
jouifTance, fans une rigueur incompatible avec les
loix de la félicité' publique, & avec les principes
d une faine politique. Il eft même tels de ces
biens, dont la’ privation éloigneroit d’un pays,
es propriétaires d’une fortune indépendante 8c
mobiliaire : c'eft ainfi que les Anglois, infiniment
jaloux de la créance que nous acquérons fur
■ eux par le débit de nos v ins , fe font bornés
cependant à en circonfcrire la confommation
parmi les riches, en augmentant le prix de cette
denrée par un impôt confîdérable 1 quelques
nations pauvres, & dépourvues de colonies, en
ont ufé de même à l'égard des cafés.
La France a peu de productions précieufës à
envier, 8c elle réunit tant de moyens d'échanges,
qu’il lui fied 8c lui convient de ne mettre aucun
obftacle formel à l'introduétion de tous les fruits
& de toutes les denrées dont elle fe trouve privée}
mais, comme la plupart fervent à fatisfaire
le goût des riches ou des gens aifés, il eft raisonnable
d'affeoir un revenu fur cette confommation
} & l'on ne doit pas perdre de vu e , qu'entre
tous les impôts , les plus convenables, font ceux
qu'on perçoit à l'entrée 8c àlafortie du royaume,
toutes les fois qu’ils ne préjudicient point-à
l'intérêt de l'Etat : car les douanes une fois
établies,, les frais n'augmentent point en raifon
de l'étendue du recouvrement. Je crois donc,
qu'il faut impofer un droit de dix ou douze pour
cent à l'entrée des vins, des liqueurs , des épiceries,
des fruits fecs , du cacao, des parfums,
& des autres objets de même nature j & qu'on
doit borner l’impôt à moitié fur les denrées d’une
utilité plus commune , telles, que l'huile , le
ris , les fromages, les viandes fumées, les drogues
néceffaires à la pharmacie, & c .
Les matériaux propres à la conftruâion des
yaiffeaux , font depuis long-tems affranchis d'impôt
, & cette faveur, donnée à la navigation, eft
très-raifonnable.
. Les droits établis fur les marchand!fes des
Ind es , de la C h in e , & de l'ifle de Bourbon,
apportées par le commerce, peuvent être-conservés
fans inconvénient} en obfervant cependant
que , fi le gouvernement Anglois venoit à bout
de contrarier efficacement le trafic des contrebandiers
qui s'approvifionnent de thés fur les côtes
de France , il deviendroit probablement néceffaire
de diminuer en France le droit d ’importation fur
cette denrée, & de tompenfer ainfi, par l'ac-
croiffement de leur profit , l'augmentation de
leurs rifques. Il feroic pourtant à defirer qu'une
légiflation plus morale , unît un jour les gouver-
-nemens pour l'extirpation de la contrebande,
& que le mot de réciprocité ne fervît plus à
légitimer des fpéculations politiques, abfolument
contraires aux loix d'ordre, dont les rois doivent
être les foutiens.
L importation des bleds, comme leur exportation
, ne peut raifonnablement être affujettie &
aucun d ro it} elle^ a prefque toujours lieu dan«
le tems de cherté , & c'eft alors le peuple ouvrier
qui fouffre : ainfi , un impôt mis fur les
fecours que le commerce étranger vient apporter
, feroit à la fois impolitique & barbare.
A Les produits de la pêche étrangère , doivent
etre fournis à un droit prohibitf, afin de favo-
rifer celles des^ ports maritimes : c'eft une occupation
^ précieufe, qui doit être encouragée
comme l'agriculture, puifqu'elle augmente pareillement
la mafle des fubfiftances ; & comme les
manufactures, puifque la valeur des produits de
la pêche eft entièrement compofée du prix du
travail j & comme un objet particulier de politique,
puifque cette occupation, en formantr
pendant la paix , des navigateurs & des matelots ,
devient un moyen de force au moment de la
guerre. Il eft, au refte , des circonftances où ces
règles générales exigent des exceptions y 8c l'in—
troûuCli°n des produits de la pêche étrangère
doit être permife, lorfqûe les évènemens maL-
heureux d^ine guerre maritime , mettent obftacle
à celle du royaume.
Toutes^ les productions des mines étrangères-^
peuvent être affujetties à un droit d'entrée de
dix pour c en t, mais l'introduClion des métaux
précieux, tels Jque l'or & l'argent, doit être
exempte d'impôt} ces métaux eu fupportent un 'ÿ
fous le nom de droit de contrôle 3 lorfqu'ifs font
employés en vaifïelles , en bijoux, ou fen d'autres
ouvrages de main-d'oeuvre} & la partie qui
eft convertie en monnoies, eft taxée indirectement
, au moyen du bénéfice que fait le fouverain
fur cette fabrication.
lo tis -les autres objets d'importation qui ne
font pas compris dans les claftes précédentes ,
cotnpofent à peine une fomme de dix millions >
& l'on pourroit, fans inconvénient, les afFujettir
généralement à un droit de cinq pour cent.
Les droits de traites fur l'importation des mac-
chandifes étrangères, en fuppofant ces droits
établis félon les bafes qu’on vient d'indiquer j 8c
en évaluant toujours les femmes inévitables, fe
monteroient, autfnt que j'ai pu l ’arbitrer, de
huit à neuf millions y en y joignant le produit
des droits à ^exportation , l'enfemble des droits
de traites fur Je commerce de la France 'avec
l'étranger, ne s'éleveroient qu'à dix ou onze millions
} mais qu'importeroit, fi par évènement,
le changement apporté aux droits de traites, di-
minuoit les revenus du roi d'un ou deux millions
? Eft-ce une circonftance à mettre en balance
avec les avantages qui réfulteroient pour
l'Etat & pour le commerce, d'une légiftation .
infiniment fimple , & de la fuppreffion de toutes
les gênes qui embarraffent la circulation ? Je dirai
plus} l’accroiflement dans l'induftrie , que des
impôts fagement combinés ne manquent Jama*s
d'exciter, ne tarderait pas à^dédommager le nie
même, du léger facrifice qu’il auroic fait.
C e feroit à tort cependant, qu’en prenant con-
noiftance du revenu des douanes^ dans pjulieurs
pays de l ’Europe, on s'étonnerait: du modique
produit de celles de France : il eft fingulierNpeut'
être, au premier coup-oeil, de voir que 1 îmmenfe
commerce de ce royaume avec 1 etranger , ne.
peut rendre en droits de traites que dix à douze
millions, & que même on-ne doit pas fagement
en attendre davantage.} mais une feule reflexion
fuffit pour expliquer cette efpèce de contradiction
: c'eft que le revenu des douanes n’eft point
la mefure de la profpérité d’un pays, & perfonne
ne croira, par exemple, que les richeffes de
l’Efpagne fufïent diminuées, fi ce royaume , augmentant
d'induftrie, parvenoit à te pafler des ouvrages
de main-d'oeuvre des autres nations, 8c
fi le fouverain perdoit en même - tems tout le
produit des droits impofés fur leur introduction.
On oppofera peut-être à ces principes , qu’ en
Angleterre , pays d’ une grande induftrie , les
douanes font un des principaux revenus du pays }
& en effet , leur produit doit fe monter aujourd'hui
, de foixante à foixanté-dix millions , mon-
noie de France}- mais on comprend dans cette
fomme les droits fur les thés, forte de confom-
fnation qui , en raifon de, fen étendue, eft particulière
à l'Angleterre, les droits fur l'importation
des vins étrangers, revenu de douze millions
, & que l’Angleterre ne doit qu’à fes privations
} & enfin, les droits établis fur le café ,
le fucre, le tabac 8c le charbon de terre.
A in fi, pour former un jufte parallèle, on feroit
autorifé à compter parmi les produits des
douanes en France , 8c le revenu que le roi tire
de fa ferme de tabac, & les droits du domaine
d'Occident, dus à l'introduétion des denrées des
colonies françoifes, & ceux établis...fur leur cpn-
fommation dans le royaume, 8c même encore
les droits-exigés à l'entrée du bois de chauffage
dans les villes , puifque ce dernier impôt répond
à celui du charbon de terre en Angleterre. C e pendant,
fi l'on réuniffoit enfemble ces divers re-
couvremens , on ne trouverait pas une grande
difparité entre leur produit & celui des douanes
d'Angleterre.
Jufqu'içi, je n'ai point examiné l'intérêt particulier
des diverfes provinces de France, à l’ad-
doption du plan de réforme qu'on vient de développer
} mais il ne peut y avoir de doute, que
pour les provinces diftinguées fous le nom d'é-
tranger effectif j car celles réputées étrangères, n'a Uraient
pas de peine à reconnoîrre que l'affujettif-
fement à un tarif général très - modéré, feroit
moins onéreux pour elles, que le maintien de
leurs droits locaux, 8c des impofitions^ qu elles
paient à l'entrée, ou à la fortie des provinces des
cinq groffes fermes.
Au refte , le dépouillement des regiftres des
traites, dont j'ai déjà parlé, donnera les con-
noiffances de détail les plus propres à lever' toutes
les objections} & l’on verra qu'au moyen
des droits uniformes établis fucceflîvement, les
provinces réputées étrangères , font, à l'égard des
autres, dans une pofition moins avantageufe qu'elles
n'en ont conçu l’idée , d’après d’anciennes
préemptions.
Le changement futur de fituation du petit nombre
de province« qui font traitées comme un véritable
pays étranger, devroit être confidéré par
elles d'une tout autre manière : ce feroit en
effet, non-feulement la mefure de leur contribution
aux droits de traites qui feroit différente, mais
encore leur pofition de commerce} puifqu'elles
trafiquent librement, avec les pays étrangers , &
ne font gênées par des douanes , que fur la partie
de leurs frontières limitrophes des provinces de
l’intérieur du royaume. Je crois donc utile de
donner ici une idée' fuccinte de leurs nouveaux
rapport, dans l'hypô'thèfe de l'établiffement de
toutes les douanes à l ’extrémité du royaume , 8c
fous la loi d'un tarif conforme aux principes que
j'ai pofés.
On voit d’abord, que l’état préfent des provinces
d'étranger effectif, n’eifuyeroit prefqifau-
cune altération pour la partie des exportations à
l’étranger } puifque toutes les marchandifes expédiées
hors du royaume , feroient affranchies de
droits, à la réferve des vins, 8c des matières
premières propres aux manufactures ; 8c comme
les vins du Barrois font un objet de commerce
extérieur , & que le plus petit droit pourroit
nuire à cette branche d'affaires, une exception
favorable n’atiroit aucune conféquence , & le facrifice
feroit infiniment petit.
La pofition des provinces à*étranger effectif ,
ne feroit pas changée non plus à l'égard d ’un
grand nombre d'importation : en effet, on a vu
que le.s matières, premières propres aux manufac- j tures, 8c d’autres objets encore', devroient entrer
dans tout le royaume en exception de droits :
ainfi , la véritable altération dans l'état préfent des
provinces d’étranger effectif, feroit relative à la
faculté qu'elles ont maintenant d'importer librement
chez elles, & les ouvrages d'induftrie de
tous les pays du monde, & les épiceries, & les
diverfes autres denrées de luxe , & les métaux
communs de toute efpèce , & tous les autres objets
q u i, dans le plan d'un tarif général, doivent être