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856 ORIGINE GÉOGRAPHIQUE DES ESPÈCES CULTIVÉES.
propre à la teinlure, mais seulement dans le voisinage des habitations.
Morus alba, 1,. — Le Mûrier blanc était connu des anciens Grecs, de
même que le Noms nigra, L. Sur ce point, les savantes recherches de
M. Fraas (Sijn. Fl. class., p. 236) ne peuvent laisser aucun doute. On
sait que les vers à soie furent apportés en Europe sous Justinien, par des
moines qui venaient de l'intérieur de l'Asie. Dès lors, le Mûrier blanc el
les vers à soie furent transportés successivement dans toute l'Europe méridionale
et tempérée.
Les Morus alba et nigra croissent spontanément dans l'Asie Mineure, en
particulier dans le Pontet l'Arménie (Fraas, I. c., p. 237-239). Le Morus
alba est indiqué en Tbrace (Griseb., .S>ì677., II, p. 330), en Thessalie
(Fraas,/. c.), et ailleurs en Grèce, en Italie (Poil., Fl. Ver., III) ; mais
dans ces localités, il est fort probable qu'il s'est naturalisé à la suife du
transport si fréquent des graines par les oiseaux ou par l'homme. Le Morus
alba paraît commun et spontané au midi et au sud-ouest de la mer Caspienne
(G. A. Mey., Vcrz., p. /|5; Ilohen., Pl. Talusch, p. 31) ; peutêtre
au nord du Caucase n'est-il (pie semé et naturalisé, malgré sa spontanéité
actuelle (Ledeb., Fl. Ross., III, p. 6/i3). Le Morus nigra est
indiqué près de Lenkoran, et, en général, au sud-ouest de la mer Caspienne
et au midi du Caucase (Ledeb., Fl. Ross., Ill, p. (i/i/i). Le docteur
Wallich, Usi, n. /|6/|8) rapporte, avec doute, au Morus alba, un
Mûrier de Kamaon et Sirmore, dans l'Inde septentrionale ; mais l'espèce et
la qualité de plante spontanée sont incertaines. Le docteur Royle (FIL
Ilim., p. 337) dit : « Le Morus alba est rare dans l'Inde et cultivé dans
peu de jardins seulement. » M. Bunge l'a trouvé dans les montagnes au
nord de la Chine « quasi spontané. » (Enum., p. 60). Yu sa nature
robuste, il ne serait pas étonnant qu'il eût existé dans une grande partie de
l'Asie tempérée, avant la naissance de l'industrie des vers à soie. Le Morus
nigra n'est pasindiqué par les auteurs anglo-indiens. D'après les recherches
de M. Ant. Targioni (n), les premiers vers à soie élevés en Italie auraient
été nourris avec le Morus nigra ; cela résulte des expressions de Pier Crescenzio,
qui écrivait en 1280. Les vers à soie existaient à Florence avant
1266, et ils avaient été introduits en Sicile dès l l / i8. Dans le xvi" siècle,
les feuilles du Mûrier blanc avaient remplacé celles du noir, et l'on croit
communément, selon M. Targioni, que des boutures du Morus alba avaient
été apportées d'Orient, enlZi3/i, par Fr. Buonvicini.
morus indica, sviliti. — Ce Mûrier, dont le fruit est noir, est celui que
(a) Cenni storici sulla introd. di varie piante nelV agric. ed ori. tose., Firenze, 1850.
•le ne connais malheurensement cet écrit que par un extrait donné dans le Journal of
the hortic. Soc., en 18JÌ.
ORIGINE DES ESPÈCES LE PLUS GÉNÉRALEMENT CULTIVÉES. 857
l'on cultive dans toute l'étendue de l'Inde. Il est le seul dont on connaisse
un nom sanscrit (Roxb., FL, édit. 1832, v. III, p. 596", Pidd,, Index).
Roxburgh ne l'avait vu que cultivé. Le docteur Wallich, JÂst, n. Zi6Zi5)
indique plusieurs localités, Népaul, Moalmyne, Ava; mais sans dire jusqu'à
quel point les pieds observés y étaient spontanés. Je les crois tels, car les
régions de l'Inde renferment d'autres espèces (ou variétés) de Mûriers, qn\
sont certainement indigènes.
D. Plantes cultivées pour leurs fleurs ou leurs bractées.
Ilumulus LupiilHS, L. - Les Celtes et les Germains faisaient usage
du houblon (Reynier, Econ. Celt., p. 433), mais peut-être allaient-ils le
chercher dans la campagne sans le cultiver. Les Romains et les Grecs ne
l'employaient pas. Sa culture remonte au moins à quelques siècles dans l'Europe
centrale. Elle a amené plusieurs variétés de la plante. Cependant personne
n'hésite à reconnaître les houblons cultivés pour la même espèce que
le houblon sauvage qui croît en Europe, au Caucase et en Sibérie
(Ledeb., Fl. Ross., III, p. 635). l\ n'existe pas sur le revers méridional
de l'Himalaya (Royle, III. Him., p. 335) et n'a aucun nom sanscrit.
Comme l'espèce était répandue sur une vaste région, chacune des langues
primitives européo-asiatiques de'cette région lui avait donné un nom
différent. Les Germains ont dit Ilopf, d'où le Hop des Anglais. Le houblon
des Français, le Uumle des Danois, etc., sont analogues au mot allemand
et aussi au mot Húmala des Esthoniens et au Kumalak des Tartares. On
croit que le houblon est désigné par Pline (1. xxi, c. 15) sous le nom de
Lupus salictarius, ce qui est confirmé par le nom italien Lupulo, Lupolo
(Targ. Tozz. Diet., p. 5/i). A la renaissanceon en tira le nom générique
Lupulus, usité jusqu'à Linné, qui prit celui de Hurnulus (Gen.,
éd., ann. 1737, n. 750; Hort. Cliff., p. 458) et nomma l'espèce Hurnulus
Lupulus (a). Les Slaves disent Chmel, qui se retrouve en russe,
bohème, serbe, etc., et n'est pas éloigné du lO.rip« des Grecs. Les Lettoniens
ont le mot Af ini (Moritzi, Diet, des noms vulg.), mot tout à fait distinct.
Je note cette variété de noms pour une plante à grande habitation, parce
que, dans d'autres cas, l'unité de nom sera l'indice d'une origine restreinte.
Crocus sativum, ï . — La culture du safran est très ancienne dans
la) Linné fait venir le nom Huinnlus de Humus {Gen., 1. c.), mais la concordance entre
le nom suédois du houblon Humble (Fl. Suec., p. 297) et le nom danois Humle est S5
grande, qu'on ne peut la croire fortuite. Évidemment Linné avait fait le nom Humulus
par un de ces calembours étymologiques, indiqués déjà dans sa Crilica holamca, en
1737, p. 49, développés ensuite dans sa Pldlo^phia, n" 229; seulement il disait tolerer
les noms déjà faits : dans le cas actuel il en a forgé un lui-même.
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