
lie roî feul peut établir des péages. Si quelques
feigneurs , haut jujliciers 3 en ont dont ils ne rapportent
pas le titre primitif, c’ eft qu'une longue
poffeflion fait préfumer qu’originairement là con-
ceifion leur en a été accordée par le foüverain ;
8c tous les .péages dont la fource n'émane pas. de
l'autorité roy ale, font dans le cas d'être abolis.
Le propriétaire d'un péage ne peut, fans per-
mifïion du r o i , transférer le bureau dé fa perception
dans un lieu différent de celui où il a été établi
, ni en placer de nouveaux.
Tous ceux qui ont. droit de péage font obligés
d'avoir une pancarte contenant le tarif dé la quotité
y fuivant les différens cas où il eft dû 3 8c
cette pancarte doit être attachée fur des poteaux
«ux entrées des ponts , paflages 8c permis où
les droits font prétendus 3 fans pouvoir les lever
autrement ni les excéder , fous aucun prétexte,
nonobftant tous ufages contraires, à peine de punition
exemplaire contre les contrevenans 5 ce font
les termes de l’article 7 du titre des péages de l'ordonnance
des eaux & forêts , publiée en 1669 fous
les ordres de M. Colbert.
Avant de rappeller les autres difpofîtions de
ce même titre 3 il ne fera pas fuperflu de dire ici
deux mots des opérations de M. Colbert fur cette
partie 3 8c. qui préparèrent l’ordonnance dont il
s 'a g it, en 1660. On y joindra les réflexions du
.judicieux écrivain de qui nous empruntons ce
récit.
Le plus fur moyen de diminuer le nombre des
pauvres , étant d'augmenter le" travail , M. C o lbert
commença , dès cette année, ( 1.662) à y
pourvoir par une réforme confidérable.
« Les grands chemins du royaume , 8c toutes
33 les rivières , étoient gardées par des armées de
33 receveurs de péages ou droits locaux. Les uns
33 étoient ufurpés j les autres , de création nou-
33 velle , avoient été concédés pour un tems j quel-
33 ques-uns , appartenant.au domaine, avoient été
33 aliénés. Cette multiplicité de droits , tous mo-
30 diques en particulier, n'avoient pas laiffé en
m total, de renchérir les denrées ; l’embarras des
33 formalités retardoit les voituriers, 8c ajoutoit
33 de nouveaux frais à la valeur intrinfeque des
33 marchandifes ; les communications même inté-
33 ri*eures étoient diminuées } à plus forte raifon
33 celles de l ’étranger 3 le travail ipanqupit de fous
» côtés.
33 Un édit ordonna la recherche de ces fervi-
s> tudes, 8c de procéder extraordinairement contre
33 ceux qui en jouiffoient fans titre , ou hors les
33 termes fixés par leurs concédions. On ne fait
33 par quelle fatalité ces recherches , continuées
33 de tems en tems jufqu'à nos jours, n'ont pas
« produit autant de bien que le prince le défi- 33 fo i t , 8c que les peuples i’efpéroient.
33 Quelques petits péages ont été éteints , pour
33 reparoitre enfuite fous de nouveaux prétextes ;
33 quelques-uns ont été totalement fupprimés ÿ
3’ mais les plus onéreux fubfîftent. Une partie de 33 ceux que le roi avoit cru devoir être rembour-
33 fes , ont été réunis au domaine , jufqu'à ce que
» le rembourfement en fut achevé j aucun cepen-
*3 dant n'eft encore forti de la main des fermiers,
33 8c l'on peut avancer en fûreté que le tréfor pu-
33 blic n’en retire rien. Pour s'en convaincre , il
» n'y a qu'à comparer le produit des domaines
33 lors de ces réunions , 8c l'augmentation com-
>3 mune à tous les biens du royaume, avec le pro-
’> duit aéhiel.
33 Enfin ,*en quelque main que foient les droits 33 locaux, le nombre en eft effrayant de tons côtés. 33 La Loire, par exemple , cette belle rivière qui 39 traverfe prefque tout le royaume , 8c qui com- 33 munique, dans fon cours , avec quatorze pro- 33 vinces , eft fujette à vingt-huit péages , depuis 33 Saint-Rambert en Forêts, jufqu'à Nantes j elle ?5 en eft devenue tellement impraticable , que pour 33 les marchandifes envoyées de Paris à Nantes , 33 on préfère la voiture par terre ».
L'article premier du titre 29 de l ’ordonnance
des*eaux 8c forêts , fupprime tous les droits de
péage établis depuis cent années, fans titre, fur
les rivières,.
A l'égard des péages 8c droits établis avant les
cent années par titres légitimes, dont la pofleflion
n'aura point été interrompue , il eft ordonné ,
par l'article 2 , aux eccléfiaftiques , feigneurs 8c
propriétaires , de quelque qualité qu'ils foient,
de juftifier de leur droit 8c pofleflion par-devant
le grand maître des eaux8c forêts, pour , fur.les
procès-verbaux, être ftatué ce qu’il appartiendra.
L ’article 3 défend aux propriétaires, fermiers ,
receveurs 8c péagers, de faifîr 8c arrêcer les chevaux
, équipages , bateaux 8c nacelles , faute*de
paiement des droits qui feront compris dans la
pancarte duement approuvée ; il permet feulement
de faifir les meubles, marchandifes 8c denrées,
jufqu'à la concurrence de ce qui fera légitimement
dû par eftimation raifonnable.
L’ article 5 eft fur-tout remarquable ; en voici les
termes : « N ’entendons quauçuns de ces. droits ( de 33 péages ) foient réferves , même avec titres & pof -
33 fejjiôn , oit il n y a point de chauffées , bacs,
33 éclufes , & ponts a entretenir , & à la charge des
33 feigneurs & propriétaires. 33.
Enfin , l ’article 6 attribué la connoiflance des
conteftations élevées , pour raifon de ces droits ,
aux grands maîtres 8c officiers des eaux 8c forêts ,
8c veut que leurs jugemens foient exécutés par
provifion , nonobftant 8c fans préjudice de l’appel.
L ’auteur d’un ouvrage intitulé , des Canaux
navigables , homme éloquent, mais qui ne s eft
pas toujours garanti de la manie des paradoxes,
s'exprime , fur les abus 8c les dangers des péages
d'une manière propre à réveiller 1 attention du
gouvernement, 8c à plaire à tous les bons patriotes.
33 Examinez le canal de Briare creufé fous Hen-
93 ri I V , celui de Languedoc établi par Colbert > »3 regardez le cours de la Saône , de U Loire ,
33 vous y verrez l'avidité étendre fes filets, à chaque
»3 pont, a chaque écliife , à chaque mafure tolé-
30 rée dans le voifinage.
33 Vous verrez l’iriduftrie fe débattre envain fous
33 les efforts d'une multitude d’oifeaux de proie, 30, appelles buralifles , receveurs , péagers . . . elle
93 n'échappe de leurs ferres qu'en y laiflant une
93 partie de fa dépouille > 8c comme à chaque pas
93 la mêmeYcène fe renouvelle , elle arrive enfin
03 expirant, au terme de fon voyage.
33 N'élevez donc point | meflieurs, pourfuit-il,
33 en s'adreffant aux Etats d'Artois., de ces gue-
33 rites terribles ou fe logera • bientôt , maigre
>3 vous , la rapacité des.traitansv 11 vaut mieux ne
33 point ouvrir de routes, que de les voir infeftées
33 par les harpons, meurtriers des pépgers. I f eft
93 moins dangereux de lai fier lé commerçant ram-
33 per fur la terre, que de le réduire, dès l’entrée
33 d’un canal, à reculer d'épouvante à l'afpeft de 90 ces retraites perfides où s'embufquent ces vam-
93 pi res' impitoyables quiTattend.ent'pour le fucer ;
33 écartez-en donc pour toujours ces pirates pri-
33 vilégiés qui rançonnent les pâffans fans autres
»3 armes que des pancartes 8c des parchemins 33.
Nous avons fait v o ir , au mot Droit , tome
premier, pag.' 652. 8c 6j 3 j combien la Saône 8c
le Rhône font également furchargés de péages,
puifque des fers de Franche-Comte , conduits a
Marfeille par ces.deux rivières j c'eft-à-dire, dans
l'efpace de deux cens lieues , fe trouvent payer
beaucoup plus pour ce tranfport que des fers apportés
de Rufiie, qui ont à faire un trajet au-
moins de neuf cens lieues.
On a également-'propofé , dans ce même volume,
pag. 423 , un plan qui tend à abolir tous
les droits de péages , 8c même lès corvées , en
les remplaçant par une taxe modique percevable
fur les grandes routes, ainfi qu'il fe pratique en
Angleterre 8c- dans plufieurs autres Etats.
Depuis long-tems tous les bons miniftres ont
fenti combien la multitude des""droits de péages
nuifoit à la navigation 8c au commerce. M. C o lb
e r t, en 1,669 , dans fon ordonnance des eaux
8c forêts , s’étoit, comme on l'a vu , occupé des
moyens d’en fupprimés: un grand nombre, en fai-‘
fant vérifier les titres de leur perception, 8c en
ordonnant que tous ceux, dont les propriétaires ne
feroient pas en même-tems chargés de l'entretien
de quelques ponts, chauffées , paffages ou marchepieds
de rivières, feroient abolis.
En 1714 , un arrêt du 29 août nomma des
commiffaiues pour faire la vérification des titres
des droits de péages , qu’il ordonnoit aux propriétaires
de leur repréfenter , dans toute l’étendue
du royaume 5 8c cette commiflion fubfifte encore.
Comme l’objet de fa création eft de féconder
les vues du gouvernement, dont les principes,8c
l’efprit font toujours ceux que M. Colbert a con-
fignés dans cette ordonnance, la commiflion ne
manque pas de fe conformer aux difpofirions de
l'article 5 , toutes les fois qu'il s'agit de confirmer
un ancien droit de péage. C'eft ce qui fe voit
par l'arrêt du confeil du 6 janvier 1680, qui maintient
M. le duc de Villeroi dans la pofleflion 8c
jouiffance d'un droit de péage fur la rivière de
Seine à Cprbeil , 8c d'un autre par terre.
Cette confirmation n’eft accordée que fous la
condition de faire la levée du péage fuivant le
nouveau tarif compris dans l’arrêt, 8c à la charge
d’entretenir les ponts chemins accoutumés dans
l’étendue de la jurifdi&ion de Gorbeil , 8c d'entretenir
pareillement les chemins de tire , le long
de la rivière de Seine , 8c d’acquitter les autres
charges impofées pour raifon dudit droit.
Mais comme à l'époque de 1 7 2 4 les duchés de
Lorraine 8c de Bar n'étoient point encore paffés
fous la domination du roi , ce n'eft qu'en 1773
que l’ arrêt du confeil du 9 mai rendit communes
à ces duchés les difpofîtions de ceux des 29 août
1724 ,, 8c 20 novembre 1 7 2 5 ; ce dernier porte ,
que les propriétaires des droits de bacs feront,
comme ceux des péages , tenus de juftifier des
titres de leur propriété pardevant les magiftrats
compofant la commiflion établie en 1724.
Mais jamais le gouvernement n'avoit manifefté
des intentions aufli bienfaifantes, 8c des projets
d ’une exécution aufli prochaine, relativement à
la fuppreflrori des péages , que par l'arrêt du confeil
du i j août 1779.-Ce règlement intéreffe trop
l’Etat en général , 8c le commerce en particulier,
pour omettre de le rapporter. Son préambule
expofe d'ailleurs fi clairement les inconvéniens
des droits de péages 3 qu'on, ne peut qrop le rappeller
à l’ attention publique, pour qu'elle dénonce
à celle du miniftre un objet fi important.
Le roi s'occupant avec intérêt, des moyens de
btenfaifanee envers fes peuples , que le retour de
là-paix pourra lui ptôcurer , croit devoir ordonner
à l'avance les recherches 8c les travaux propres,
à féconder l'exécution de fes deffe'ins. Entre les
] principaux, objets de ce genre , qui ont fixé Ço»