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peuples, &: cètte union de la fortune de quelques
particuliers aux privations générales , préfente une
idee également contraire à l’ordre public & au
principe d’une faine morale.
Il eft dans les affaires , dans les traités
& les tranfa&ions une précaution qui peut
toujours tenir lieu de. fcience & d’habileté, &
profcrira toute efpèce de faveur} c’eft une grande
publicité } car de cette manière, l’intérêt per-
fonnel , excité par la concurrence , devient le
promoteur de l’économie } au lieu que cet intérêt
, dans les traités fecrets , fe tourne contre
l ’avantage de l’Etat, & devient l’ennemi le plus
adroit & le plus dangereux qu’un bon minière
ait à combattre.
Que feroit-ce , fl ce miniftre étoit foible , s’il
étoit difpofé à juger favorablement des proportions
qui feroient appuyées par des perfonnes
auxquelles il voudroit plaire ? Ah I s’ il lui reftoit
un penchant pour le bien public , qu’il feroit
heureux d’avoir établi un ordre où les regards
de k nation deviendroient fon foutien 3 & où il
feroit ainfî contraint à ne fervir que le roi , â
n’aimer que l’Etat, & à n’écouter que fon devoir.
En général, pour découvrir des moyens d ’économie
dans plufieurs objets, il ne faut que fe-
couer plus ou moins fortement les chaînes de
l ’habitude , & y porter un examen réfléchi 5 car
une attention fuperficielle n’y trouverait rien à
redire.
Il eft vrai que fi l’on ne revêt pas un efprit vigoureux
d’adminiftration , on eft àifément vaincu
par les défenfeurs de chaque dépenfe en particulie
r: car ceux-ci ont le grand avantage d’avoir
fimplement à prouver , que telle ou telle de ces
dépenfes réunit des convenances ou quelque utilité
: or fous ce point de vue, de pareilles proportions
font prefque toujours vraies } & l’on peut
àifément les foutenir , toutes les fois qu’on con-
fidère la dépenfe d’ une manière ifolée, & fans
prendre fouc i, ni du crédit public, ni des charges
du peuple, ni des moyens qu’il faut employer
pourfuffire à l’enfemble des befoins de l’Etat.
C ’eft donc dans les idées générales , dans une
forte de conception du bien univerfel, que l’homme
d’état doit chercher du fecours, & ces fortes
d’idées deviennent fugitives ou pénétrantes, félon
que l’efprit les rallie, & félon que le caractère y
joint fon mouvement. Mais à l’efprit qui fert de
guide , & aux fentimens qui donnent une noble
ardeur, il faut encore unir cette force de pofîtion
& de circonftance qui aide à foutenir le choc des
pallions & à triompher d’elles} car en traçant un
plan d’économie dans les finances , on apperçôit
àifément quel eft le concours néceflaire pour l’exém
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cution d’un pareil projet ; omreconnoît que telle
partie appartient aux fimples efforts d’un bon ad-
miniftrateur des finances ; telle àutre à l’appui plus
ou moins etendu qui lui feroit donné} telle autre
a 1 influence univerfelle d’un premier miniftre y
& telle autre uniquement au chef de l’empire.
Il faut le dire , pour l’encouragement des princes
, ou pour leur confolation , l’exercice de l’économie
eft: quelquefois pénible } mais. comme
c e ft le Jeul des devoirs de la fouveraineté qui
donne l’idée d’un effort ou d’un facrificé , c’eft
aufïi celui qui imprime le plus de reconnoiflance ;
on apperçôit le combat de l’homme avec le prince,
& des affe étions perfonnelles avec les fentimens
publics , & la nation ne fait comment payer d’aflez
d’amour le monarque qui fait le bien de l’Etat en
triomphant de lui-même.
Le moment d’ailleurs arrive bientôt où l’économie
donne tes fruits 5 l’on goûte alors la paix &
la tranquillité} le retranchement des dépenfes inutiles
, multiplie les moyens de puiflance & de bonheur
} l’influence d’une bonne adminiftration n’a
plus ‘d obftacles à vaincre, & -Ja profpérité de
l’Etat éclate de toutes parcs. jjg
Qu’on ne s’y méprenne point , l’économie dans
les affaires publiques^ n’eft pas feulement une
fource de richefles, c’eft encore un devoir éminent.
L’économie , telle qu’on doit la concevoir ,
c’eft-à-dire celle à qui la fagefle prête fon flambeau
, eft feule capable d’ unir 1a puiflance à la
juftice, en ménageant les facrifices des peuples &
en mefurant toujours à l’utilité générale , l’emploi ’
des deniers publics-* c’eft cette écohomie alors
qui refufè pour moins exiger , qui retranche pour
iiiieux donner } c’eft elle qui avertit de ne point
jetter la femence fur une terre ingrate & defle-
chée , afin de pouvoir la répandre fur les champs
fertiles } c’ eft elle qui ne difperfe pas fa moiflon,
mais qui la recueille foigneu Tentent ,'afin que le
bienfait d’une faifon ferve à la fubflftance de
l’année.
VoyerL encore le mot L uxe , on y parle des
effets du défaut d’ordre & d’écononfle.
En matière de finances , toutes les propofitions
ont tant d’afpe&s différens , qu’on n’eft jamais à
l’abri d’erreurs , toutes les fois qu’on fe détermine
fur le rapport d’un petit nombre de perfonnes
guidées par le même intérêt} car elles
font toujours en état de préfenter plufieurs rài-
fons qui paroiflent plaufiblës tant que la contradiction
n’eft point entendue.
L ’adminiftration des finances doit bien prendre
garde de céder trop facilement à l’autorité de certains
faits ifolés , dont les principaux agens de la
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finance, favent parfaitement fe fervir pour arriver
à leurs fins.
La confiance fo ib lit, le fervice va manquer ;
voilà des mdts fort en ufage & bien impofans
fans doute, mais pour en connoitre 1 aftuce ou
le peu de juftefle , il ne faut qu arrêter fon attention
fur la petitefle des moyens que ces memes
perfonnes indiquent comme fuffifans pour reparer
ce prétendu difcrédit. C e n’eft point 1 économie ,
ce n’eft point un redoublement d ordre & de vigilance
qu’elles confeillent, c’eft un plus grand
nombre de financiers ou d’agens } ceft un plus
grand refpeél pour leurs convenances , ou une
plus grande faveur pour leurs intérêts.
? A u fli, entre tontes les difpofitions publiques
dont un miniftre des finances peut s occuper, ce
font toujours les aftes d’économie qui font les
plus difficiles} c’eft qu’on y prend toujours 1 intérêt
perfonnel corps à corps , & que dans ces ;
combats particuliers on n’eft que foiblement fou- ;
tenu par l’opinion publique; elle ne peut en effet
être éclairée que fur les grandes maftes} elle rend
bien hommage à fefprit d’économie , mais des
que les objets fe compliquent, elle ne croit plus
que fur parole , & dans une opération de finance,
il y a mille cris qui étouffent la voix du reformateur.
V^oye^ le mot Receveurs cénéraux.
Une propofition changeant d’afpeét toutes les
fois qu’on l’examine avec quelqüe profondeur, &
que les raifons en font développées , il s’en fuit
qu’il eft très-important de recueillir les différentes
opinions, avant de prendre un parti dans les dif-
pofitions de finance un peu compliquées.
Les rois font expofés à fe tromper, & on peut
même dire que ce rifque eft inévitable , toutes les
fois qu’ils donnent des décifions majeures fur le
rapport ifolé d'un chef de département : car .il eft
des affaires o ù , avec tout les fecours de l’efprit,
ils ne peuvent jamais deviner les confideràtions
qui demeurent couvertes d’un voile , ou dont le
premier mot'n’eft pas donné j mais un miniftre qui
n’eft pas féparé des autres hommes par fa dignité,
& qui eft à portée de s’entretenir avec les différentes
perfonnes dont TinftruéUon peut l’éckirer^
trouve toutes les routes ouvertes pour arriver à
la vérité.
C e n’eft pas fans peine, & par un tour de
main , lorfqu’ il s’agit de réforme & d’ économie,
qu’on peut rendre fimple ce qui eft compofé, économe
ce qüi eft difpendieux, aifé ce qui eft difficile
} c’ eft plutôt en étudiant ‘ foigneufement
chaque partie , en modifiant ce qui paraît défectueux
, & en ne différant jamais la réforme d’un
abus dans l’attente incertaine d’ une révolution
plus 'complexe} c’ eft encore en faifant moins d’u-
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fage de fon imagination que de ce jugement qui
fert à difeerner les moyens aflortis aux hommes
& aux affaires , & qui ne donne fon eftime qu’aux
projets fufceptibles d’exécution } marche pénible
& fouventfans é c la t, mais k feule cependant qui
approche au moins du but que tout homme d’état
doit fe propofer.
Il doit aufli allier dans les réformes , autant
qu’il eft poflible , l’avantage de l’Etàt avec un
fentiment d’humanité pour les perfonnes, en faifant
des difpofîtions qui leur aflurent un remplacement,
ou une penfîon, ou une gratification
annuelle, fuivant leur âge , leur capacité &
le tems de leurs férvices. C ’eft un examen qui
exige du foin , car lorfqu’on ne prend pas la peine
de le faire, l ’étendue des prétentions peut rebuter,
& alors les hommes dénués de reflources,
font enveloppés durement dans un fyftême général
d’économie. On découvre par-là qu’ il n’eft rien
de fimple & de facile en adminiftration / quand
on veut allier tous les devoirs qu’impofent la fagefle
, k juftice & k bonté , au lieu qu’en fe
montrant 3 félon fon caractère, ou toujours fé-
v è re , ou toujours fac ile, on n’a befoin , ni de
iéflexion , ni d’aucun empire fur foi-même.
Les gouvernemens ne doivent pas fe repofer fut
les effets du tems pour réparer les maux qu’ils
fo n t , pour effacer les calamités qu’ils n’ont fçu
ni prévenir pi tempérer, quand ils en avoient le
pouvoir. Il ne leur eft pas permis d’être indiffé-
rens au moment préfent, & de' fe confoler des
maux dont ils font fpeélateurs , en fe fiant à cette
bienfaifance féconde de la nature , qui prend
foin de l’efpèce humaine & k fait triompher des ■
erreurs des adminiftrations 8e des iniquités politiques.
Ainfi les guerres qui détruifent les hotri-
, mes , le poids des impôts qui les décourage , les
rigueurs qui les éioignent, & l’indifférence qui ,
dans des tems malheureux les livre à la merci des
évènemens, toutes ces circonflances fur lefquelles
le gouvernement influe immédiatement, occa-
fionnent dans k population , dont l’accroiflement
eft le ligne & la profpérité des empires , des diminutions
plus ou moins fenfibles , 8e il ne peut
, fuffire à un fôuverain que Je temps un jour les
répare.
Si le nivellement des fortunes n’eft pas au pouvoir
du gouvernement, il a d’autres moyens pour
adoucir le fort du peuple } diftributeur des impôts
& de toutes les charges publiques } mais à la fois
furveilknt 8e légillateur, c’eft à lui d’empêcher
qu’une claffe nombreufe d’hommes ne voient dans
l’accroiflement de leur famille, une fource de
peine 88 d’anxiétés , ou ne s’accoutument à devenir
comme étrangers aux plus doux fentimens de
la nature.
Que l’adminiftration eft grande & peut s’enor