; ^
I
'1.100 ORIGINE PROliAïiLE DES ESPÈCES SPONTANÉES ACTUELLES.
jic se iiionlrciit nullemoiit aaiinces d'une force iiouvelle de variabilité.
Ainsi, j e le répète, l'hypothèse d'une variabilité plus grande à certaines
éj)oques, n'est basée sur aucun indice. Elle peut, comme hypothèse, satisiaireà
l'état descounaissauces eu géologie sous tel ou tel point de vue;
mais elle est purement, et dans toute l'acception du mot, une hypothèse.
.le n'eu dirai pas autant de la supposition (jue les espèces varieraient
plus à certaines époques de leur existence (lu'à d'autres; qu'elles varieraient
plus, eu particulier, dans leur jeunesse. Cette o])inion, soutenue récemment
par M. Lecoq (a), présente au moins en sa faveur quelques laits,
([uehiues indices qu'on peut étendre par voie d'analogie. Elle a ainsi en
elle-même un point d'api)ui, un degré quelconque de probabilité, et par ce
motif, elle doit hxer davantage notre attention:
J e ne suis point touché, il faut en convenir, d'une argumentation qui
revient assez souvent dans l'ouvrage de M, Lecoq. Il compare l'espèce à
l'individu, et de ce que l'individu passe par une suite d'états successifs, il
en conclut que l'espèce doit aussi avoir probablement une époque de développement
rapide et varié, puis une époque de stabilité, et enhn de mort
(p. 218, 219, 220, 222, 202). A mon avis, c'est abuser du raisonnement
par analogie de comparer une cliose complexe avec une chose
simple, ou du moins avec une chose formée d'éléments d'une autre
nature. Trenons un exemple dans un ordre de faits tout différent. J'admets
qu'on puisse comparer un village avec un bourg, un bourg avec
une ville, parce que ce sont des agglomérations d'une nature analogue ;
elles sont toutes composées de maisons et de rues, par conséquent, ce
<iui se remarque dans l'une peut, avec un certain degré de probabilité,
exister dans les autres. Si l'on venait ensuite à conclure d'un village à
une maison, ou d'une maison à un village, on risquerait de se tromper
singulièrement, attendu qu'une maison se compose de chambres, etc.,
qui sont d'autres éléments. De même en histoire naturelle, on peut comparer
les familles aux genres, les genres aux espèces, ou inversement,
puisque ces groupes sont tous composés de végétaux ; mais quand on compare
l'espèce avec un individu, on compare une association composée de
plantes avec un objet composé d'organes. Il peut y avoir des lois communes
à toutes les agglomérations d'organes, et des lois différentes communes
aux agglomérations d'individus. Ainsi, les organes varient plus dans leur
jeunesse qu'à une époque subséquente,je l'accorde; mais j e n'en conclus
rien relativement aux espèces. J e craindrais trop de faire un raisonnement
dans le genre de celui-ci : Les villes d'Europe tendent à s'agrandir, donc
(a) Études sur la géographie botanique de l'Europe et en particulier sur la végétation
du plateau central de la France, in^S, vol. I, 18S4, )i, 210 et suivantes.
CHANGEMENTS QUI ONT Ptl S'OPÉRER DANS LES ESPÈCES. 1101
les maisons doivent devenir plus vastes ; ou bien : Les maisons qu'on bâtit
à Londres sont toujours à peu près de la môme étendue, donc la ville de
Londres a cessé de s'agrandir.
Laissons de côté cette manière de raisonner et voyons les motifs qu'on
peut alléguer en faveur delà théorie de M. Lecoq.
A son point de vue, qui est celui de M. Isidore Geoffroy Saint-IIilaire et
d'autres naturalistes, les espèces de chaque époque seraient dérivées
d'autres formes spéciiiques antérieures, moins nombreuses. Pour employer
une expression plus juste, les formes nouvelle? seraient uniquement des
races, provenant d'espèces primitives, ou au moins d'espèces d'une époque
précédente. Or, les premières générations d'une race cultivée ont eifectivement
une grande disposition avarier. Si les es^jèces actuelles sont des
races, elles ont dû avoir plus de variabilité à l'origine qu'elles n'en ont à
présent. Si elles ont été formées d'une autre manière, c'est-à-dire par une
création spéciale, l'analogie entre des groupes (races, espèces), composés
de végétaux, permet encore de considérer connue probable une variabilité
plus grande de l'espèce à son origine, puisque cette variabilité
plus grande s'observe dans les'races. Ici, le raisonnement par analogie me
paraît, j e ne dirai pas direct et concluant, mais plausible et de nature à
indiquer une certaine probabilité. Le point de Répart, le fait que les races
commencent par être variables, est bien constaté dans les plantes cultivées.
J'en ai déjà parlé (p. 108/i). Qu'il me soit permis de citer encore l'opinion
d'un agriculteur qui a créé des races, qui a observé avec beaucoup de
sagacité, et qui a raisonné sur les faits avec un jugement incontestable,
M. Louis Vilmorin. Selon lui, pour obtenir des modifications d'espèces
nouvellement cultivées, il faut commencer par obtenir, d'une manière ou
d'une autre, une modification quelconque; ensuite, lorsque l'espèce a été
ébranlée, affolée, c'est son expression, elle devient plus maniable et l'on
en tire plus aisément les modifications qu'on cherche à en obtenir. Ces
modifications une fois obtenues et isolées par des semis apart, deviennent
des races permanentes (a).
Dans les plantes spontanées, nous voyons fort peu le commencement
des races. L'observation des espèces qui se répandent dans des pays éloignés
semblerait pouvoir apprendre quelque chose à cet égard ; mais elle
n'apprend rien, parce que ces espèces, soumises à des conditions nouvelles,
ne produisent guère des races, ni même des variétés ou des monstruosités.
Deux cents espèces européennes se sont répandues depuis plus
d'un siècle aux États-Unis, et elles n'ont point changé. L'Erigeron cana-
(a) Revue horlicble, 1832-, extrait dans BiU. univ. de Genève, 1832, Arciiives sc.,
p. 327.
\ » ï '