
ou d’inVçmion î Suppofons qu'ils aient ces A fi-
noiiiances ? connoiflent-ils les matières premiè-
r e s , leur différence, leur qualité, l’ufage le plus
favorable qu’on en peut faire, lâ .plus grande
épargné qu'on^peut y obferver? Connoilfent-ils
le meilleur mélangé, le julte degré qu'exige la
perfeâion | la manière la plus prompte & la moins
icouteufe d'y procéder ; enfin , les manoeuvres
par lefquelles les matières doivent palier pour1
tendre a la plus grande économie < Suppofons,’
encore une fo is , qu'ils foient inftruits, il y aura
toujours un objet fur lequel heureufement le
reglement n'a pu llatuer ; & c’ eft peut-être par
cette raifon que dans cette partie nous avons
devance de très-loin nos émules. Nous voulons
, deffin, l’appanage exclufif du génie.
Quelle élégance, quelle variété ! Quelle vérité
d imitation dans les objets que repréfente la tifîure
de nos étoffés de foie ! Ils ne fçavent ni l’ufage
ni la deftination de ces ouvrages, ni les raifons
qui déterminent le fabricant à leur donner telle
forme ; ils ne font pas non plus inftruits de la
volonté & de l’ordre du commettant.
Certes , il ne feroit pas prudent d’obliger le
fabricant à en informer les infpeéteurs. Le commerce
doit etre envifagé comme un tout , comp
t é de correfpondances particulières, qui appartiennent
a 1 induftrie de chaque individu qui
les entretient. C e f t un fan&uaire refpe&able, il
ne faut point lever le voile myftérièux qui le
couvre.
; Cependant les infpeéleurs, fans la connoiffance
indifpenfable de la deftination : connoiflance qu’ils ,
n ont pas , & qu’ils ne doivent pas avoir , ne
font-ils pas expofés à faire fans ceffe-des flmtes ?
Les exemples fourmillent de ces fortes de mé-
prifes de leur part^
En voici un> entre le grand nombre de ceux
que nous pourrions citer.
On fabriquoit autrefois à Arconfat , village
du Eoreft limé à deux lieues de Thiers , des
cifeaux de fe r , que les marchands de MarfeilJe
vendaient au Levant, en Barbarie & en Efpagne.
Les infpedeurs qui veilloient fur cette fabrique',
ont trouvé mauvais qu’on achetât des cifeaux
fans trempe , n’imaginant pas qu’on en put faire
ufage. Ils en arrêtèrent la fabrication , comme
contraire aux régiemens. On a découvertlongtemps
après , que ces cifeaux de fer fervoient à moucher
les chandelles en Barbarie & ailleurs. Mais il
n etoit plus temps , la fabrique d’Arconfat étoit
tombée, & en conféquence plufieurs villages des 1
environs furent ruinés & dépeuplés.
. Si les Barbarefques farfoient des cifeaux pour
fiO-ÜS , dit l'homme connu , de qui nous tenons' ce
f ait > fl ne feroit pas étonnant qu'ils fuffent capables
d’un.e pareille méprife. AvouonSrle , les
infpe&eurs n’apportent dans leur emploi , que
la connoiflance des régiemens. Un homme , qui
a une grande expérience de notre commerce, &
qui y tient un rang diftingué , difoit deux , en
leur appliquant ce que Cicéron difoit des Augures
, qu’ il ne concevoit pas comment deux inf-
peéleurs^ ponvoient fe rencontrer fans rire. Le
meme repondoi^ à des fabricans qui demandojent
un infpedleur : qu^il luïfembloit entendre des grenouilles
demander un roi.
En effet, toute la fonélion des infpèéleurs fe
borne a faire exécuter les régiemens. Ils fout
leur devoir, ou ils ne le font pas.
^ S ils font leur devoir, ils font auffi funeftes à
limitation , à l’invention, à la perfection relat
iv e , enfin , à la propagation de l’induftrie, qué
le réglement même.
S ils ne font pas leur devoir, ils font inutiles t
ce feroit peu n leur exiftence n’étoit pas c.oft-
teufe, &_fi leur emploi n’ étoit pas un fardeau
pefant pour l’induftrie. Pourquoi donc charger
la marchandife de droits prodigués à nourrir des
hommes pernicieux ou inutiles.
Avons-nous des infpeéteurs pour les autres
objets ou la fraudé eft plus aifée que dans les-
fabriques? En avons-nous pour les épiceries, pour
' les matier.es propres à la teinture ? En avons-nous
, pour les vins ? En avons-nous pour les dentelles ?
Ces branches de notre commerce font-elles moins
fécondés, parce qu elles ne font pas foumifes à.
1 examen des infpeéteurs ? Quand voudrons-nous
imiter a cet egard les nations les plus commerçantes
du monde ?
Les Indiens, ces tifferans habiles, à 1 mduftrie:
defquels l’Europe paye annuellement un tribut
de plufteurs millions d’orj ces artifans célèbres,
pourléfquels nous fouillons fans relâche les mines
du Brélil & du P érou, doivent-Üs la perfeélidn
de leurs fabriques à des régiemens , a des inf-
pedeurs ? Les manufactu res de Sujfïe, de Verriers,
celles d Aix-la-Chapelle, ont-elles des régiemens
ont-elles des infpedeurs ? En font-elles moins
floriftantes ? Quiconque voudra réfléchir profondément
fur la nature du commerce, & fur les
véritables principes de la confommation , conviendra
que le confonîmateur eft l’infpedeur né
des fabriques 3 & après lui le fabricant ou le:
marchand qui reçoit fes ordres & qui les fait
exécuter. Heureufe la nation, où l’induftrie libre,,
ignore jufqu’au nom d’ihfpedeur 1 Nous défiant
de notre propre expérience, nous avons confulré
ceux qui dirigent les plus belles manufadures de
France > nous avons pris l ’avis des négociani qui
ne connoiflent pas feulement la fttuation aduelle.-
de notre commerce , mais celle de tous les commerces
de l’Europe, qui les ont confédérés , autant
çp politiques qu’en négocians, qui en ont
M A I
combiné les principes 8c les effets , 8c les ont
comparés avec notre légiflation. Nous avons recueilli
leurs fuffrages, & nous ofons aflurer que
la plupart des hommes célèbres en ce genre de
connoiffances, penfent que les régiemens , les
iqfpedeurs & les maîtrifes , font plus nuifibles
que favorables à l’induftrie > qu’ il ne faut d autre
loi que celle qui donnera plus de liberté a 1 émulation
, & plus de facilité à l’exportation, par
la fuppreffion des droits 8c des impôts. S’ il en
eft qui inftftent fur la néceflité de l ’infpedion,
ceux-là conviennent qu’011 ne devoit pas la confier
à des hommes fans expérience du commerce,
qui ont intérêt de multiplier les contraventions ,
pour rendre leur exiftence néceffaire , & q u i,
par leur aveugle inflexibilité, rendent la condition
du fabricant la plus malheureufe 8c la plus
rebutante de toute la fociété.
Ils penfent qu’il feroit plus prudent de charger
des vifîtes ceux qui ont acquis , par leur état &
par un long exercice, les connoiffances requifes
à cet emploi. En e f fe tn e feroit-il pas plus utile
de faire examiner & juger la qualité des ouvrages,
par une affemblée de fabricans & de marchands
choifis, qui auroient travaillé au moins vingt a.ns
dans le commerce , qui en auroient fuivi les yicif-
fitudes, & feroient inftruits , par une longue pratique
, des vrais principes de. la confommation ?
Ces juges expérimentés informeroient, tous les
ans, le confeii, de la pofition préfente de la fabrique
, des objets qui ont le plus de cours,,
de ceux qu’ il faut le plus encourager, des ouvrages
les plus avantageux à l’E ta t, foit par les
matières qu’on y emploie, foit par l’ ufage qu’ on
en fait au-dedans ou au dehors du royaume 5 ils
J’inftmiroidrt du goût aétuel du confommateur ,
des imoyens de le •'tenter, des débouchés qu’on
a gagnés ou perdus , des caufes qui pourroient
augmenter les uns, ou réparer la perte des autres.
Le confeii auroit, par ce fecours, non pas une
lifte sèche & ftérile de contraventions particulières
, mais un tableau fidèle & raifonné de
l ’objet en grand, dans lequel on ne s’occuperoit
pas de. détails minutieux ou inutiles. Un prix ,
ou deux; diftrihué, tous les ans, à l’ouvrier,
ou aù négociant qui , au fuffrage de fes concitoyens
, auroit inventé , perfectionné ou ouvert
un nouveau débouché, feroit plus d’effet, allu-
meroït plus d’ émulation que les régiemens n’en
ont étouffé, & répareroient peut-être , en peu
d'années, toutes les pertes que les infpeétêurs
nous ont fait faire.
Tels font les principaux obftacles que les corps
de métiers, tels qu’ ils fubfiftent par leurs régiemens
? foit pour la difeipline , foit pour là perfection
des ouvrages , apportent à la propagation-
de- l’induftri.e & à l ’avantage de l’Etat. Les bornes
d une diffevtation ne nous permettent pas d’entrer
dans un plus grand détail.- Nous nous conten ^
M A T 2.9
terons d’obferver que ces loix font contraires aux
principes avoués de toutes les nations , qui ont
le mieux connu les refforts les plus puiflans du
commerce. Ces principes ne font pas^ nombreux j
Hs fe réduîfent à ceijx-ci. Il faut
i ° . Rendre le commerce a ifé , libre & néceffaire.
2°. Faire enforte qu’il foit de l’intérêt des
autres nations de Commercer avec nous.
30. Multiplier les mains , & augmenter le
peuple dans le commerce.
Pour augmenter les mains dans le commerce ,
il faut pratiquer ce qui fuit.
i ° . Rendre nos compagnies de marchands &
d’ artifahs plus ai fées , & les établir fur des bafes.
plus étendues.
Donner une admilïion plus libre à tout
homme, tel qu’il foit , dans nos corps de marchands
& d’artifans, & une permiflion plus libre
d’être bourgeois de nos villes & de nos bourgs^
3°. N ’empêcher qui que ce fo it, d’avoir autant
de métiers , d’iriftrumens, d’ uftenfiles que
fon induftrie peut en employer.
Voilà les axiomes du commerce} voilà la bafe
fondamentale du fyftême que nos rivaux ont
adopté pour favorifer l’émulation. On ne peut
les foupçonner d’être ignorans ou mal-adroits
en cette partie. Le fucces dont nous fouîmes
témoins, réclameroit contre le doute qu’on en
formeroit. Cependant eft-ce-là les fondemens fur
lefquels nous avons élevé le fyftême de notre
commerce ? Sont-ce-là les principes que nous avons
fuivis dans l ’établiffemènc de nos corps de métiers
? -
. Les avantages qui refulteroient de la fuppreff
fton des régiemens & des, îoix bifarres de nos
communautés , on peut les appercevoir par Lex-
pofiiion que nous venons de faire des obftacles
qu’ ils oppofent. L ’induftrie feroit plus libre ,
l’émulation plus encouragée, la concurrence plus
aétive, les arts plus perfectionnés. C e ne feroit
plus celui qui pourroit acheter un privilège, qui
auroit droit d’exercer une profeflion ; mais celui
qui en feroit capable 5 les connoiffances & l’habileté
deviendroient indifpenfables. Le haut prix
des maîtrifes n’excluant plus les prétentions & le
droit des compagnons habiles, de travailler en-
leur nom , ce feroit l’ouvrier le plus intelligent
qui auroit le plus de vogue & de réputation
les talens pauvres ne feroient plus esclaves 8c
mercenaires j ils pourroient fortir de l’indigence ÿ
la fortune feroit la récompenfe du travail Les
afpirans ne feroient point découragés par des
épreuves interminables & inutiles. Le terme de
l’apprentiffage feroit celui où ils n’auroient plus