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CHANGEMENTS DANS L'HATÌITATION DES ESPECES.
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naturalisations. ]ls prouvent deux choses, également très importantes:
d'abord, que chaque région n'a pas reçu à l'origine toutes les espèces qu'elle
peut nourrir et maintenir ; ensuite, que les causes physiques actuelles, même
prolongées pendant des siècles, ne peuvent pas engendrer toutes les espèces
appropriées à un pays, soit en les tirant de la matière inorganique, soit en
modifiant des espèces existantes. L'adaptation complète des végétaux à
chaque pays, en raison de sa nature et de son climat ; la génération spontanée,
et la possibilité de modifications graves d'espèces sous l'empire des
causes actuelles, sont donc trois théories, toutes les trois renversées ou
lortement ébranlées par ce simple fait de naturalisations bien constatées
d'espèces dans des pays nouveaux pour elles.
Il y a, comme on le voit, de l'importance à scruter les détails relatifs aux
naturalisations. Je vais m'en occuper ; mais d'abord, il convient de préciser
les mots naturaliser et naturalisation, car ils sont pris dans des sens
divers, et l'on doit bien s'entendre à leur égard. Je veux aussi montrer
comment certaines extensions des limites d'espèces, et certaines diffusions
des individus dans l'intérieur de l'habitation, sont des phénomènes semblables
aux naturalisations proprement dites. Définissons d'abord les termes
à employer.
§ tl. mis DIFFÉRENTS DEGRES DE NATURALISATION.
J'appelle complètement naturalisée, et par abréviation, naturalisée,
une espèce qui, n'existant pas auparavant dans un pays, s'y trouve ensuite
avec tous les caractères des plantes spontanées indigènes, c'est-à-dire
croissant et se multipliant sans le secours de l'homme, se manifestant avec
plus ou moins d'abondance et de régularité dans les stations qui lui conviennent,
et ayant traversé des séries d'années, pendant lesquelles le climat
a offert des circonstances exceptionnelles.
^ Arrivée au point de répondre à cette définition, une espèce naturalisée ne
diffère plus, en apparence, des espèces anciennes du pays. Il faut des documents
historiques pour pouvoir constater son introduction, et si l'on en
manque, on doit se borner à des conjectures plus ou moins probables. Mais
avant de parvenir à ce degré extrême, l'espèce qui tend à se naturaliser,
passe par des degrés intermédiaires. Souvent aussi, une espèce ne parvient
pas à franchir ces degrés ; elle flotte pendant des années, et à plusieurs
reprises, dans une catégorie équivoque.
Ainsi, près des habitations et des terrains cultivés, on voit souvent des
espèces d'origine étrangère végéter pendant une saison, même pendant
quelques années, puis on cesse de les rencontrer. Tous les botanistes un
peu âgés, dans nos pays de grande population et de cultures générale-
KXTENSION DES LIMITES ET NATURALISATIONS. m)
ment répandues, peuvent citer des faits pareils. Les plantes de cette nature
doivent êtfe appelées passagères on advtntives. Elles ne peuvent se conserver
pendant quelque temps que gtâce à des importations renouvelées,
ou par la succession fortuite de plusieurs années favorables. C'est à chaqiie
observateur de voir, dans les cas douteux, si l'une de ces deux conditions
existe, car alors l'espèce ne doit pas être regardée comme naturalisée, et
même elle ne pourra jamais l'être, à moins de changement dans le climat.
La difficulté de constater les naturalisations vraies dépend donc, en
partie, de la nature du climat. Si la température diffère beaucoup d'une
année à l'autre, comme dans les pays du nord et dans l'intérieur des continents,
il faudra des observations prolongées pour savoir si une plante
résiste à toutes les intempéries possibles. Entre les tropiques fet dans les
pays à climat uniforme, on sait bientôt à quoi s'en tenir, à moins que les
diversités annuelles dans les pluies n'établissent des variations d'un autre
genre. Dans un pays où le commerce, l'horticulture et l'agriculture jettent
continuellement des graines étrangères, il faudra plus de peine et plus de
tèmps pour constater la vraie filiation des plantes douteuses, que dans un
pays peu habité et peu en rapport avec les autres ; car, dans le premier cas,
oil doit craindre des semis successifs et multipliés de la même espèce^ au
moyen de graines, ou importées, ou sorties des cultures. Lorsqu'une plante
ne s'éloigne pas des terrains sur lesquels on introduit constamment des
graines étrangères, on peut soupçonner toujours qu'elle s'y maintient sans
mûrir ses propres graines et par l'effet d'introductions répétées. C'est ce
qui arrivait près de Montpellier, au pont Juvénal, lorsque d'habitude on y
étendait des laines venues d'Orient ou d'Algérie. C'est ce qui se présente
aussi dans les ports de mer, aux endroits dans lesquels on dépose le lest des
vaisseaux, et plus souvent autour des jardins, surtout des jardins botaniques.
La sagacité des observateurs consiste à démêler les erreurs dans ces
cas où elles sont probables.
Je n'appellerai pas naturalisée une espèce qui, une fois plantée dans un
terrain, s'y conserve indéfiniment et s'y propage par les racines, sans donner
de graines, ou du moins sans donner des graines qui répandent l'espèce dans
le voisinage. Le Robinia pseudo-acacia, les rhus, l'Ailanthus, et certaines
plantes vivaces très envahissantes, sont ordinairement dans ce cas. Il faut
reconnaître que c'est une catégorie vraiment intermédiaire entre les
espèces indigènes et les espèces naturalisées. Ces plantes durent et se propagent;
mais étant privées des moyens de dispersion que donnent les
graines, elles ne peuvent pas se répandre comme d'autres espèces : ce sont
des individus naturalisés, plutôt que des espèces.
Une question plus délicate, parce qu'elle tient au fond môme des choses,