
~ » Que toutes maîtrifes de métiers , érigées
*» depuis les Etats tenus à Blois , en Tan 1*7.6*
» feroient éteintes, fans que par-ci après elles
a> puiffent être remifes , ni aucunes autres de 03 nouveau établies, & foient les exercices defdits
.33 métiers laiflfés libres à vos pauvres fujets fous
os vifite de leurs ouvrages & marchandifes , par
«j experts & prudhommes , q u i, à ce , feront
*> commis par les juges.
=» Que tous édits d’arts & métiers , enfemble
os toutes lettres de maîtrife, ci- devant accordées,
os en faveur d’ entrées, mariages, naiffance, ré-
09 gence des rois & reines , leurs enfans , ou
os d’autres caufes quelles qu’elles foient, foient
oo révoquées, fans qu’ à l’avenir il foit oélroyé
os aucune lettres de maîcrife , ni fait aucun édit
oo pour lever deniers fur artifans, pour raifon de
os leurs arts 8c métiers ; 8c où aucunes lettres
os de maîtrife 3 ou édits feront faits 8c accordés
oo au contraire , foit enjoint à vos juges de n’y
oo avoir aucun égard.
„ Que les marchands & artifans , fort de mé-
09 tiers-jurés , ou autres métiers, ne payent ou 03 donnent aucune chofe pour leur réception ,
os levement de boutiques ou autres , foit aux
« officiers de jullice , foit aux maîtres-jurés , &
93 vifiteurs des métiers 8c marchandifes f & ne
os faffent banquets ou autres dépenfes quelcon- 09 ques, ni même pour droits de confrairie ou
os autrement, fous peine de concuffion à. l’en- 03 contre defdits officiers , & de cent livres d’a-
03 mende contre chacun defdits jurés , ou autres,
os qui auront .affilié au banquet , pris falaires,
oo droits de confrairie , ou autres chofes ».
Les'maîtrifes 8c réceptions font cenfées établies
pour conftater la capacité requife dans ceux
.qui exercent le négoce & les arts & encore
plus pour entretenir parmi eux l’émulation , lo r -
■ dre 8c l’équité ; mais au vrai ce n’.eft qu’un im-
• pot fur l’indultrie, une forcé de monopole très-
nuifible à l’intérêt national , 8c qui n’ a nul rapport
avec les fages difpofitions qui doivent diriger
le commerce d’ ùn grand peuple. •
Les Egyptiens, les Grecs , les Romains con-
.fervoient beaucoup d’ordre dans toutes les parties
. de leur gouvernement > cependant on ne voit
pas qu’ils eulfent adopté les maîtrifes , ou la pro-
feffion exclufive des arts & du commerce. Ï1 étoit
permis chez eux , à tous citoyens d’exercer un
art ou un négoce, & à peine , dans toute l’hif-
toire ancienne, trouve-t-on quelque trace de ces
droits privatifs, qui font aujourd’hui le principal
réglement des corps & communautés mercantilles.
On fait que les maîtrifes ont beaucoup dégénéré
de lçur inftitution. Elles confiftoient plus
dans les .commencemens, à maintenir le bon ordre
parmi les ouvriers & les marchands , qu’ à leur
tirer des fonimes confîdérables $ mais depuis qu’on
les a tournées en tributs , ce n’eft plus, comme
dit Furetiere 3 que cabale , ivrognerie , monopole ;
les plus riches ou les plus forts viennent communément
à bout d’exclure les plus foibles, &
d’attirer ainfî tout à eux : abus conftans que
l ’on ne pourra jamais déraciner, qu’en introdui-
fant la concurrence 8c la liberté dans chaque pro-
feffion.
Au relie, îl ne faut pas confondre enfemble
ce qu’on appelle maîtrife 8c police ; ces idées
font bien différentes, 8c l’une n’annonce peut-
être jamais l ’autre. Auffi ne doit-on pas rapporter
l’origine des - maîtrifes , ni à un perfectionnement
de police, ni même aux befoins de l’Etat ;
mais uniquement à l’efprit de monopole qui
règne d ’ordinaire parmi les ouvriers 8c les marchands.
C et efprit eft t e l , que lorfque le gouverne-*
ment annonce des maîtrifes de nouvelle création,
les communautés * s’emprelfent de les acquérir
pour elles-mêmes , afin de diminuer le nombre
de leurs membres , & affaiblir la concurrence
de ceux qui viendroient travailler comme eux.
Si l’intention du gouvernement eft , comme
on le doit fuppofer , de favorifer la population,
le plus sûr moyen ell d’alléger toutes les gênes
qui éloignent des artifans induftrieux & pauvres ,
des maîtrifes qu’ils ne peuvent obtenir que par
argent. Comme il eft difficile de palfer maître,
& qu’il n’eft pas poffible de travailler fans cette
qualité , & de foutenir une femme & des enfans ,
bien des »gens craignent cet embarras, ils renoncent
pour toujours au mariage , & s’abandonnent
enfuite à la pareffe & à la débauche. D ’autres,
effrayés des mêmes difficultés , penfent à chercher
au loin de meilleures pôfitions, Perfuadés,
fur le bruit commun , que les pays étrangers
font plus favorables , ils y portent comme à
l’envie, leur courage Sc ieurs talens. Du refte, ce
ne font pas les difgraciés de la nature , les faibles,
ni les imbécilles qui font gens à s’expatrier 5
ce font toujours les plus vigoureux 8c les plus
entreprenans qui vont tenter fortune chez l ’étranger,
& quelquefois même jufqu’aux extrémités
de la terre. Ces émigrations, qui ne font
pas honneur à notre police, & que différentes
caufes occafionnent tous les jours, ne peuvent
qu’ affoiblir fenfiblement la puiffànce nationale,
8c c’eft une raifon importante de travailler à les
prévenir.
Un moyen des plus efficaces, feroit d’attribuer
des avantages folides à la fociété conjugale qui
cultive une profeffion, de rendre les maîtrifes
gratuites ou peu coûteufes aux gens mariés, tandis
qu’on les vendroit fort chères aux céliba,
taires^
taïrés, fi Pori n’aimoit encore mieux leur donner
l ’entière exclufion.
Quoi qu’il en fo it , les maîtrifes, je le répété,
ne font point une fujte néceflaire d une pohce ;
exaéle j. elles ne fervent proprement qu à rc>^
menter la divifion & le'monopole, & d l eft aife j ;
fans maîtrifes , d’établir l ’ordre 8c 1 équité dans .
le commerce. * ■ '/ ,/ |
On peut former, dans nos bonnes villes , une
chambre municipale, compofee de cinq ou fix
échevins , ayant un msigiftrat a leur tete , pour
régler gratuitement tout ce qui concerne la po^
lice des arts 8c du négoce , de manière que ceux
qui voudront fabriquer ou vendre quelques mar^
chandifes ou. quelque ouvrage , n’auront qu’ à Sé
préfenter à cette chambre, déclarant à quoi ils
veulent s’attacher, & donnant leur nom 8c leur
demeure , pour que l’on puiffe veiller fur eux
par des vifites juridiques, dont on fixera le nombre
8c la rétribution, à l’ avantage des furveillans.
A l’égard de la capacité requife pour exercer
chaque profeffion , en qualité de maître , il femblé
qu’on devroit l’eftimer en bloc , fans chicane jk.
fans partialité, par le nombre dès années d’exercice
> c’eft-à-dire , que quiconque prouveroitj
par exemple j| huit ou dix ans de travail chez
les maîtres, feroit cenfé pour lors , par ce fait,
fans brevet d’apprenti liage, fans chef-d’oeuvre,
& fans examen, raifonnablement au fait de fqn
art o a de -fon négoce , & digne de parvenir à
la , maîtrife.
Üne chofe certaine , c’ eft que ce rie font point
les gênes, les difficultés qui forment les ouvriers ,
c’ eft le goût des riches , 8c le prix qu’ils mettent
aux beaux ouvrages.
On doit: inférer de ces réflexions , que tous
les fujets étant également chers , 8c également
fournis a,u roi , fa majefté pourroic, avec juftice,
établir jun réglement uniforme pour la réception
des ouvriers & des commerçans.
Qû’on ne dife pas que les maîtrifes font né-
ceflaires , pour afleoir & pour faire payer la capitation
, pu ifque tout cela Ce fait bien dans les
villes où il n’y a que peu ou point de maîtrifes l
d’ ailleurs on.conferveroit toujours les dorps 8c
communautés, tant' pour y maintenir l’ordre 8é
la police, que pdur afleoir les importions publiques.
On peut croire que les maîtrifes . font éluder
la capitation à nombre de fujets qui la payeroient
en tout.autre cas >. car la difficulté de devenir
maître, en force plufieurs à vieillirgarçons!?.courtiers
ou compagnons , q u i, Làns.çeffe ifojés ou
errans , efçjuivent affez facilement les impofitions
perfonnelles j au lieu que fi les maîtrifes étoient
F in a n c e T om e 1I I%
plus acceflîbles , ‘ il y auroit conféquemmènt plus
de1* maîtres, qui fous payeroient là capitation à
l’avantage du roi & du public. ?
Un autre avantage qu’on pourront trouver dans
les corps, que le lien des maitrifès .réunit;^ nos
jou rs, c’eft, qu’au ,lieu .d’ irapofêr aux •afpiranjfe
des taxes confîderablfs qui fondent pçeftjiuecfpu->
jours entre les mains. 4es;jÇhçfs , pn, pourvoit^
par des dilpofit'ioris plus fages , procurer ,deÿ
reffources à tous les membres contre le .^éfaftre
des faillites > par exemple , en faifant dépofer au
candiaatune fomme fixe dans une caifle commune,
qui en payeroit l’intérêt, 8c qui lui p.rpcurerpit
dans fon corps un crédit avantageux. ai . ia
Pour répondre à ce que l ’on dit fouvent contre
la liberté des arts 8c du commerce } favoir , qu’il
y auroit trop de monde en chaque profeffion ±
il eft vifible que l’on ne raifonneroit pas > de la
forte, fi l’ofi vouloir examiner la chofe de près ;
car enfin , la liberté , du commerce feroit-elle
quitter à chacun fon premier état pour en prendre
un nouveau ? Non , fans doute*' chacun Ldemeu-
retoit à fa place , & aucune, profeffion ne. ferpic
furchargée , parce que toutes feroient égalemênt
libres. A la vérité, bien dès géris,, a préFèrit’trop
miférables pour afpirer aux maîtrifes, fe verroient
tout-à-coup tirés -.de. la fervitude., & ppu.rroienc
travailler pour leur compte, & le public gagneroit
à cette concurrence.
Mais , di.t-oriV ne ifentez-vous .pas qu-iiné*-infinité
de fujets, qui n’ont aucun état fixe, voyant
la, porte des arts & du négoce o^uyerfe ,à/tout
le monde , s’y jetteroient bientôt en foule,, \8d
troubleroient ainfî l’harmonie qu’on y voit régner ?
Plaifante objeélion ! Si l’entrée des drts. 8c du
commerce devenoit plus facile & plus libre, trop
: de gens, dit on , profitérôient-de la franchife«
H é ! ne feroit-ce pas le pjus, grand.bien que Ion
i pût délirer ? Si èe n’éft peut-ê tre, qu’pm croiç
| qu’ il vaut mieux ifûbfillex'par quelque induftrie
I vicieufe, ou çrprfpfr.a-ans i'oifivetë-, que de s'ap-
; pliquèr à quétque honnête travaiL En un m o t ,
. il eft difficile de comprendre qu’on.pujdfle.héfiter,
] pour ouvrir à tous les fujets la carrière du né-
! gpce 8c des arts , pu.ifqu’enfin i j l n’y a p_as a dé-
. libérer , 8c qu’ il' eft plus avantageât d’avoir un
| grand nombre de travailleurs ,8c de commerçans
1 dut-il s’ èn trouver quelqùeVuns de mal-habiles ,
! que de rendre l’oifiveté prefqu’inévitable , 8c d a
former ainfi des fàinéans, des voleurs ou des*
filoux. ;
Outre l’inconvénient qu’ont les maîtrifes, de
nuire à la-population , comme oh l a montré'
ci-dévant y elles» emont un autre", qui n’eft-gnêres
f moins ,confidérable\ Elles-fdht que le biiblic eft:
| beaucoup .plus mal fervi. Lès maîtrifes en «effet 3
pouvant s'obtenir par faveur 8c par argent a