
N U L L IT É j f. f . , qui lignifie le vice d'un
a&e qui le rend nul & fans effet. Voye% le dictionnaire
de jurifprudence.
N UM ER AIR E , f. m ., par lequel on défigne
la mafle des efpèces courantes en or & en argent
, qui circulent dans un Etat.
T ou t ce qu’ on pourroit préfenter de plus inté-
refifant fur le numéraire de la France » fe trouvant
dans l’ouvrage publié en 1784 , fous le
titre de Vadministration des finances , on ne peut
lien faire de mieux , que de donner ici les chapitres
8 , 9 & 10 , qui traitent 3 1°. de la fomme
du numéraire de la France.
2S. D e l’ augmentation progreffive du numéraire.
39. Des avantages ou des incônVéniens de Ta-
bondance du numéraire.
Ces différentes confédérations dues à un ancien.,
adminiftrateur général des finances, prouvent qu’il
n’efi point de matière, quelqu’abftraite qii’elle
f o i t , que la méditation d’un homme de génie ne
jpuifle mettre à portée de l’intelligence des efprits
les plus inappliqués & les moins pénétrons.
Le numéraire d’un pays a deux objets absolument
différens 5 une partie fert de me-
fure continuelle dans les échanges, & devient
le moyen néceftaire pour payer journellement
les befoins & les commodités de la vie 3 c’eft
avec cette partie du numéraire ., que d’un bout
du royaume à l’autre, IfonTe préfénte dans les
marchés, dans les atteljerS de1 travail & dans
tous les lieux de trafic j pour fe payer réciproquement
le prix du temps . & des denrées. Le
numéraire , fous ce rapport , èft fournis à une
rotation continuelle , provoquée par lès befoins
journaliers & auffi immuable qu’eux,
A mefure que la population-d’un Etat s’acc
r o î t , & que le prix des denrées augmente,
la fpmme du numéraire employée à l’exécution
des échanges , devient plus confidéxable.-
Comment peut-on être inftruit de la quantité
des efpèces circulantes dans un pays ? C ’eft la
première queftiori qui fe préfente .en réfiéchiffant
fur le fujet que je vais traiter. Gn ne fauroit fans-
doute parvenir à cette connoiffance, ni par une
déclaration de la part de ceux qui font pofleffeurs
du numéraire, ni par aucune efpece de recherche
ou d’inquifition. Qui voudroit dire , fur ce point,
la vérité & quel gouvernement auroit l’ineptie de
faire de pareilles queftions ? II. faudroit même
qu’ il eût le pouvoir d’interrogef, dans le même
inftant , tous les habitans du royaume , puifque la
monnoie change de propriétaire à tous les mo-
joenu
■ II n*eft donc qu’ une feule maniéré de fe forméÊ
une idée du numéraire qui exifte en France 5 &•
comme en faifant des recherches fur la population,’
on calcule le nombre des naiffances, des morts 8C
des émigrations 5 de même, pour acquérir une
opinion fur la quantité d’efpeces d’or &r d’argent;:
qui circulent dans le royaume , il faut vérifier d’a**
bord jufqu’ à qu’elle fomme on a porté la fabrica-’
tiqn de ce numéraire j & l ’on doit examiner en-
fuite quelle portion a pu être diflipée , ou par des
fontes accidentelles, ou par des naufrages , ou par
l’exportation dans l’étranger. Ce qui é to it, ce qui
n’eft plus 5 voilà ce qü’il importe de connoître ou
d’évaluer pour fe former une idée de la vérité.
La première de ces deux notions eft la plus facile
à acquérir , parce qu’on tient le compte le
plus exaél aux hôtels des monnoies , de la quantité
d’efpeces qui s’y fabriquent annuellement.
C ’eft de l’année 1726 , que date la plus ancienne
piece de monnoie d’or & d’argent ayant cours
actuellement en France : Toutes les anciennes efpe-
ces furent décriées à cette époque, & il y eut unft
refonte générale 5 ôr , depuis ce tems-là jufqu’à
la fin de l’année 178© , la fabrication des mon*
noies d’or s’eft montée à neuf cent cinquante-fept
millions deux cent mille livres, & celle des mon-
noies d’argent à un milliard quatre cent quatre*
vingt-neuf millions cinq cent mille livres.
> En fo u t , deux millards quatre cent quarante-fix
millions fept cent mille livres.
Ainfi , en fuppofant feulement une fabrication
de cinquante deux millions trois cent mille livres
pendant les années 1781, X782, & 1783 ( & elle a
dû être beaucoup plus confidérable) , la fomme totale
dü numéraire fabriqué depuis 1726 , jqfqu’au
premier janvier 1784, s’éléveroit à deux milliards
cinq c^nt millions.
Il n’y a nulle incertitude fur de pareils faits 5 il
feroit très-difficile aux direétçurs des monnoies
d’en impofer , vu toutes les précautions qui font
prifes à cet égard, & rarement en a-t-on conçu
le foupçon. Mais lors même qu’il y auroit eu quelques
infidélités commifes , ces infidélités ne ten-
droient pas à groflîr, en apparence , la fomme de
la fabrication 3 mais à la diminuer au contraire 3
c’eft-à-dire , à la présenter au-defious de la réalité
, afin de s'approprie!?, en feçret, lejbénéfice
taché à cette fabrication.
Ayant ainfi fait connoître la fomme des efpeces
d’or 8c d’argent ., qui ont été -fabriquées depuis
l’époque de la refonte (générale , il refte à découvrir
quelle partie de ce meme numéraire a pu Ce
difliper d’une ou d’autre, maniéré. Cette notion',
fans doute , eft la plus difficile à acquérir l’on
ne peut ep approcher que par conjecture.
a*»*
J'ai déjà montré qu'on n'avoit jamais fondu en
France, que de très-petites quantités de monnoies
courantes, puifque chaque année , depuis 1710 »
on avoit vendu aux direéleurs des monnoies une
fomme immenfe d'or & d'argent, à des conditions
de beaucoup inférieures au prix qui pouvoit excitera
fondre les efpeces nationales
Les naufrages n’ont jamais pu faire perdre une
fomme importante de ces. memes efpeces , pmf-
que l’exportation momentanée qu on en a raite
polir d’autres pays de l’europe , a prefque toujours
eu lieu par terre 3 & les envois d or & d argent
aux colonies, confident principalement en
piaftres ou en monnoies de Portugal.
Refte à examiner , comme l’objet véritablement
digne d’ attention , quelle eft la partie du numéraire
, q u i, après avoir été exportée dans les
pays étrangers , n’eft point rentrée dans le royaume
: on ne peut fans doute en avoir aucune con-
noifiance précife , puifque la fortie cle 1 or & de
l’argent n’eft point déclarée 5 mais i c i , le raisonnement
peut fuppléer à l’infuffifance dès notions
pofitives.
La balance de commerce ayant *été conftamment
favorable à la France , l’on n’a exporté des
efpeces nationales , que dans les années ou le -.ou-
verain entrbtenoit des armées confidérables en Allemagne
& en Italie : l’on a pu auffi en faire fortir
de petites quantités, lorfqu’une révolution paffa-
gere, dans le prix des changes & des matières d’or
& d'argent, donnoit lieu momentanément à cette
fpéoulation : mais toutes ces efpeces exportées par
fun ou l'autre des motifs que je viens d’expliquer
, ont dû rentrer , en grande partie , dans le
royaume j & je vais tacher de développer ces
propofitions.
Que dans les tems ordinaires il n’y ait jamais
lieu de faire fortir de France la monnoie^ nationale
; c'eft ce qu’on fentira facilement, fi l’on cohfi-
dere que ce royaume , ayant é.té conftamment
créancier des autres nations , il y eft entré -, chaque
année, une fomme confidérable d’or 8c d’argent
, qu’on a convertie en efpeces courantes aux
hôtels des monnoies. O r , on doit fe rappeller
qu'en parlant de la fabrication des monnoies , j’ ai
montré que le réfultat de cette opération pour les
particuliers , cohfilloit à recevoir pour un marc
d’or ou d’argent, au titre de la monnoie de France
, un poids de louis ou d ecus, inferieur a celui
qu’on avoit livré s & il s’enfuit néceffairement que
fi les étrangers avoient fait une extraébion habituelle
des efpeces de France , dans le tems qu'ils
y envoyoient de l’or 8c de l'argent non monnoyé,
ils auroient beaucoup perdu dans im pareU commerce
; car la monnoie de France n’a , dans l ’étran-
g e r , qu’ un prix proportionné à fon poids Si à fon
Tome I I I . Finances.
titre ; 8c ce n'eft que dans le royaume qu'elje
jo u it, du moins pleinement, de la valeur additionnelle
qu’y donne l’empreinte & l'autorité du
fouvetain.
A in fi, par toutes ces raifons, on avancerait
une propofition très- exacte , fi l’on difoit que l’importation
en France, de l’or & de l’argent, en
lingots ou en monnoies étrangères , & de l’exportation
dans le même tems, des efpeces nationales
, feraient un événement de commerce auffi
extraordinaire que l’échange de cent aunes de
draps contre 96 ou 98 , d’une qualité parfaitement
femblabie.
C e n’eft pas tout : ces mêmes réflexions con-
duifent à faire appercevoir que lorfque , accidentellement
, ou pendant le cours d’une guerre qui
oblige à entretenir dans l’étranger de nombreufes
armées françoifes, on fait fortir du royaume des
efpeces nationales , ces mêmes efpeces doivent y
rentrer fucceffivement , lorfque les circonftances
■ extraordinaires, qui ont occafionne cette exportation
, ne fubfiftent. plus.
En effet , fi-tôt qu’ à la paix , la ^ balance du
commerce a repris toute fa fupériorité , les étrangers
débiteurs de la France, ont. un grand interet
à commencer par lui renvoyer fes propres efpeces:
. il leur eft bien plus avantageux de s’acquitter de
cette maniéré , que de le faire en lingots d’or &
d’ argent, ou en monnoies étrangères : car pour
réalifer ces métaux en france , ils font obligés
d’en faire la converfion dans la monnoie nationale
; ce qu’ils ne peuvent exécuter, qu'en fe fou-
mettant à la perte occafionnée , & par les frais
de fabrication , & par le bénéfice appartenant au
fouverain, Que fi , au contraire, on envoie en
France des écus & des louis achetés hors du
royaume , en raifon fimplement de leur poids 8c
de leur titre, on profite alors de la valeur particulière
, que la loi du prince accorde aux efpeces
revêtues de fon empreinte j il arrive feulement
que cette circonftance étant connue des vendeuis
de monnoies françoifes dans l'étranger , ceux-ci
veulent en tiret quelque parti ,-8c ils tachent d en
foutenir le prix, un peu au-deffus de leur valeur
intrinféque.
Enfin , l’expérience vient ici à l’ appui du rai-
fonnement : car dès les premières années qui-ont
fuivi les gu'erres d’Allemagne & d’ Italie , on a vu
conftamment les efpeces de France rentrer avec
abondance dans le royaume.
Cependant , on a pu fondre une partie de ces
efpeces dans l’ étranger , comme on l’a fait en
France dans quelques momens paffagers : on en-
yoie auffi des louis à Geneve , en Suiffe , & fur-
! tout en Italie , pour l’achat des foies ; & ce font
I les pays de l’europe où il en refte le plus , parce
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