langues celto-écossaise et celto-irlandaise,
pour établir d'une manière positive les noms des plantes les plus remarquables
des îles Britanniques avant la domination romaine. Les ouvrages
publiés sur ce sujet (a) sont rares, et d'une époque où la nomenclature
botanique était peu assurée. Hugh Davies, en 1813, a publié une Flore de
l'île d'Anglesey, avec les noms gallois (b). J'ai essayé d'en tirer parti pour
constater l'origine étrangère de quelques plantes qu'on croit naturalisées
dans la Grande-Bretagne ; mais, malheureusement, l'auteur a donné des
noms qui sont quelquefois la traduction des noms anglais. Mon ignorance
en gallois m'a forcé d'être prudent. Les Flores d'Ecosse et/d'Irlande à moi
connues ne mentionnent pas les noms des langues primitives; ce serait
cependant facile à recueillir, surtout en Écosse. Les noms bretons peuvent
démontrer l'origine de plusieurs espèces; j'en ai tiré quelque parti.
Les noms provençaux et languedociens peuvent être utilisés pour les
plantes du midi de la France, et, en général, les noms de toutes les langues
anciennes, même des patois, qui sont ordinairement des, restes de langues
anciennes. Les botanistes ont souvent le tort de ne pas s'en informer (c).
(а) Les premiers essais de ce genre de synonymie ont été faits simultanément, mais
séparément, selon le témoignage de Hugh Davies, par le révérend docteur John Davies
et par Johnson. Le travail de ce dernier se trouve dans Fédition qu'il a publiée en 1633
de Gerarde Herbal. C'est un catalogue d'environ 200 noms, intitulé : A catalogue of
Brilishnames of plants. Hugh Davies (l'Fe.'s/i botanology, préface, page vi) signale plusieurs
erreurs. L'autre essai, celui du docteur John Davies, se trouve dans son ouvrage
Antiquoe linguoe britannicoe et Unguoe latinoe diclionarium duplex, sous le litre particulier
de Botanologiam. U est transcrit littéralement dans Marcus Zuerius Boxhornius,
origines gallicoe, 1624, et renferme environ mille espèces.
On possède aussi en Angleterre les manuscrits de la famille des médecins de Myddfai,
qui connaissaient bien les herbes de leur pays. Hs descendaient d'un fameux médecin
Rhywallon, auquel Rhys Grug, prince gallois, accorda, en 1230, des terres et privilèges
dans l'endroit appelé Myddfai, afin que lui et ses descendants pussent cultiver la médecme
sans entraves ni soucis pécuniaires. Tous les successeurs, de fait, devinrent médecms, et
le dernier de cette dynastie médicale mourut, d'après Hugh Davies, vers 1740.
(б) Hugh Davies, Welsk botano'ogy a systen^tatic catalogue of the. native plants of
Anglesey, 1 vol. in-8. London, 1813.
(c) On ne fera pas ce reproche à mon père; car, dans ses voyages en France, il avait
recueilli soigneusement les noms patois de plantes et ceux des langues si harmonieuses
du Midi, qu'on regrette de voir tomber au rang de patois. 11 r édige a , avec le savant
Uavuouard, un dictionnaire des noms de plantes contenus dans les poésies des h^oubadoiirs,
je le possède encorc in-jdit. IHus tard, il lit rèdig'er, par le botaniste Moritzi, un