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luibiluelle des espèces spoiitîuiées, naturalisées, advenlives el cultivées
dans les herbiers et dans les ouvrages, sont des causes qui doivent faire
reculer dans ce genre d'investigation. Envoyant des espèces devenir rares,
et en observant combien d'espèces dans chaque Flore moderne sont énumérées
uniquement sur l'assertion plus ou moins exacte des anciens
auteurs, on ne peut guère douter que les espèces ne perdent quelquefois
du terrain; mais le constater, mais mesurer l'étendue du phénomène,
compter le nombre des espèces, est un travail qui me paraît impossible dans
l'état actuel de la science (a). J'estime le fait du retrait de quelques limites
un fait réel. Je présume que dans chaque flore il se passe quelque chose
comme dans les modifications d'une langue : on remarque les mots nou-^
veaux ; on les signale avant même qu'ils soient bien naturalisés ; au contraire,
lorsqu'un mot tombe en désuétude, il faut des siècles pour qu'on
s'en aperçoive et que les érudits puissent le constater au moyen d'une comparaison
attentive des auteurs. Je vois cependant une cause qui restreint
la substitution des espèces dans les Flores, et qui n'existe pas pour la
succession des mots d'une langue. Les espèces ont une vie inhérente à
elles-mêmes, et cette vie leur fait surmonter de grandes difficultés. Les
graines se conservent longtemps; elles s'accumulent dans le terrain; elles
se répandent d'un endroit à l'autre, de sorte que l'espèce est tenace, au
milieu de circonstances quelquefois bien mauvaises pour elle. Grâce'à la
multiplicité, à la dispersion et à la conservation des graines, les espèces
peuvent se défendre et envahir. Nous avons vu que les envahissements
soit naturalisations ne sont pas des faits communs; le recul des limites est
probablement plus rare encore.
Si la compensation n'existe pas entre ces deux phénomènes opposés, et
j e crois probable qu'elle n'existe pas, la suite des siècles doit amener dans
les flores de chaque pays un mombre total d'espèces plus grand et une
plus forte proportion d'espèces semblables, il y aura à la fois plus de
richesse et moins de diversité, comme j e le faisais remarquer tout à
l'heure (p. 8 0 3 ) . Certaines espèces, habitant principalement les terrains
cultivés, les bords des chemins, les haies, les sables humides, les dé^
combres, les bords de rivières, deviendront de plus en plus caractéristiques
de notre époque. D'autres, comme les plantes de marais, de
(a) On trouvera des faits intéressants sur des disparitions locales ou reculs de limites
d especes dans les ouvrages suivants : Von Lowis, Ueber die ehemalige Verbreitma der
8 4 9 ; Bromheld, dans Pky tola gist. 1849, p. 491; Lees, iôirf., p. 510; Lecoq e
Lamotte P a . .a.c a.mu Fra.c., p. 422 ; Cosson et Germain, FL plis,
p. 118, 660 n y a des iaits, plus curieux encore, de réapparitions d'espèces ; voyez cidessus.
p. 619, plus lom, chap, X, art. i, 2, et dans Watson, Ct/Ô. BriL, I.p. 2r2.
montagnes, de forêts, deviendront plus rares et plus limitées. Elles appartenaient
à un ancien état de choses, elles font place à un nouveau. La diminution
générale de l'humidité et l'intervention de l'homme sont les moteurs
lents, mais continuels, de cette transformation des flores locales, du moins
depuis l'époque historique.
A une époque tantôt contemporaine des peuples civilisés, tantôt plus
ancienne, la formation de la tourbe démontre des changements assez importants
dans les flores du nord-ouest de l'Europe. Ce combustible se forme
de végétaux, principalement de mousses du genre Sphagnum, qui se décomposent
imparfaitement et lentement par l'effet de l'humidité et d'une température
peu élevée (a). La formation de la tourbe peut commencer à toute
époque et se continuer indéfiniment, pourvu que les conditions subsistent.
Elle a lieu sous l'eau (tourbe submergée), ou, plus souvent, hors du niveau
des eaux (tourbe émergée). Les tourbes émergées d'Irlande, d'Ecosse, des
îles Shetland et Feroë, et du nord-ouei?t de l'Allemagne, renferment des
troncs d'arbres dont les espèces ont disparu de ces pays, mais qui existent
plus à l'est sur le continent européen. Ces tourbes peuvent être quelquefois
très anciennes, surtout les couches inférieures ; mais elles sont subséquentes
aux derniers terrains géologiques.
En Irlande, des cônes de Pinus Mughus (qui avaient été confondus d'abord
avec ceux du Pinus sylvestris, var. scotica), se trouvent dans la tourbe de
diverses localités, à des profondeurs ordinairement de 6 à 1 0 pieds (b). On
en a trouvé, par exemple, dans les environs de Newport, district de Mayo,
où depuis deux siècles toutes les forêts ont été détruites (c). Le Pinus
Mughus, Jacq.,est actuellement une espèce qui manque à toutes les îles
Britanniques, à l'ouest du continent européen et à la péninsule scandinave.
Il faut aller jusqu'en Silésie et au centre des Alpes pour le rencontrer, en
partant de la côte occidentale de l'Europe.
Les îles Shetland n'ont pas d'autres arbres actuellement que le Betula
alba et le Juniperus communis. On a trouvé dans la tourbe, à 6 pieds de
profondeur, des Pinus Picea, L. (Abies pectinata, DC.), dont un, en particulier,
avait 6 pieds de circonférence et hO pieds de hauteur (d). Cet arbre
manque aujourd'hui aux îles Britanniques età la péninsule scandinave (e).
(a) Le meilleur ouvrage sur la formation des tourbes me paraît celui de M. Lesquéreux,
intitulé : Quelques recherches sur les marais tourbeux en général, 1 vol. in-8, Neuchâtel,
1844.
(b) J'ignore comment la tourbe d'Irlande grandit. Celle des vallées hautes du canton de
Neuchâtel, en Suisse, augmente de 1 pied à 1 pied 1 / 2 par siècle, d'après M. Lesquéreux,
mais cela varie beaucoup selon les circonstances locales.
(c) Babington, Trans. Bot. Soc, Edinb., I, p. 126, Annals of nat, hist., I, p. 217.
(d) Edmondston, Ann. of nat. hist., p. 295, II, p. 71.
(e) Voyez ci-dessus, p. 158.
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