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ctoient juftes , cette queftion ne feroit pas le fujet
a une longue differtation.
Une fociété qui laifleroit entrer toutes les productions
de l'induftrie étrangère , tandis que les
autres nations continueroient à interdire l'intro-
duClion des fiennes , feroit à-peu-près obligée de
payer , en fubfiftances ou en argent , ce quelle
demanderoit aux étrangers j bientôt Tes richeffes
& fa population diminueroient. C e que Ton vient
de dire , dans une hypothèfe abfolue, telle que
1 introduction totale des marchandifes d'un pays
jointe à la libre introduction dans ce même pays
de toutes les marchandifes étrangères, s'applique-
roit proportionnellement aux hypothèfes mixtes
& temporelles. Voye^ la page i de l'avertiflement
qui eft à la tête du premier volume de cet Ouvrage
j. on y répond àia proposition d'abolir toutes
lés douanes en France.
laiffer entrer chez elle une partie de fes objets
dind uftrie,à condition de permettre l'introduction
réciproque d'une partie des liens , on peut y confentir, fi^ la chance d'acheter ou de vendre
paroit à-peu-près égale ; car tout échange étant l'ac-
complifiement d'un delîr réciproque, il feroit dur
& déraifonnable^ d’y mettre obftacle, quand la
torce nationale n'y feroit pas compromife.
Mais il ^eft rare qu'entre deux nations induf-
tneufes, l’entrée réciproque d'une manufacture
femblable puilfe être établie j l’une d'elles craindra
toujours que l’intelligence ou l’aCiivité fupé-
rieure de l'autre ne falfe tomber fa manufacture ;
e lk fera bien alors de la foutenir par une loi prohibitive
, & l'autre aura raifon de lui rendre le
change.
Les nations pauvres ont toujours befoin de veiller
fur leurs loix prohibitives. Les nations favori-
fées par la nature , en ont établi quelquefois avec
raifon , pour exciter l’intelligence de leurs habit
u s j mais quand les derniers font parvenus à déployer
toutes leurs forces., elles devroient defirer
que tous les Etats, d'un commun accord, abolif-
fent ces loix : c'eft le cas de la France , elle y
gagnèroit fûrement j mais tant que les autres pays
maintiennent leurs loix prohibitives, il elt fage &
politique d'obférver une jufte réciprocité dans tous
les objets qui n'intérelfent pas ces jouiflances. »
Le^ meme homme de génie , après avoir gouverné
long-tems les finances de l'état avec les fuf-
frages univerfels, a publié fes réflexions fur les
prohibitions & les droits prohibitifs. L ’analyfe
de ce morceau intérelfant fe préfente naturellement
ici.
pour entretenir la puiffanoe qui naît
dune grande population, que les gouvernemens
durent s'appliquer à exciter & à favori fer l'indnftrie
nationale, & que faifantun pas de p lu s i l s vou-
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lurent affiner à cette même induftrie , une préférence
indubitable , èn éloignant la concurrence
des manufactures étrangères , fo i t par une prohibition
, foit par des droits d’entrée à peu près
équivalens.
Voyons comment les prohibitions , ou les droits
prohibitifs contre les manufactures étrangères,
s accordent avec la félicité & avec la force publiques.
Cette propofîtion femble la plus difficile à foutenir.
Comment eft-il poffible, dira-t-on, de lier
aux idees de bonheur, les diverfes privations qui
font l’effet des loix prohibitives ? Celui qui veut fe
vêtir de draps d'Angleterre , d'étoffes des Indes,
ou du Levant ; celui qui veut jouir de tant d'autres
productions de l'induftrie étrangère, ou le defîre en
vain , ou ne peut fe fatisfaire qu'en payant des
droits exceffi fs: n'eft ce pas là une véritable atteinte
donnée à la liberté ? J’en conviens. Ceux qui font
affez favorifés dés biens de la Fortune, pour n’avoir
d’autre intérêt que le choix du plus agréable
emploi de leur revenu, peuvent envifager comme
une peine , le plus léger obftacle mis à. la fatisfac-
tion de leurs goûts de leurs fantaifiès y mais
le bonheur public n'éft jamais reprëfehtë pàr’une
liberté indéfinie j il l ’eft par toute l'étendue de
la liberté qui ne nuit point aux autres.
O r , les loix politiquesd’adminiftration participent
a J'efprit des loix civiles 5 celles-ci, foigneu-
fes d'entretenir l'ordre, c'eft à-dire, la plus parfaite
harmonie entre les prétentions & les droits
de tous les membres de lafociété, empêchent que
le caprice ou les paflions d'un feul, ne faffênt lé
mal de plufietirs : ces loix Jaiffent chaque citoyen
le maître du choix de fes amufemens , mais
elles interdifent les plaifirs qui troublent le repos
public.
De même, l’adminiftration politique ne facrifie
point, au voeu d'une des dalles de la fociété,'
les intérêts de toutes les autres : & tandis une les
fiches propriétaires fe plaignent d'être gênés , par
les ©bftades-apporres à l ’introduétron des manii-
faétures étrangères, le fouverain obferve, qu'ils
ne compofent pas feuls la fociété s il jette les
yeux fur cette nombreufe claffe de fes fujets, qui
ne peuvent vivre que de J.’emploi de leur tems ,
& il les défend, par de fages lo ix , de l’effet de
ces modes ou de ces caprices, qui alimenteroient
l’induffrie étrangère aux dépens du travail national
i enfin, ilfera plus allarmé de l’inaétion des
ipanufaéiures, que du malheur imaginaire de ceux
qui fe trouvent trop refferrés, lorfqu'ils ont à
choifir entre les biens & jgs travaux de toute ef-
pece, que leur offre le royaume le plus fertile &
le plus induftrieux ’de l’Europe.
L e regard du fouverain va même encore plus
loin , & ce tureur de la félicité publique apper-
çoit que les propriétaires eux-mêmes ne fontqu'ua
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calcul du moment, lorfqu'ils regrettent de ne pou-
voir pas appliquer librement leurs revenus à tous
les objets de dépenfes qu'ils envient 5 puifque c eit
par le nombre d’ouvriers & d'artiftes de toute ef-
pece, réunis autour d’eux, qu'ils trouvent plus
facilement le" débit des productions de leurs térres,
&■ que leurs revenus font devenus plus confide-
rables & plus affiircs.
Sans doute,, fi toutes les hâtions , par un paCte
commun , vouloient abroger toutes les prohibitions
& tous les droits d'entrée, la France ne devroit
pas s'y refufer j car il eft probable qu elle gagne-
roit à ces conventions j cependant elleauroit encore
lieu d’y réfléchir, fi l'accroiffement des charges
publiques hauffoit fenfiblement le prix de la
main-d'oeuvre , & s'il s'élevoit une nation in-
duftrieufe au milieu d'un pays fécond & affranchi
des impôts que les guerres & le luxe des gouvernemens
ont introduits en Europe.
Mais toutes ces hypothèfes, fondées fur une
liberté générale de commerce , font des queftions
chimériques : les puiffances qui perdroient à cette
liberté, ne l'adopteront point j & celles qui y
gagneroient , la defireroient vainement : cependant
, fi l'on vouloit l’introduire , en donnant
l'exemple , on imitêroit la folie d’un particulier
qui , dans l'efpoir d'établir la communauté des
biens, admettroit tous fes voifins au partage de
fon patrimoine.
On peut faire aifément un beau tableau de la
fraternité des nations \ on peut appeller barbares
ces loix de précaution, qui féparent les différens
Etats de l'Europe , pour ménager à chacun fes
moyens naturels de profpérité ; mais trouver bien,
en même tems, qu'on allume, fans héfiter, tous les
flambeaux de la guerre , pour fe difputer les bords
de quelqu'ifle déferte , c'eft former une afiocia-
tion bifarre des idées les plus contraires.
On emploie un autre raifonneraent& l'on dit
que , pour vendre , il faut néceffairement acheter
: ce principe n'eft point abfolu j car on peut
être payé en or & en argent, & c’ eft le genre
d’échange que les nations ambitionnent : le pays,
au contraire , dont les achats feroient exactement
proportionnés à la fomme de fes ventes,
n'auroit point de balance de commerce en fa
faveur, n'obtiendroir aucune part aux richèffes
qui accroiffent la force des Etats , & feroit même
obligé de fe priver annuellement d'une partie de
fon numéraire , pour acquitter les intérêts qu'il
devroit aux étrangers.
Enfin , on doit obferyer que les achats & les
ventes des nations ne correfpondent point enfem-
b le , ne s'exécutent point dans les mêmes lieux,
& l’habitant du nord qui vient chercher vos vins ,
ne s'informe point fi vous avez acheté des mouf-
felines en Suiflè , ou des taffetas en Italie.
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Si Ton examine enfuite quels moyens il faut
choifir pour s'oppofer à l'introduébion des mami-
fa&ures étrangères} il femble qu’on doit préférer
les droits d'entrée aux prohibitions abfolues ,
parce qu'il n'eft jamais poflible d ’arreter entièrement
la contrebande î & qu'en établinant des
droits proportionnés aux dépenfes & aux rifques
que ces introductions illicites occafionnent, on a
le double avantage , & de prévenir des actions
immorales, & de faire jouir le tréfor public d un
revenu équivalent aux profits qui fe diftribuent
entre tous les entremetteurs d’un pareil commerce.
Le droit à TintroduCtion des manufactures
étrangères , n'étant préférable à une prohibition
abfolue, que par l'infiiffifance des moyens eco“
nomes & raifonnables dont on peut faire ufage
pour s'oppofer à la plupart des importations, on
apperçoit, d'après ce principe, que la mefure du
droit d'entrée devroit être proportionnée aux rifques
& au tarif, pour ainfi dire, du prix commun
de la contrebande : ainfi , des frontières plus
ou moins ouvertes, des objets de commerce qui,
félon leur volume, font plus ou moins fufcepti-
bles d’échapper à la furveillance, toutes ces con-
fidérations, & d'autres encore, devroient occa-
fionner des différences fur la quotité du droit ;
mais les rêglemens, dans un grand royaume, ne
pouvant être adaptés qu'aux circonftances generales
ou trèsrdiftinÇes, il paroît qu’à peu d’exceptions
près, un droit de quinze pour cent feroit
le tarif raifonnable pour le droit d.importation
fur les manufaCures étrangères. Voye^ le mot
T raites.
P R O R A T A , f. m. ou plutôt adverbe côm-
pofé de trois mots latins pro rata parte , qui^veulent
dire pour part déterminée, & dont on n a fait
qu'un feul mot, en retranchant, par fyncope , le
dernier, qui eft toujours fous-eutendu. Le terme
de prorata eft fort en ufage en finance , & dans la
pratique. Ainfi on dit diftribuer, partager, contribuer
âU'prorata de ce qui elt dit , de fa creance ,
de fes facultés. Il lignifie la même chofe qu’à proportion.
Le droit de franc-fief fe réduit au prorata de la
jouiffance , lorfque le nouveau poffeffeur d'un
bien noble le vend, ou meurt avant l'an & jour
' de fa pblfefiion. Franc - i-'ihr , tome 11,
page x88.
P R O R O G A T I O N , f. f. qui en général
lignifie extenlïon , prolongation.
C ’eft l’aétion d’ accorder un délai pour fatisfaire
à une obligation , pour remplir une tox-
. M B D d d i)