
ceux qui vouloient obtenir la permiffion d'exercer
la profeffion qu’ils avoient embrafîee. Tel fut l’édit
du mois de décembre 1704 , qui fupprima la
communauté des limonadiers pour créer en leur
place 150 privilèges héréditaires mis en parti. Les
autres érigeoient en titres d’offices les places de
jurés , gardes , examinateurs & auditeurs des.
comptes a infpedteurs & autres officiers , & c .
Toutes ces charges étoient autant de gênes pour
les communautés ; elles les rachetèrent pour les
incorporer. Outre ces dépenfes onéreufes, elles furent
encore taxées à des fommes particulières pour
fubvenir à la néceffité préfente. Les corps ne levèrent
pas fur chacun de leurs membres les impôts
qu’on exigeoit : ils -étoient trop confidérables , &
auroient dérangé la fortune du plus grand nombre.
Il leur fut permis d’emprunter , 8c nous
croyons que ces fecours ont été préjudiciables à
l ’état.
- i ° . Parce que depuis ce temps Tinduftrie a été
chargée de rentes.
Parce que pour en favorifer le paiement,
les droits de vilîte & marque furent augmentés
par la déclaration du 30 décembre 1704.
3©. Parce que les corps ont obtenu , en confé-
quence de ces emprunts, la permiffion d’augmenter
les lettres de maîtrife.
Les dettes , dès-lors 3 des communautés, devinrent
confidérables.
On évalue les emprunts de la ville de Lyon à
près d’ un million ; ceux de la ville de Paris doivent'être
au moins triples. Si nous jugeons par
comparaifon des dettes que toutes les autres villes
ont contraéfcées à cet effet en divers temps 3 8c
dont elles paient encore la rente ; nous croyons
qu’on peut 3 fans exagerer , les porter à trente
millions au moins. Voilà un capital immenfe dont
l ’induftrie eft chargée depuis plus de cinquante
ans. Dans l ’efpace de ce temps la fomme des intérêts
a excédé celle des capitaux 5 c’eft-à dire 3 que
ce font plus de trente millions qui font fortis une
fécondé fois du commerce & de l’induftrie. Combien
ces fommes immenfes n’auroient-elles pas
fructifié entre les mains des négocions & du peuple
? Combien la fomme d’argent qui appartien-
droit aux arts, fans aucun impôt, ne feroit-elle
pas augmentée? Combienn’auroit-elle pas facilité
d’exportations 3 procuré d’échanges favorables, &
par conféquent enrichi l ’état ? Le moyen le plus
certain d’augmenter la concurrence 3 c’eft d’augmenter
le capital de l’indüftrie.
Une nation ne peut faire pancher la balancé &
accroître le nombre de fes préférences, qu’autant
que l’induftrie travaillera autant qu’il eft poffible 3
fur fes propres fonds. La France ne fe trou ve pas
dans cette heureufe fituation : le commerce y eft
chargé de l’intérêt d’une fomme qu’il n’a pas empruntée
pour groffir fon capital & faciliter fes opérations
i 'mais d’une fomme au contraire qui a diminué
fes propres fonds , 8c dont il n’a pu fe fer-
vir pour fon accroiffement.
Telle eft la nature de l’intérêt , que l’emprunteur
le paie fans fe dégager. Le temps , loin d’al-
lëger fes fers , les appéfantit. Chaque jour ajoûte
un anneau à fa chaîne, & plus elle s’allonge plus
le poids en eft onéreux. Les fecours que les corps
de métiers ont donné à l’état * ne doivent donc
pas être puifés dans les feuls moyens d’enrichir la
nation : ils embarraflènt & rétréciffent là route qui
l’auroit conduite au plus haut dégré de cette forte
de puiffance que l’on acquiert par un grand commerce.
Ceux qui les ont exigés y ont été forcés
fans doute par la néceffité indifpenfable où ils fe
trouvoient de pourvoir promptement & par toutes
fortes de voies aux befoins preffans de l’Etat
affoibli & décrédité.
Ces fecours prêtés à la nation , apportent un
autre obftacle à l’induftrie. L ’ouvrier n’eft plus
taxe comme citoyen feulement 3 mais encore comme
ouvrier. C e t homme utile eft même impofé
fous trois dénominations différentes.
i° . 11 paie à l ’état comme tout autre fujet.
i ° . II paie à la communauté fa portion des rentes
dont elle eft chargée.
3e . Il paie encore comme artifan 3 fabricant oii
marchand 3 fa part dans les fommes que le prince
leve fur toute, i’induftrie.
Toutes ces impofitions multipliées découragent
fans douteTes efforts; d’un autre côté , elles tendent
à augmenter le prix, de-nos ouvrages : elles
font donc préjudiciables. Les moyens qu’on a procurés
pour acquitter les rentes des fommes empruntées,
paroiffent également coutraires aux véritables
intérêts de l’état. L ’augmentation permife
desvifites & marques, augmententnéceffairement
la marchandife,.& conféquemment s’oppofe à la
concurrence. Peut-être, dira-ton, ces droits qui
étoient modiques , le font encore malgré l’augmentation
; deux ou trois fols d’impôts fur une pièce
de drap, deferge ou d’ étoffe de fo ie , ne peuvent
pas influer beaucoup fur fon prix. C e droit feuL.il
eft vrai, feroit peu d’effet ; mais ce droit ajouté à
une infinité d’autres influe néceffairement. Nous
le répétons, il n’y a point de petite économie
dans le commerce : la éoncurrence eft aujourd’hui
dans un tel point d’équilibre, qu’un ou deux pour
cent peuvent donner ou enlever la préférence, ouvrir
ou fermer un débouché.
Considérons le corps de l’induftrie chargé d’un
capital de trente millions, dont la rente moyenne
eft au moins d’un million. Ajoutons-y l’impôt de
'' trois
trois fols pir pièces fabriquées ; nous pouvons
fuppofer qu’il fe fabrique en France, année con^
mime, plus de quatre millions de pièces. Leux
qui font inftruits de l’ état de nos fabriques dans
tous les genres, feront convaincus que la luppo-
fition n’eft pas exagerée. Cependant cette împoli-
tion fait une fomme fur l’induftrie de. . . .
a . . 600000 üv. o f. o d.
Ajoutons-y la rente des
fournies prêtées à l’état. . 1,000000 liv. o o
1,600,000 liv. o o
Voilà un impôt annuel de feize cens mille livres
prélevé fur nos ventes, avant que l ’induftrie puiffe
tirer aucun bénéfice de fon travail. C e t impôt qui
doit néceffairement influer fur le prix de nos ouvrages
, & en diminuer la confommation , feroit
cependant un effet peu fenfible, s’il n’étoit accom-.
pagné d’autres caufes d’ une plus grande augmentation
: telle eft celle que les ouvriers font obligés
d’impofer, fur le motif qu’ils ont acheté cher leur
Maîtrife , 8c qu’ ils font chargés de frais pour acquitter
les rentes de leur communauté. Ces di-
verfes augmentations, ne fuffent-elles que de trois
fols par pièce , fi l’étoffe ou l’ouvrage quelconque
paffe par quatre communautés , cette augmentation
répétée quatre fois fera la fomme dé douze
fols , & par conféquent celle de deux millions,
quatre cens mille livres, fur la totalité de quatre
millions de pièces.
C et impôt; tout confidérable qu’il e ft, n’équivaut
pas encore aux droits que le prince leve fur
les marchandifes, pour le paffage d’ une province à
l ’autre : ce dernier objet eft immenfe. On ne doit
*donc pas être étonné de l’inutilité des efforts de
notre induftrie pour faire pancher la balance en
fa faveur , puifqu’elle eft arrêtée par tant d’obfta-
cles. La nation doit payer conféquemment fes befoins
plus cher, & la concurrence perdre beaucoup
d’exportations.
Si l’ éllffâu contraire affranchi de fes charges,
pouvoir tous les ans diminuer fur le prix de fes
fabriqués , deux ou trois millions , la confommation
intérieure & extérieure n’en feroit-elle pas
plus confidérable ? On employeroit plus d’ouvriers
& plus de matières ; la population feroit plus
grande & la culture plus encouragée. Cependant
la levée des impôts'& la fuppreffion des dettes &
des privilèges des corps de métiers, pourraient
procurer cet avantage, & laiffer encore à l’induf-
trié plufieurs millions de bénéfice de plus qu’elle
,be fait aujourd’hui.
; Les communautés, endettées pour les befoins
de l’Etat, ont cherché tous les moye'ns de diminuer
le fardeau dont ces emprunts les chargement ; en
Tome I I L Finances,
çonféquefîce e’îes ont augmenté les privilèges de
Maîtrife pour ceux qui feraient reçus à l’avenir.
Les maîtres , pour favorifer leur poftérité , n’ont
fait tomber cette augmentation que fur les étrangers
, c’eft-à-dire , fur ceux qui n’auroient pas
fait leur apprentiffage, ou qui ne feraient pas nés
dans la ville où ces corps étoiçnt établis. Plufieurs
requêtes préfentées à cet effet ont été écoutées.
Nous allons en extraire une de la communauté
des tailleurs d ’habits de la ville de Lyon ;
elle fervira d’exemple pour toutes, parce qu’elles
préfentent toutes les mêmes motifs. On verra par
ceux qui y font expofés, combien les dettes des
communautés ont fait de tort à l’induftrie , 8c
combien l’efprit des corps de Maîtrife eft contraire
au bien de l’état.
L ’article V I des anciens réglemens fixoit à quarante
liv. le droit de réception à la maîtrife pour les
étrangers; les fils de maîtres ne payoient quele tiers
feulement. Les frais de confrairie étoient de vingt
fols pour les maîtres , dix fols pour les veuv.es, 8c
cinq.foïs pour les compagnons. Comme ces droits
étoient modiques, le nombre des maîtres s’éroit
multiplié ; la concurrence étoit établie : ils ga-
gnoient moins ; mais plus de bras étoient occupés
pour la même fomme, & le public étoit fervi à
meilleur marché. Différentes impofitions fur cette
communauté l’autorisèrent à demander au con-
fu la t, que pour les acquitter il lui fût permis
d’augmenter les fçais de réception. Ils furent d’abord
fixés à cent l iv ., enfuite augmentés du double;
enfin ils montèrent à quatre cent liv. Quelles font
les raifons que les maîtres expofent ? Ils fe plaignent
de ce que l’état doit le. plus defirer ; favoir , que
la modicité du prix de i’ apprentiffage 8c des Maî-
trifes a trop multiplié les maîtres : ils avouent de
bonne f o i , qu’ils ne demandent une augmentation
que pour en diminuer le nombre ; ce' font leurs
propres termes : Mais comme la fomme de cent livres
ne s‘efi pas trouvée ajfe^ forte pour arrêter la multiplicité
des maîtres , le nombre n’a pas laijfé d’augmenter
comme auparavant ce l’intention de la
m communauté feroit, meffieurs , de fixer à l’avenir
les droits de réception à la fomme de quatre
55 cens livres , 8c cela feulement pour les étrangers
55 récipiendaires qui n’auront pas fait leurappren-
95 tiffage dans la ville ; qu’ à l ’égard des apprentifs
99 de la ville , on leur diminuerait un quart de
99 cette fomme , à ceux qui épouferoient des veuves
93 de maîtres , ou ceux qui épouferoient des filles
53 de maîtres, ils ‘demeureraient fixés à.la fomme de
33 tfente-trais4 iv. fix fols huit den. comme ci-de-
93 vant... Pour rendre plus fenfible la juftice de ce
39 projet, la communauté a l’honneur de repréfenter
95 qu’il -n’eft boint de ville dans le royaume, où les
» droits de réception foient fi modiques qu’ à
95 Lyon. "
33 A Paris il en coûte mille livres, à Touloufe ,
« Bordeaux, Mârfeiüe, Montpellier, Nantes, la