I 06(5 OIiKU.NK GKOGUAl'lliyUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
P a p a v e r s omn î f c r nm, L. — H est fail mention (lu Pavot cultivé déjà
dans Homère (liillcrb. ; Fraas, Sijn. Fl. class.). Tline (1. xx, c. il 8) en
parle longuement. Il distingue trois variétés : blanche, noire et sauvage.
Cette dernière est probablement le P. setigerum, DC. que MM. Moris ( h .
Sard., l, p. 80} et Boissier (Vorj. Esp., II, p. 1(5) regardent comme une
race spontanée du P. somnilérum. Pline dit (jue la capsule en est plus
allongée, plus petite et a des propriétés plus énergiques. Or, les qualités
du P. setigerum sauvage en Espagne sont plus intenses que celles de la
plante cultivée, d'après des essais de M. Iloenselaer (Boiss., l. c.).
L'ancienneté des races à graines blanches et à graines noires est un fait
curieux, parce que personne n'a proposé de les considérer comme deux
espèce^. Ce serait, selon tous les botanistes, une modification héréditaire
d'une seule espèce; mais alors, il faut en convenir, une modification dont
l'origine se perd dans la nuit des temps.
Les langues asiatico-européennes ont des racines très diverses pour le
Pavot : Mixcov en grec; 2° Papaver en latin ; 3'' Kooknar en persan,
Khus-Khash en arabe (Ainslies, Mat. méd. ind., I, p. 326), d'où
Cascali en espagnol (Mor., Diet, inéd.), qui paraissent venir de Chosa
en sanscrit (Piddington, Index) (a) ; Z|° Post en bengali et hindustani
(Iloxb., Fl. Ind., édit. 1832, II, p. 571 ; Piddington,"/mie^), et aussi
en sanscrit (Ainslies, l. c.)- Jeisohi et vulgairement Kes en japonais
(Thunb., Fl. Jap., p. 222). Loureiro n'a pas vu le Pavot en Cochinchine
et dans la Chine méridionale. M. Bunge l'a vu cultivé au nord de la Chine
{Enum., p. Zi) ; mais je ne connais aucune preuve que cette culture
remonte à une grande ancienneté dans l'Asie orientale. L'absence de nom
hébreu (Hiller, Hierophyton; Rosenmiiller, Bibl. Alter t., IV) peut faire
croire que les Juifs ne l'avaient pas, quoique du temps de Pline les Égyptiens
fissent usage du suc de Pavot comme officinal (Pline, xx, c. 18).
D'après cet ensemble, je ne puis dire où la culture aurait commencé. Il
est possible qu'elle soit très ancienne dans plusieurs pays, savoir : dans la
partie orientale de la région méditerranéenne, dans l'Inde et la Chine
septentrionale, enfin au Japon. L'habitation primitive de l'espèce avait
peut-être une grande étendue, comme celle de plusieurs Papavéracées, et
dans ce cas, divers peuples auraient imaginé séparément de cultiver la
plante. En comparant les auteurs anglo-indiens avec ceux d'Europe, il me
semble que les variétés sont plus nombreuses et plus généralement cultivées
depuis des siècles dans le rayon de la Grèce et de l'Italie, ce qui
ferait supposer l'habitation primitive vers la région méditerranéenne et
(a) Ou plutôt de Khaskhasa, (¡ui est le nom ordinaire en sanscrit, d'après une note
line M. Ad. Pictet me communique,
Ü1UG1NE DES ESPÈCES Ll'- PLUS GÉXÉUALEMEAT CUI.TIVÉES. 967
une extension subséquente du côté de l'Asie orientale. Je reviens ainsi,
par un grand détour, à l'opinion de MM. Moris et Boissier sur l'identité
avec le P. setigerum qui croît spontanément dans tout le bassin de la mer
Méditerranée, et qui serait le type primitif des Pavots cultivés. Il y a
contre celte opinion la grande ancienneté des deux races cultivées à
graine noire et graine blanche.
Les Pavots se sèment autour des champs, et il est impossible de savoir
dans quel cas les pieds mériteraient d'être considérés comme sauvages. On
assure que l'espèce vient dans les champs, en Grèce (Sibth., Prodr., I,
p. 359; Fraas, S y n . Fl. class., p. 127), quoique sa culture n'y soit pas
habituelle. A Genève, oii on le cultive comme plante d'ornement, je l'ai vu
persister dans des jardins, d'année en année, à l'état semi-double, au même
degré que plusieurs mauvaises herbes.
B r n s s i c i i cami ies t r i s oïcîfcra, l ic. — Le colza est considéré comme
une forme du B. campestris, très voisine de l'état naturel de l'espèce
(DC., Trans, hört. Soc. Lond., Y). Les navettes d'hiver sont aussi des
modifications de la même espèce, maintenant que l'on réunit les B. Rapa
et B. campestris (Koch, Syn.-, Ledeb., F l . Ross.-, Bah., Man.). J'ai dit
(p. 826) que la patrie primitive du B. campestris était de la mer Baltique
au Caucase. L'idée de cultiver ces plantes pour l'huile à extraire des graines
n'a pu venir que dans les pays de l'Europe tempérée où l'olivier, le pavot,
le sésame et même le noyer n'étaient pas introduits, ou donnaient des
récoltes incertaines. Il y a deux siècles l'usage de l'huile de navette était
très général dans le nord de la France, la Flandre et l'Angleterre (Olivier
de Serres, édit. 1629, p. /i69). On ne peut préciser à quelle époque il
remonte (Reynier, Ècon. des Celtes, p. hkö), mais il est probablement
fort ancien.
B a p h a n i i s sati-vMs, ï.. —• On le cultive en Chine pour extraire de l'huile
des graines, et dans ce cas la racine n'est pas charnue. J'ai dit ailleurs
(p. 825) quelle est la patrie probable de l'espèce.
C a m e i i n a sat iva, Crantz. — La Cameline est Spontanée dans presque
toute l'Europe continentale tempérée (Koch, S y n . F l . Germ.-, Bertol.,
F l . I t . , yl-, Ledeb., F l . Ross., I, p. 196), dans la région du Caucase
(Ledeb., ib.), en Sibérie jusqu'au lac Baical (ib.). Je doute beaucoup que
le Myagros de Dioscorides et de Pline doive se rapporter à elle. Rien ne
prouve qu'elle ait été cultivée par les Grecs et les Romains, mais dans le
moyen âge la culture s'en est répandue. Elle a probablement commencé
en Allemagne ou en Russie. Étant mélangée d'ordinaire parmi le lin, on
l'avait appelée Leindotier en allemand (Lem, lin, dotier, jaune ; à cause de
a graine). Les érudits du xvi« siècle l'appelaient quelquefois Pseudolinum