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932 ORIGIINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES,
encore dans l'Asie occidentale que les modernes ont prétendu avoir retrouvé
1-e Froment spontané. Je ne sais ce que vaut l'assertion de Ileinzelinann citée
par Linné (Sp.^ 1 j p. 126), que le Froment d'été croît chez les Baschkirs ;
personne ne l'a retrouvé au nord du Caucase depuis cette époque. Mais
pour la Perse, il y a un témoignage d'Olivier que l'on reproduit dans tous
les livres. Ce voyageur marchant sur la rive droite de l'Euphrate, au nordouest
d'Anah, dans un pays impropre à la culture, dit : Nous trouvâmes
dans une sorte de ravin, le froment, l'orge et l'épeautre, que nous avions
déjà vus plusieurs fois en Mésopotamie. » (Voy. dans Vempire olhoman,
1807, m, p. Zi60). Enfin, on annonce (BulL soc, bot. de Fr., iSòh.
p. 108) que M. Balansa vient de trouver le blé (Trit. sativum) dans une
herborisation au mont Sipyle, de l'Asie Mineure, et cela « dans des circonstances
où il était impossible de ne pas le croire spontané. » La question
serait de savoir s'il paraissait aborigène plutôt que spontané, car une plante
semée par l'homme dans la campagne, ou provenant d'anciennes cultures,
est spontanée sans être aborigène.
En résumé, les assertions sont anciennes et assez nombreuses pour la
Mésopotamie; mais celle de M. Balansa, pour l'Asie Mineure, semble plus
positive. Peut-être l'habitation primitive s'étendait-elle jadis de ce pays
jusqu'au nord-ouest de l'Inde, et un changement de climat aurait diminué
la fréquence de l'espèce? Jusqu'à présenties botanistes n'ont trouvé le Froment
sauvage ni en Palestine, ni dans le nord de l'Inde. La variété extraordinaire
des noms dans les langues anciennes d'Asie et d'Europe, indique
une patrie primitive très vaste, et infirme l'idée d'un transport d'un point
central par les peuples originels.
Au point de vue des changements que les espèces peuvent subir, en
particulier quant au nombre et à la grosseur des graines, il est impossible
de ne pas remarquer combien le Froment est stationnaire depuis des milliers
d'années. Les efforts incessants de l'homme ne l'ont pas rendu plus
productif, et les blés de miracle ne sont pas plus communs ni plus abondants
qu'ils ne l'étaient à l'époque romaine (Pline, 1. xviii, c. 10).
Cette dernière considération et celles énoncées plus haut (p. 928,
929) sur les céréales en général, auraient dû rendre les botanistes plus
défiants sur de prétendues transformations des /Egilops sauvages en Triticum.
Des observations de M. Esprit Fabre (a), avaient fait croire à plusieurs
personnes que l'.Egilops triticoides, Req., peut devenir par la culture
une sorte de blé, et cependant cet^Egilops triticoides lui-même paraît
(a) Des ^Egilops du ìnidi de la France et de leur transformation^ par E. Fabre,
br. ia-i , avec une courte introduction, etc., par Dunal, br. in-4, dans les Mém, açad.
se. MontpeliiGr^ 1853,
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mUGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 93 3
être une modification de VM. ovata, si commun dans le midi de l'Europe.
On doit à M. Godron (a) d'avoir démontré que ces changements de formes
dans des semis successifs tiennent tout simplement à des hybrides qui naissent
entre lesiEgilops sauvages et les Triticum cultivés. Ces hybrides sont
irréguliers ; ils viennent quelquefois d'un seul grain parmi ceux d'un épi,
et ils ne durent pas de génération en génération comme les races de blé.
'IViticiim turgidwrn, !.. (T. composÍÍHm, ï..). — 11 était Cultivé déjà
chez les a n c i e n s Égyptiens (DC., Phys. rég., p. GQ/i) et à Rome du temps
de Pline (Loisel., p. 75). Il n'a pas de nom sanscrit (Roxb., Fl.;?iàà.,
Index), et n'est pas même indiqué comme cultivé dans l'Inde moderne
( R o x b . , ' F / . , édit. 1832; Royle, ¡11. Him., p. /il8). La patrie primitive
doit être vers le sud ou l'ouest de la mer Méditerranée, puisque l'espèce
n'était pas même cultivée dans le nord de l'Inde, où les anciennes migrations
du peuple parlant sanscrit et les rapports commerciaux auraient dû
l'introduire si elle s'était trouvée en Perse et en Mésopotamie. Je ne connais
aucun auteur qui affirme l'avoir trouvée sauvage. M. C. iioch {Linnoea,
j S á S , XXI, p. h'27) mentionne bien la plante comme trouvée à Constantinople,
Brussa, Trébizonde et le pays de Tschoruk ; mais il parle dans
l'article qui précède du Triticum vulgare cullivé, et rien ne prouve que le
Triticum turgidum ne soit pas également cultivé. Cet auteur est ordinairement
explicite quand il mentionne les espèces spontanées. (Voy. ce
qu'il dit du seigle.)
L'Épeautre (Triiicum Sp«ita). — On pense que c'était le grain appelé
(ÎXupa ou Zua et Z « par les Grecs, d'où l'on a tiré le mot Zm, appliqué mal
à propos au maïs (Link, l. c. ; Bureau, /. c.; Billerbeck, FL class.-,
Fraas, Syn. FL class., p. 307).
Les commentateurs de l'Ancien Testament traduisent aussi le mot hébreu
lùissémeih, qui se trouve trois fois dans la Bible (Exode, ix, 31, 32;
Isaïe,xxvm, U, 25; Ézéchiel, iv, 9), par épeautre (Rosenmüller, llandb.
d. bihl. Alierl., IV, p. 83); mais les qualités indiquées pour cette plante
sont si vagues, qu'on pourrait attribuer le mot aussi bien au Triticum monococcum,
dont j e vais parler. L'épeautre n'est guère cultivée dans les pays
chauds. En particulier, elle n'est pas connue aujourd'hui en Egypte
(Bureau, l. c.; Reynier, Eg., p. 337), et l'on n'en trouve pas de graines
parmi celles extraites des catacombes, tandis que le passage de l'Exode
suppose la culture du Kussémelh en Egypte.
Quoi qu'il en soit, l'Épeautre a toujours été moins cultivée, et cultivée
(a) Quelques noies sur la Flore de Monlpeilier, p. 7, Besançon, 1854, dans Mém.
Soc émul. Doubs; lettre confirmative dans Hull. Soc. bol. Fr., I, p. 66. Voyez aussi
les critiques de Fabre, dans Jordan, De l'orig. des div. var. ouesp. d'arbres jruitiers,
br. in-8, Paris,. 1833, p. 62.