
général du numéraire $ mais la part dont chaque
pays en particulier Te rend propriétaire, dépend
de la balance de Ton commerce j & c ’eft pour rendre
cette balance plus ou moins favorable , que
les nations s'agitent & deviennent rivales* les unes
des autres. Quel eft donc le mérite lî grand de
cette abondance & de cet accroiffement du numéraire
? e ftce la félicité publique , eft'-ce la puiffance
de l'Etat qui en dépend ?
L'étendue du luxe , les progrès de l'avarice &
de la cupidité, voilà ce que les moralises imputent
à l'accroifTement de l’or & de l’argent : 8c
comme dans le même tems , beaucoup* de gens ne
voient, dans cet accroiffement, qu'une augmentation
d'embarras , & une multiplication inutile des
lignes d'échanges , on feroit tenté de fe défier de
la politique qui attache tant d'intérêt , 8c à l'ac-
quifîtion des métasx précieux , & à l'abondance
du numéraire 3 dernier terme de cette efpece de
conquête.
EfTayons de répandre quelque jour fur une dif-
cuflion fi intéreflante. J'obferverai d'abord que
l'augmentation générale de l'or & de l'argent en
Europe , ou l’accroifTement annuel de ces métaux
dans un pays en particulier, font deux queftions
abfolument différentes : les mines productives de
l'Amérique pourroient cefTer tout-à-coup de fournir
de nouveaux tréfors , que le defîr d'obtenir une
balance favorable de commerce , ne fubfifteroit
pas moins } il arriveroit feulement, qu'au lieu de
fe difputer à l’envi une plus grande part dans la
répartition des richeffes que les vaiffeaux de régillre
apportent du nouveau monde , on ambitionneroit
d ’ufurper par le commerce , une quantité quelconque
du- numéraire des autres nations, 8c l'on
mettroit fa politique à s’enrichir ainfi de leurs dépouilles.
C e voeu commun des nations , n'eft point
lin defîr aveugle , & je vais tâcher de rendre, cette
vérité fenfible, fans employer aucun raifonnement
abltrait.
Imaginons , par une fuppofition , qu’on eût
découvert dans un autre hémifphère , un pays
ignoré jufques-là , du refte du monde : fuppofons
encore , qu'on vînt nous dire que ce pays , égal,
fi l'on v eu t, en étendue au royaume de France ,
eft fécond 8c varié dans fes produétions î que de
nombreufes communications y font établies 5 que
les propriétés y font fagement fubdivifées ; que
l ’Etat, enfin , eft gouverné , depuis long-tems ,
par de fages loix ; certainement on ne feroit point
furpris, que la culture & la population d’un pareil
pay s , fuffent parvenues au plus haut degré , lors
même que dix mille marcs d'argent compoferoient
tout Ton numéraire : on comprendroit fans peine ,
que la rareté de ce métal a permis de dbnnèr à une
pièce de monnoie très - légère , une très- grande
valeur, & l'on ne s’étonneroit point, qu'une pareille
différence de mefure, n'eût point arrêté les
progrès de la profpérité de l'empire.
Maintenant, & par une autre fuppofition, rapprochons
, tout - à - coup de notre continent, ce
pays inconnu, & q u i, avec fi peu d’or & d’argent,
n’étoit pas moins heureux 8c floriffant. Mêlé
bientôt dans les combinaifons politiques , fes voi-
fins étudieront fa foibleffe , & chercheront à en
profiter $ ils appercevront , que dénuéj d’or 8c
d’argent, ce nouvel Etat ne pourra, de long-tems,
foudoyer aucune armée hors de fes frontières j ils
iront plus loin, 8c ils calculeront que dans un pays,
où la rareté des efpèces entretient à très-bas prix
tous les biens de la vie, l’on peut avec une petite
fomme d'argent, y raffembler des provifions, y
établir des magafins , y corrompre , s'il le faut ,
les généraux, les foldats, les miniftres, & joindre,
en un m o t , à la force militaire , tous les autres
moyens de conquête.
Alors le gouvernement, dans un pareil pays ,
ne tardera pas à fentir que, pour la puiffance de
l'E ta t , il devient de la plus grande importance
que les richeffes numéraires y prennent de l'ac-
croiffement par le commerce j il ceffera d'envifager
ces richeffes comme de fimples lignes d'échange ;
8c pour en acquérir davantage , le fouverain délirera
que fes fuiets vendent beaucoup de marchàn-
difes aux autres nations, & en achètent peu d’elles :
Il étudiera comment ce projet peut être fécondé
par les droits d'entrée & de fortie } il examinera
quelles font les produétions particulières à fon
pays , & il en excitera la culture : il voudra con-
noître quels font ailleurs les befoins de luxe & de
vanité } & il s’efforcera d'y adapter l'induftrie de
fes fujets : il tâchera d’étendre le commerce, 8c par
des traités avantageux, 8c par l’encouragement de
la navigation, & par facquifîtion de quelque colonie
qui produifent des biens étrangers au fol de
fon royaume : enfin , plus éclairé chaque jour, il
reconnoîtra que l'accroifTement de l'or 8c de l'argent
, eft un des objets les plus importans de fa
politique > & il confidérera cette politique commè
analogue & additionnelle à celle qui va le mettre:
dans la néceflîté d'entretenir une armée pour fa
défenfe 5 tandis que s'il étoit encore le fouverain
d'un pays, fans connexion avec les autres puiffan-
ces , il lui aurpit fufS d'avoir des deniers d’argent
pour monnoie , , 8c une maréchauffée pour
foldats.
C e que je viens de développer, d ’une manière
fenfible, par une fuppofition, eft abfolument applicable
à l'état a&uel de l'Europe : l’ambition de
l'or 8c de l’argent s’eft mêlée fucceffivement à
toutes les rivalités de puiffance > 8c l ’on a fenti
plus fortement encore, l’utilité de la richeffe «a-
méraire, au moment où l’ufage du crédit public a
fait connoître toute l’étendue des fecours q u o a
pouvait tirer de la confiance ,'unie à l’abondance
de l’or 8c de l’argent.
Lorfqu’on a montré ce que confeilie
Ternent la loi de la néceffrte ; j H j g M
qu’exige le befoin de puiffance ; lotftl“ °P .a Æ
couvert ce qui importe aux paffrons K »
des fouvèrains , 8c
aucun moyen pour rendre les focretes juftes > 11
tables & pleines de confiance les unes envers le
autres ! c’ eft malheuresement une bl“
vaine \ que d’examiner 1 influence de 1 or & de
l’argent fur la félicité publique. Cependant, pour
la confolation de l’humanité , j effayerai de; mo -
trer * qu’entre tous les foins inquiets de la politique
des fouvèrains i celui qui tend a 1 accro.ffe-
m-ent de la richeffe numéraire g eft moins e"
oppofition qu’aucun autre 9 avec le bonheur des
hommes. Et d’abord, je ne convlendra7 .°qrt:,aJ 'n
les poètes 8c les orateurs | que cette multiplication
de fo r & de l’argent par. les trefors du n° “Vea“
monde | ait prêté de nouvelles forces g ou donne
un aliment de plus à l'avarice & a la cupidité.
car ce n’ell , ni à la nature , ni a la quantité du
numéraire , que ces pallions doivent leur natliance
& leur exaltation. C ’eft à mefure que le tems; &
la variété des travaux & des talens ont mulnp e
les commodités 8c les jouiffances ; c é d a mefure
que le commerce a rapproche de tousles ho," m“ ’
les diverfes produétions de la terre & de 1 mduf-
trie que le défit de la fortune a dû fe çeneralifer
Sc s’accroître ; & fi l’or 8c l’argenront irrite davantage
l’imagination 1 ce n’ eft pas a leur quantité que
cet effet doit être imputé , mais uniquement a leur
qualité de monnoie. Suppofons , en.effet . que les
figues communs des richeffes n euffent jamais exif-
i l l’on eût cour«, je le crois | avec moins d ardeur
après la fortune : tel homme qui franchit fes
devoirs pour acquérir une fomme d argent, 8c pour
obtenir une plus grande part de ce gage intermediaire
de tous les biens, ne l’eut pas fait peut-
être , s'il eût été obligé de diriger fa cupidité vers
un objet en particulier : il eût alors compare le
plaifir que donne une parure , un tableau . ou
toute autrè forte de luxe , avec la honte ou le
danger d'une aétion méprifable ; & fa paffion jure-
ment eût été moins animée.' Mais aufli , celui qui
travaille jour & nuit pour augmenter honnêtement
fa fortune S n’ eût jamais eu la même aélivite , h les
biens qu’il défire, d’une maniéré contufe , ions
l’image de l’or 8c de l’argent I euffent toujours
pris, à fes yeux, une forme précife.
Ainfi , c’ eft d’une idée vague & indéfinie, que
la monnoie tire une partie de fon ptix : une quantité
quelconque de louis ou d e cu s , n eft égalé
en réalité , qu’à la' fomme de biens qu on peut
avoir en échange } mais comme on recherche,
comme on acquiert l'or 8c l'argent, avant d avoir
déterminé l'ufage qu'on fe propofe d en taire ,
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l’imagination y ajoute ce qu’elle répand par-tout,
un attrait de plus.
C’eft donc uniquement fous le rapport de mon-
noie , que l’or & l’argent ont pu exciter davantage
l’amour de la fortune , & toutes les paffrons
qui tiennent à ce fentiment de ces métaux précieux eû;t méatiés qpulues la quantité ou moins
confidérable ; mais que les divers biens euflent ete
ruénper élifvernet éds’ oparr, quun' ildse nl’iéeurf.,f epnacr éutnée monemcee , poaur pdaur
cuivre ou par tout autre métal, l’efpnt d interet
eût été le même.
L’augmentation de l’or & de l’argent n a point
itnraflvuaéi,l ,n olan mpêlumse, finudriuefstr iper o, glerèss m deum luexs ec :a -uef ems edm 1e-
néétég alali tnéast udree f odertsu fnieg neeusf fde’néct hfuanbgfief t,é ,o quu leal lqe uqaun teiutét des monnoies. Cette derniere réflexion qui a befoin
d'être développée, l’a été au mot L u x e . Voyt\ ce
mot au fécond vol. de ce diéfionuaire, pag. 77 *
La plus grande contradiftion qui femble exifter
' efénltircei tlé’ acpcurboliifqfeume e, ndt oaint nnuaeîlt rdeu dn’uumneé raoibref e,r v&ati olna
qduei lf’eo rp r8écf ednete la'affregze nnat teufrte lpleamr-etnotu. t Lle’i nptrrioxd uda uionne quantité quelconque de produétions de la terre
é&c hdaen gl’ein ddeusf tbriieen ;s 8rcé el’los n, cefotn tterne téu ndee mreagtirèertete gr rcoef-t
fiere qui, par elle-même, n’offre aucun plaifir , ni
aduacnut nfee cjoaulmiffearn àc ec. eUt nég aamrdi ,d ee nla- opbafterirev adnoti tq cueep ecens
tranfaélions font abfolument l’effet d un libre arbitcroem
• maienrfci el aa vfoecc iléetsé é,t qrauni goebrtsi,e unnt ep ofoumr mfoel dqeu edlecfoontii que de métaux précieux , n’eft pas plus a plaindre
que ce nombre de particuliers qui, de retour d un
mmaarrcchhaén dpiufbelsi c! n, ’eomù pillosi eonnt tq uv’eunndeu p abretaieu cdouu pp rdoe
duit à des achats utiles ou agréables , 8c remportent
le refte en argent.
& Ddee lm'uênmivee ,r sd,a'nusn l ep amyasr ,c hpéa gr éunnéer_a lm duel tli’tEuduero pdee
tranfaélions dont le commerce eft l’agent , tantôt
tércèhsa ,n gtaen utnôet epna rrtiéea ldifee fuens ep qroudaunétittiéo nqsu eclocnotnreq ude aeun- tairogne nbt ioenu feunb otirl eî f& q ucee fdeer oviot uelnotirre cr odmanpsa urenre lqe udeef--
gtiroén ds,e bCoonmhemuern qt upi oréufruroltiet -doen caepsp rdéicvieerrf else ofpeenrtaiment
que procure la poffeftion d une monnoie, qui
donne le tems de choifir, qui rranquillife fur les
téivoénn e,m ednes f,a-8tics fqauétii ofanist pfoluusv egnrt ajnodueisr eqnu i’mona gnin’ean
éprouvera peut-être, en réalifant fes projets ?
Enfin , lorfqu’on arrête fon attention fur I’in-
[ troduétion annuelle du numé raire, dans un pays