800 CIIANGKMENTS DANS L'IIAIÌITATION DES KSPÈCES.
OU planté (les centaines d'espèces dans diverses localités qu'ils indiipient
exactement. Gouau donne sa liste des noms d'es]jèces. xVmoreux avait déposé
la sienne dans les registres de la Société des sciences de Montpellier.
Les essais datent de 1767 à 1771; or je crois pouvoir dire qu'à l'époiiue
où mon père résidait à Montpellier, en 1810-1(), on n'en voyait plus guère
de traces (a). M. Moquin-Tandon, en 1827, a semé beaucoup de graines
dans les localités les plus connues ties environs de Montpellier, à Grauurnt,
Lavalette, Fonlrède, aux prés d'Arènes, au port.iuvénal; pas une seule, me
dit-il dans une lettre récente, n'a voulu se naturaliser. MM. Delile et Dunal
m'ont cité quelques espèces qu'on croit naturalisées à Montpellier, parce
que Magnol n'en parlait pas et (pi'elles sont cependant fort apparejdes(/>). Je
ne trouve aucunede ces espèces dans la liste de Gouan. Peut-être sont-elles
dans la liste inédite d'Amoreux; mais je crois plutôt que ces plantes, toutes
originaires de la région méditerranéenne, se sont propagées de proche en
proche, ou se sont échappées des jardins, ou encore ont été transportées
par les mille moyens qui agissent depuis des siècles sur les côtes de la mer
Méditerranée. M. Targioni-Tozzetti a souvent répandu des graines de jardins
autour de Florence, d'après ce que m'a appris M. Moricand. Le résultat
a été le même qu'à Montpellier, c'est-à-dire nul ou très douteux, au
point que les botanistes n'en parient plus. On mentionne aussi à Florence
des espèces naturalisées depuis l'époque de Micheli, mais ce sont des
plantes du bassin de la Méditerranée, et rien ne prouve qu'elles ne se soient
pas répandues de proche en proclie, ou parles divers moyens qui naturalisent
les plantes de pays rapprochés, indépemlamment des semis des botanistes.
Les essais de naturalisation manquent donc très souvent en Europe. Il
n'en est probablement pas de même dans les pays nouvellement colonisés.
Là on apporte des plantes qui n'ont pas été essayées et (jui viennent ordinairement
de régions fort éloignées, à l'égard desquelles il ne manquait,
on peut le dire, que des moyens de transport pour se répandre. Les
plantes que Gouan et Amoreux jetaient avec profusion autour de Monti)ellier
avaient toutes été cultivées dans le jardin botanique, et se seraient
peut-être naturalisées d'elles-mêmes si elles en avaient été susceptibles. Dans
un pays neuf, aucune chance pareille d'exclusion n'existe. Du reste, il est
possible qu'en Europe , surtout dans le midi, on pût obteidr de meilleurs
résultats en choisissant mieux les espèces et en répandant les graines
(a) Un manuscrit de mon père, rédigé de 1815 à 1820, porte que sur plus de 800 espaces,
toutes susceptibles de vivre en plein air à Montpellier, que Gouan avait semées
dans la campagne, on pouvait à peine en citer une seule qui se fût naturalisée à demeure.
(i;) Cesont les Tulipa ociihis-solis, Anemone coronaria, XauLliium spiuosum, Onopordonum
virens, et Hypericum crispuni.
riK l'enskmiìlk des faits de NATURAMSaTION. '8-Oi
aulrement. 11 faudrait penser aux plantes de pays analogues à celui où l'on
essaie. Ainsi des espèces de Sibérie auraient boime chance en Suisse; des
planles du Chili et de la Californie, en Espagne, dans le midi de la France ;
des plantes du nord-ouest de l'Amérique, en Angleterre, etc. De même aux
Ftats-Unis des plantes du Japon se naturaliseraient aisément, et au Cap, des
plantes de la Nouvelle-]iollande. Eu tout pays les espèces aquatiques et
celles des lieux humides ont de bonnes chances, de même que les plantes
des décombres et celles des terrains cultivés. Les espèces à grande habitation
doivent mieux réussir. Enfin la manière de semer doit faire beaucoup.
On a plus de chances favorables eu répandant une seule année une grande
quantité de graines dans une seule localité bien choisie, qu'en semant
d'année en année et dans plusieurs endroits différents. Par le procédé que
j'indi(iue on met l'espèce nouvelle un peu plus dans la condition des anciennes,
d'avoir beaucoup d'individus et beaucoup de graines, en état de lutter
contre les espèces envahissantes et contre les accidents de toute nature.
A R T i C L E Vtl.
DE 1,'ENSEMBLE DES EAITS DE NATURALISATION.
Je viens d'énumérer des faits de natm-alisation bien constatés et des tentatives
qui ont échoué. Chacun peut apprécier par là le degré de probabilité
et d'importance des transports de graines, et la valeur des obstacles qui
s'opposent à l'introduction de nouvelles espèces dans uiie région. Ce n'est
plus par théorie, c'est par l'expérience qu'on peut maintenant en parier.
A l'occasion de chaque pays pris pour exemple, j'ai indiqué les résultats
fondés sur une observation de deux ou trois siècles; ils sont souvent
identiques d'un pays à l'autre. Cela m'engage à faire ressortir quelques
faits généraux, qui sont, pour ainsi dire, les lois du phénomène.
L'action directe ou indirecte de l'homme est, de tous les moyens de
transport, le plus actif, depuis plusieurs siècles. Le commerce des graines
pour l'agricul ture et l'existence des jardins botaniques sont les deux causes
qui produisent le plus de naturalisations.
Viennent ensuite les transports involontaires avec le lest des vaisseaux,
les marchandises, etc., les plantations faites avec intention de naturaliser,'
et d'autres modes d'action de l'homme.
i.es causes naturelles (le vent, les rivières, les courants, les glaces
flottantes, les oiseaux et animaux sauvages) n'ont amené nulle part des
natvuMlisations d'espèces, constatées par une observation directe, à moins
que ce ne soit sur une terre continue. Au travers d'un bras de mer comme