1 2 9 0 VARIÉTÉ DES FORM^ VÉGÉTALES DANS LE MONDE ENTIER.
genres ont une aire plus vaste; ils se répandent souvent jusque dans
des pays peu favorisés, où ils sont alors représentés par peu d'espèces.
Ainsi, dans un désert, sur les montagnes, dans les régions glacées du
)iord, on rencontre souvent une ou deux espèces de tel genre qui abonde
en espèces autour du désert, dans les vallées, dans les régions moins
avancées vers le nord. Inversement, les localités favorisées présentent
quelquefois une abondance extraordinaire d'espèces de tel ou tel genre (a).
La richesse vient surtout de l'accumulation des espèces à aire limitée; mais
cette cause influe moins sur les genres, naturellement plus vastes, et pour
ainsi dire, plus élastiques. Au Cap de Bonne-Espérance, les espèces
changent considérablement d'un district à l'autre, mais non les genres ;
d'où résulte que la différence d'avec l'Europe gît surtout dans le nombre
des espèces, et que la proportion des espèces par genres se trouve moins
différente entre ces deux régions que d'avance on ne pourrait le croire.
Le Cap, dans une étendue comme la Grande-Bretagne, renferme cinq fois
plus d'espèces, et seulement deux fois plus de genres ; d'où il résulte que
la proportion des espèces par genre n'est guère que double. Ainsi, il ne
faut pas se figurer que le nombre des genres dépende directement de
celui des espèces; mais en scrutant la question, on trouve que tous deux
séparément sont réglés par des lois qui produisent des relations numériques
plus ou moins régulières.
Les îles se présentent-elles à l'égard des genres autrement que les terres
continentales de même grandeur? Les considérations qui précèdent aideront
beaucoup à la solution de cette question.
Le baron de Buch {Phys. Beschr. Canar.^ p. 132), voyant que
d'après les documents alors connus, le rapport des genres aux espèces
était aux îles Canaries =3:1 : l , / i ,dans l'île de Sainte-Hélène 1 : 1,5,
et dans la régence d'Alger = 1 : /i,2, avait cru découvrir là une différence
essentielle entre les îles et les continents. Il en tirait même des
inductions théoriques sur la formation des espèces. Malheureusement la
comparaison reposait sur des pays d'étendue fort inégale, et il était tout
simple qu'un pays aussi vaste que l'Algérie, eût, toutes choses d'ailleurs
égales, trois ou quatre fois plus d'espèces par genre, que des îles fort
petites. D'ailleurs, on ne connaissait alors que la moitié des espèces des
Canaries et de l'Algérie, et les Flores de Sainte-Hélène publiées jusqu'à
(a) M. de Humboldt, en 1815, avait déjà constaté que raiTaiblissement du nombre des
espèces par gem^e dépend, 1" de la petitesse du territoire, de conditions défavorables
à la végétation, comme le froid, la stérilité. Les auteurs subséquents, qui avaient des
matériaux plus riches à leur disposition, n'ont pas traité le sujet d'une manière aussi
logique.
NOMBRE DES GENRES DANS CHAQUE PAYS. 1291
présent sont des ouvrages détestables^ à cause du mélange des espèces
cultivées, des erreurs^ etc. Il faut étudier la question sur d'autres
bases.
Les îles un peu considérables^ voisines des continents, comme la Sicile,
la Grande-Bretagne, etc., ne présentent rien d'exceptionnel sous le rapport
des genres. Le nombre absolu et le nombre des espèces par genre, s'y présentent
comme sur les terres continentales voisines.
Les petites îles, rapprochées soit des continents, soit des grandes îles,
ont peu d'espèces, peu de genres et une faible proportion d'espèces par
genre, comme c'est le cas de toutes les localités restreintes, défavorables
à la croissance des végétaux. Ici, de même que dans les pays très froids,
sur le sommet des montagnes et dans les déserts, l'affaiblissement imposé
par des conditions défavorables porte principalement sur les espèces. On
le comprend. Il y a souvent dans les genres nombreux des pays voisins une
espèce ou deux espèces, qui supportent de vivre dans une petite île très
battue par les vents, inondée par les vagues, etc. Il doit donc manquer
dans ces îles, à proportion, moins de genres que d'espèces. Du reste, les
circonstances locales ont tant d'effet sur une île très petite, que des exemples
auraient peu de valeur et pourraient se trouver aisément contredits
par d'autres.
La Nouvelle-Zélande, qui est le plus considérable des archipels isolés,
ne paraît pas avoir un nombre de genres et un nombre d'espèces par
genre sensiblement différents des pays continentaux analogues. Le chiffre
fondé sur la Flore récente du docteur Hooker donne 2,5 espèces par
genre ; il s'élèvera probablement à 2, 8 ou 2,9, lorsque l'on connaîtra toutes
les espèces (a). Or, sous des climats correspondants et avec une surface
analogue, les provinces de Podolie, Yolhynie, etc., offrent 3,2 espèces
par genre, et la Grande-Bretagne, 2,9. S'il existe une différence, elle est
donc insignifiante.
Aux îles Açores, la proportion est un peu plus faible qu'aux Baléares,
dont l'étendue et le climat sont comparables, mais qui sont rapprochées
des continents. Les îles Malouines ont une faible proportion. Elles se
trouvent dans des conditions défavorables de climat, comme les pays du
nord, où la proportion est toujours faible; cependant, il semble que par
(a) On arrive plus vite à connaître le nombre total des genres d^un pays que celui des
espèces, vu que les dernières espèces découvertes sont des espèces locales, ayant une
aire beaucoup plus limitée que les genres. Les Flores de la Nouvelle-Zélande, publiées de
1832 à 1854 le montrent bien. Celle d'AcbiUe Richard contenait 210 espèces et présentait
1, 5 espèce par genre ; la Flore de Cunningham avait 394 espèces et 1,9 par genre;
celle de Raoul, 507 espèces et 2, 1 par genre ; enfin, celle de Hooker fils a 730 espèces et
2 , 5 par genre.
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