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Ilio OIUGINE rHOlKMn.K DKS KSIMÒCKS SPOINTANKES ACTUELLES.
quelles parlies de la terre étaienl émergées dans chaque époque et surtout
dans chaque siècle d'une meme époque. A peine peuvent-ils le dire pour
les régions les mieux connues, telles que l'Europe et les Etats-Unis. Voilà
cependant un point de gagné, qu'il y a eu, probablement sans interruption,
depuis des époques géologiques très anciennes, des centres de végétation;
mais (pie ces centres ont varié plus ou moins de nombre, de
forme, de position, et par conséquent de climat. Voyons maintenant les
espèces.
Elles sont aujourd'hui dispersées et cantonnées, pour la plupart, dans
des limites assez restreintes. C'est déjà une preuve qu'elles sont nées
dans plusieurs centres diflerents de végétation, mais où sont-ils ces cen-
1res? Voilà la question.
Lorsqu'on envisage une espèce en particulier, habitant un certain pays,
on peut toujours se dire : ou elle a été formée dans ce pays même, ou elle
y est arrivée jadis, avant l'époque actuelle, par l'eiTet d'une communication
qui existait avec une autre terre. De cette façon, en supposant un
tenqis immense et des changements successifs et variés de configuration
géographique, on pourrait admettre la possibilité d'un petit nombre de
centres vraiment primitifs des espèces, et d'une dispersion par des déplacements
nombreux, suivis de destruction des espèces dans leur patrie
antérieure. Il faudrait bien admettre cependant plusieurs centres primitifs,
car les espèces des régions polaires, des régions tempérées et des régions
équatoriales, n'ont certainement jamais vécu ensemble dans un même pays
d'origine, quelque favorable qu'on le suppose aux végétaux. Il y a même
eu plusieurs centres sous chaque zone. Si telle espèce du Cap a eu son
point de départ sur une terre voisine, maintenant submergée; si telle
espèce de Buenos-Ayres est venue primitivement de quelque région voisine,
existant ou n'existant pas aujourd'iuii, il est bien certain que la masse
des espèces du Cap et la masse des espèces de Buenos-Ayres ne peuvent
pas avoir eu la même origine, car elles sont toutes différentes et apparliennent
ordinairement à des genres ou à des familles différentes. On pourra
faire le même raisonnement sur la Nouvelle-Hollande, sur Madagascar,
sur la Guyane, et en général sur tous les pays contenant beaucoup d'espèces
propres.
J'arrive ainsi à trois conclusions, qui expriment à la fois ce que nous
ignorons et ce que nous savons : la région où chaque espèce a existé
primitivement, je veux dire à son origine même, ne peut pas être connue
exactement; les espèces sont cependant originaires de régions nombreuses,
différentes; quelques-uns des centres primitifs peuvent être
indiqués avec une certaine probabilité, mais il est impossible de les con-
OUKUNE ET HÉPAKTITU)N PREMIÈRE DES ESPECES. 1111
naître tous et d'en préciser conq)létement la position, à cause des points
de contact qui ont fait communiquer les espèces entre plusieurs de ces
centres et de la disparition probable d'autres contrées sous les eaux de la
mer (a).
§ m . LA NAISSANCE DES ESPÈCES A ÉTÉ PROBABLEMENT SUCCESSIVE.
Il y a plusieurs motifs géologiques et botaniques pour croire à une apparition
successive des espèces. Le seul fait que les surfaces terrestres
se sont élevées successivement et quelquefois isolément au-dessus de la
mer, rend la chose probable. En y réfléchissant, on trouve des raisons plus
fortes.
Une terre ne peut pas être devenue tout d'un coup favorable à des végétaux
de différentes classes. Qu'on la suppose sortie d'un état de fusion et
par conséquent rocheuse, ou imprégnée de matières salines après un long
séjour dans les eaux de la mer, il est évident que beaucoup d'espèces
n'ont pas pu s'y établir pendant les premières années. Des lichens, des
mousses, ont pu adhérer aux rochers, des plantes marines ont pu croître
sur le sable; mais il a fallu du temps, et beaucoup de temps, pour que le
sol propre à la grande masse des végétaux fût formé, notamment dans les
lieux secs où existent aujourd'hui plusieurs espèces. Ainsi, à l'origine du
règne végétal, et même pour chaque terre, du moment de sa formation
ignée, ou de son émersion, si elle provient de sédiments, les espèces ont
été nécessairement peu nombreuses.
Depuis ces époques, bien lointaines pour la plupart des pays, il semble,
d'après ce que l'on connaît des végétaux fossiles, que le nombre des espèces
aurait augmenté. L'état actuel des connaissances sur chaque formation est
évidemment imparfait: certaines régions, maintenant couvertes par les
eaux, ont recelé peut-être des végétations plus riches que celles dont nous
examinons les fossiles; certaines conditions pliysiques et chimiques ont pu
détruire les traces de beaucoup d'espèces dans telle ou telle nature de
roche; cependant, il n'est pasdouteux que les formations les plus anciennes
sont loin de présenter la variété de formes, entre autres la quantité de
fruits et de graines qu'on retrouve actuellement dans les terrains de formation
tertiaire ou quaternaire. Il est évident aussi que les végétaux de
l'époque de la houille, par exemple, offrent une grande similitude, pour ne
pas dire une identité complète entre des localités très éloignées, tandis
que, dans les époques plus récentes, il y a des espèces propres à chaque
région et fort peu d'espèces communes.
(a) Je reviendrai sur ces questions dans le chapitre xxvi, eu considérant, non plus les
espèces, mais les pays.