
t a r
laTerre-fafnte, régla l’ adminiftration du royaume,
que la taille devoit être levée par les prélats &
par les vaffaux du r o i , fur tous leurs hommes,
tant que ce prince feroit hors du royaume pour
la guerre fainte. Il défend aux uns & aux autres
de remettre la taille , tant qu’ il fera in fervitio
D e i , & il veut même qu’elle dure 3 dans le cas
où il vieridroit à mourir hors du royaume , jufqu’à
ce que fon fils foit en état de gouverner
par lui-même. $
La forme de la levée de cette taille étoit très-
fîmpie'. Le§ officiers du feigneur faifoient le rôle,
& dénonçoient enfuite à chaque habitant la fomme
pour laquelle il y étoit impofé. Tune autem tallïarri
ejfe important intelligimus , dit l’ordonnance de
1214 3 quando denunciatum efi alicui 3 vel domus
fus. y quantum debeat folvere.
Suivant cette même ordonnance3 les croifés ne
pouvoient être impofés perfonnellpment à la
taille 3 pendant l’année dans laquelle ils avoient pris
la» croix 5 mais ils n’ en étoient pas exempts pour
les fonds taillables qu’ils pouvoient poffédçr.
Les clercs , poffeffeurs des fonds taillables ,
étoient exempts de cet impôt, quoiqu'ils duflent
tous les autres fervices dont les terres étoient
chargées 5 mais ce privilège opérant une diminution
confidérable dans la perception des tailles 3
il fut convenu entre Phjlippe-Àugufte , les barons
& les clercs de fon royaume, qu’aucun particulier
ne laififeroit à fon fils , eccléfiaftique ,
jufqu’ à concurrence de la moitié de fon héritage,
ou au-deffus.j en même tems il fut réglé que l’on
mettroit à la taille ceux des clercs qui feroient
le commerce.
Les monumens hiftoriques attellent que fous
faint Louis, la taille n’étoit point regardée comme
un revenu ordinaire des terres des feigneurs. Il
s’éleva la queftion de favoir , fi le feigneur qui
jouiffoit de la terre pendant l’année du re lie f,
étoit en droit d’impofer la taille fur les hommes
de fon nouveau vaffal j faint Louis décida la
négative, par l’article IV de fon Ordonnance de
12$J.
Les ére&ions en communes, & lesaffranchif-
femens des villes & bourgs, ne changèrent rien
à l’impofition des tailles. On voit feulement que
ces communautés commencèrent à les répartir
elles-mêmes, & qu’ il leur fut libre de porter ce
genre d’impofition allez haut pour acquitter leurs
propres dettes en principaux & intérêts.
L ’ordonnance de faint Louis, de , porte :
Qu&libet communia tantam talliam quolibet anno
fa c ia t, quam quando computatum, veniant coram
noflris gentibus , ad terminum fupra diclum , ab
omnibus ufuris & débitis penitiis fit immunis.
Le même fouverain voulant que les tailles îm-
pofées pour les befoins de l’Etat, fuffent réparties
avec juftice & égalité, dans les villes de fon
domaine , fit un règlement intitulé : Comment on.
doit ajfeoir la taille es villes notre fire le roi.
Il potte , qu’il fera élu trente ou quarante kom*•
mes , ou plus ou moins , bons Ù loyaux , par le
confeil des prêtres 3 des autres hommes de religion ,
g enfemble des bourgeois & autres prud'hommes, félon
la qualité & la grandeur des villes ; que ceux qui
feront ainfi élus feront ferment de choifir3 ou parmi
eux , ou dans le refie de la communauté , les dou%c
plus capables et ajfeoir la taille,* que ces dou^e fe ront
pareillement ferment, que bien & léaument ils
affeoiront ladite taille , & n épargneront nul , ni
ne grèveront nul, par amour, ou par prière, ou par
crainte , ou en quelqu autre manière que ce foit ;
ils affeoiront la taille a leifr volonté , la livre
egaument, & la valeur des chofes - meubles en Cajfifë
devant ladite taille.
Outre ces douze perfonnes, il en étoit choilï
quatre autres , dont les noms dévoient être tenus
fecrets, jufqu’ à ce que les douze euffent fait
l’affiette $ & avant qu’elle fût publiée, ces quatre,
après avoir prêté ferment, dévoient cotifer les
douze.
: On voit par le même règlement, & il efi: encore
prouvé par les établifiemens de faint Louis ,
de 1270 , que la taille étoit alors une impofi-
tion perfonnelle ; mais qui participoit de la réali
té , en ce qu’elle étoit due à raifon des biens,
& impofée proportionnellement aux pofTeflions
des taillables. Ainfi , un gentilhomme qui avoit
une maifon taillable , s’il l ’habitoit lui-même, la
maifon n’étoit pas fujette à cet impôt j mais s’il
l’avoit louée ou accenfée à l’homme coutumier,
il ne pouvoit la garantir de la taille ; fi ce même
gentilhomme faifoit le commerce, on l’impofoit
à la taille , mais feulement pour fon commerce ;
lorfqu’il le ceffoit, il rentroit en pofleflion de
fon privilège.
Les eccléfiaftiques étoient pareillement exempts
des tailles perfonnelles î mais ils payoient celles:
qui étoient dues par les fonds qu’ils poffédoient.
Clerici , dit l’ordonnance de 1274 , f i conjugatii
non funt in Francia , non contribuant tallis cum
laids y fed onera rerum duntaxat*agnofcunt y unde
confules Tolofani faits pojfunt abfiinere à contri-
butionequam petunt a clericis in taillis , ni f i taies
exiftant talliæ qu& poffeffiones onoraverunt ab an-
tiquo.
Environ un demi-fiècle après faint Louis, la
taille fe paya au ro i, hors de fes domaines, par
les habitans des fiefs appartenans aux feigneurs.
On voit qu’en 1325 , les barons & feigneurs
haut-jufticiers du duché de Normandie portèrent
leurs plaintes a u r a i, de ce que fes ccmmiffaires
députés dans les bailliages de Caen , & du C o t
tentin, contraignoient leurs Yujets des villes
payer la taille en fus de l’impofition fur les
denrées, qui y avoit été affife & accordée. Le
r o i , par fes lettres du 12 avril de la meme année,
fit défenfes à fes commiffaires, & aux baillis,
de cumuler l’ une & l'autre imposition j il ordonna,
nui’an mnven des droits lèves dans les villes, les
Les barons fe plaignant auffi de ce que ces
commiffaires n’avoient appelle, lorfqu ils etoient
venus fur leurs terres , pour remplir leur com-
miffion , ni eux , ni aucuns de leurs gens, pour
les aider & confeiller à induire leurs fujets a
leur obéir, le roi ordonna à fes commiffair-es
d’appeller les feigneurs ou leurs^ officiers , dans
les lieux où ils avoient encore à fe rendre pour
l ’exécution de fes ordres.
: Indépendamment de la taille impofée pour les
befoins de l’Etat, ou des droits qui en étoient
le remplacement§ les villes étoient encore affu-
jetties à des impofitions particulières pour l'acquittement
des dépenfes qui étoient à leur charge,
telles que les réparations de leurs murs & de
leurs fortifications. C ’eft ce qu’on voit par 1 article
VIII de l’ordonnance de 1331 , rendue par
Philippe de V a lo is, pour la ville de Laon.
Les tailles , auxquelles le roi avoit fouvent
recours dans les befoins de l’Etat, n’etoient alors
qu’une imposition momentanée.
Il eft d i t , dans les lettres accordées aux habitans
de la Normandie , le 22 juillet 1315 ,
par Louis Hutin, & qui font connues fous le
nom de chartre normande, que le roi ne lèvera
en Normandie que fes revenus ordinaires , &
n’exigera que les fervices qui lui font dûs j qu’il
ne pourra lever taille, fubvention , impofition ,
ou exaction quelconque, fi une grande néceffité
ne le requiert. Lorfque Charles, dauphin & régent
du royaume , en 13 58 , obtint les aides pour
la rançon du roi Jean fon pere, il promit que
moyennant ce fubfide il ne feroit impofé aucune
taille.
Dans une ordonnance du roi Jean lui-même,
du 20 avril 1363 , il eft' parlé des charges que
les peuples des fénéchauffées de Beaucaire & de
Nifmes avoient fouffert & fouffroient tous les
jours , pour le fait des tailles qui avoient été
impofées, tant pour la rançon du fouverain , que
pour l’expulfion des ennemis, & pour les gages
des gens d’armes, & pour d’autres dépenfes pref-
fantes.
C ’eft dans ce même tems que plufieurs villes
furent affranchies des tailles, que d’autres en
obtinrent la converfion en redevances annuelles.
Le roi, par des Chartres accordées à quelques
v ille s , s’engage à n’y lever aucune taille 3 fi ce
n’ eft lorfqu’il la lèvera générale fur fes fujets :
preuve qu’elle n’étoit ni permanente, ni uniforme,
ni univerfelle , & qu’elle ne fe levoit que dans
le cas de befoins extraordinaires.
Charles V I I , en 1444 * la rendit ordinaire 8ç
annuelle , & elle n’a pas ceffé de l’être.
C e prince connoiffoit les dangers de cette milice
féodale, & de ces troupes levées à la hâte,
q u i, dans la guerre comme dans la paix , vivoient
de,pillage j elles étoient fi mal difeiplinées, Ijue
foit qu’on les réunît, pour les mener à l’ennemi,
foit qu’ à la paix on les-licentiât , elles portoient ,
par leurs brigandages & leurs excès, la d é f la tion
dans, toutes les provinces du royaume. Il
choifit dans cette multitude effrénée, les gens
de guerre les plus capables, les retint à fon fer-
vice , & en forma un corps de cavalerie de neuf
mille hommes, divifé en quinze compagnies d’ordonnance
, qu’on doit regarder comme les premières
trpupes réglées qu’ait eu la France.
C e prince déclara que le produit de la taille
feroit affe&é à la folde de ces troupes , q u i, les
années fuivantes , furent augmentées de quatre
mille archers pour fervir à pied. Les peuples ,
q u i, en facrifiant une portion médiocre de leurs
revenus , s’affuroient la pofleflion paifible du refte
de leurs biens , virent, fans regret, s’établir une
contribution dont la deftination les mettoit à l’abri
des pillages auxquels ils étoient expôfés avant
l’inftitution de cette nouvelle police.
Le montant de la taille n’excéda jamais, pendant
le règne de Charles V I I , deux millions
que coûtoit l’entretien de fes treize mille hommes
d’armes , avec leurs officiers. L’ argent étoit
alors à huit livres quatorze fous huit deniers un
douzième le marc.
Louis X I augmenta la taille , ainfi que fes
troupes , & elle fut portée à cinq millions.
Charles VIII la continua fur le même pied ; mais
Louis X II accorda fur cet impôt la remife d’ un
million, que François premier ne laiffa point
fubfifter j il y ajouta plufieurs millions, & créa
même un fécond impôt , appellé la grande crue ,
pour la folde des cinquante mille hommes qu’il
le va, & qui reçurent le nom de légionnaires. Ils
furent divifés par compagnies , avec un capitaine,
deux lieutenans & deux enfeignes 5 elles devinrent
la fouche de cç qu’on appelle aujourd’hui les
vieux corps. La taille monta à près de neuf millions
fous ce règne , & fublifta fur le même
pied les deux règnes fuivâns.
Les tailles reçurent, fous Henri III, d’énor