
?
m , ils y croient 8e le fupportent comme un mal
panager.
C ’eft alors que la publication des loix de finance
eft attendue fans effroi, 8e qu'au milieu des
circonllances les plus malheureufes 3 ces-loix r é veillent
encore les idées de juftide 8c de patrio-
tifme.
Mais que l’adminiftration des finances fe trou-
r Cru f sdga.''e da,ns fes moye“ s » qu’elle foit in-
jenlible ou imprévoyante ; bientôt entraînée par
Je moment, les foins & les combinaifonsdu.fifc
s empareront de toute fon attention ; les peuples
fe prefenteront a fon fouvenir, mais ce'fera toujours
fous la forme de contribuables. Elle pefera
leurs forces , mais ce fera pour leur en demander
je facnftce j elle eût accepté leur amour, mais il
lui fuffira de leur obéiflance.
Alors les peuples à leur tour-reprendront leur
aehance ; ils fe croiront oubliés , & tous leurs
fentimens perfonnels fe ranimeront ; on ceffera
de lier leurs intérêts aux plans politiques , & ils
s noieront encore davantage ; enfin cette admi-
niltration qu ils eufient aimée comme leur fauve-
garde , ils s habitueront à Fenvifager comme Fa-
droit^ ennemi de leur repos, & Fintérêt' particulier
s elevera de toutes parts contre Fintérêt général.
5 ;
8 un exercice aux payons des hommes,
& ils s'abandonneront tout entiers à celles qui
conti a rient l'ordre public* fi par une adminif-
tration injufte & indifférente , on les contraint à
fe regarder comme étrangers à leur patrie. Qu'on
ne penfe point que ces idées forent trop fugitives
ou trop fubtiles, pour agir fur les fentimens d’un
peuple ; on pourroit le craindre fi les rapports de
1 homme avec la fociété étoient fournis unique-
ment a la froideur du calcul ou à la mefure de
1 intelligence ; mais l ’effet d'une habile adminif-
tration , c'eft d'entraîner en même-tems qu'elle
P,er^ua^e c’eft de Fortifier les idées morales ;
c eft d’exciter l'imagination; c’eft enfin d'unir les
opinions & les fentimens par les liens de la confiance.
L adminiftration des finances peut donc, comme
on le v o it , avoir la plus grande influence fur
les vertus fociales & fur les maux publics. C e lui
qui en occupant cette place ne la confîdérera
point fous ces nobles rapports , ne s’élèvera jamais
à la hauteur des devoirs dont il a pris la
charge, & nen découvrira pàsl'éteiiçlue.
Quelque impofant néanmoins que foit un pareil
fpeétacle , on ne doit point, en Tappercevant,
fe livrer au découragement ; la carrière qui s’offre
aux regards d'un adminiftrateur , eft vaftç fans
doute; mais les routes n’en font point détournees
j les fentîers qu'il, faut fuivre font faciles à
reconnoitre ; &dé j à , pour affurer les premiers
pas , il fuffit djun coeur droit & d'un efprit jufte;
il fuffit peut-être , en commençant , d'adopter
cette marche fimple , la même qui fied a to u t,
aux finances, à.la politique ,.à la conduite morale
, aux diverfes tranfaêlions entre les hommes ;;
celle , enfin, qui indique fans peine , une ame
honnête & les principes d'une- généreufe éducation.
iviais h raut
Cun.tre e f^mPs W ^ s'aftermiflènt au milieu des
obftacles ; car la vertu néceffaire à un adminiftrateur
n eft pas une vertu commune ; la moindre
foiMeffe , la moindre exception , deviennent
fouvent une, tache qu'on eflaye en vain d'effacer:
les hommes font fufceptibles d’enthou-'
fiafme ; mais ils le font auffi de préventions défavorables
, qui naifientrapidement, & ne fe diffi-
pent point^ de même ; car dans le tourbillon du'
monde, ou lés diftiniftions, les nuances , & les-
explications doivent néceflairemerit échapper,
on: longtenips, aux premières impreffions.
A mefurè qu’un adminiftrateür s'eft fait une’
grande 'réputation d’honnêteté, on devient plus
rigoureux avec lu i , on- le fuit dans toutes fes
aérions; on le compare à lui-même; Fon exige
qu'il foit fidèle au modèle qu'il a donné, &
dès la moindre faute dont on le croit coupable ,
on eft ^prêt à le ranger dans la claffe commune,
& à s'affranchir des tributs d’eftime f dont la
continuité devient pour la plupart'de ; ceux qui
s'y foumettent , une fatigue ou un ennui.
II faut auffi , pour faire ' impreffion , que les
vertus d’un adminiftrateur foient parfaitement
vraies ; il faut qu’elles fe développent fans effort,
& qu’elles paroiffent comme l’épanchement naturel
d’une grande ame. C e n’eft qu a ce prix
qu’elles ont-, en tout temps, cette mefure &
cette convenance qui leur eft propre; ce n’eft
qu’alors, fur to u t, qu’ elles ont cette fuite &
cette univerfalité quela plus laborieufe attention
néfauroit imiter ; & il règne parmi'les hommes
raffemblés une forte d'inftind, qui ne s'y méprend
jamais. Auffi, quand la politique veut emprunter
le langage de l’honneur & de la franchife ,
on s'en apperçoit à l'inftant , & à une forte de
difcordance & de mal-adreffe, & à ce caractère
de fatigue qui accompagne un rô le , & à cette
exagération, qui eft le figne certain d’un fen-
timentcômpofé ; mais les véritables vertus , Jes
vertus foutenues feront toujours l'un des premiers
fecours>, & l'un des plus sûrs appuis d'un
adminiftrateur.
La puiffance de la raifon , l'afcendant des qualités
morales, ont une force invincible & qui s'accroît
chaque, jour. La confiance une fois établie ,
•tout devient facile & femble s'applanir^ L'admî- ■
niftrateur, dont une fage circonfpeérion avoit j
retardé la marche, s'avance plus hardiment lorf-
qu’i! a fixé l'incertitude des premiers jugemens:,
& qu’il s'eft étayé lui-même par fes aérions.
Les nations reffemblent aux vieillards qu une ,
longue expérience des erreurs & des injuftices ;
des hommes a rendu foup^onneux de defians ,
& qui accordent lentement leur eftime & leur j
approbation ; mais , lorfqu'un adminiftrateur. a j
triomphé de ces difpofitions, les difficultés dif- :
paroiffent ; on croit alors a fes intentions. L imagination
, l'efpérance , ces précieux avant-coureurs
de l’opinion des hommes, viennent je fervir
& le féconder; & par-tout, encouragé fur fa
route, il jou it, à chaque inftant, du fruit de
fes vertus.
Un adminiftrateur eft déjà fort avancé, lorf-
qu on commence à envifager fés paroles comme
la fidèle image de fa penfée, & il éloigne encore
un ennemi dangereux , lorfque , par une
jufte mefure , & dans ée qu’il dit & dans ce
qu’il fa it , il empêche l’imagination de s'exercer :
contre lui.
Il en eft de la forfanterie en affaires, comme
des idées exagérées, ou de l'abondançe des fu-
. perlatifs dans le ftyle , dont l'effet eft prefque
toujours contraire à celui que l'orateur fe propofe.
Si c’eft par la vertu qu'on jette les premiers
fondemens d'une heureufe adminiftration, c'eft
par elle auffi qu’on tient à fes devoirs fans effort,
qu'on fe plaît dans fes facrifices, & qu'on trouve
comme une efpèce de délice au bien qu'on peut
faire.
S C ’eft encore par cette vertu qu'on lutte avec
tranquilité contre les paffions des hommes , &
* qu'on connoît le contentement au milieu de
leurs injuftices ; c'eft par elle , enfin, qu'on voit
venir la défaite fans abattement, & qu’on fe relève
encore après la difgrace.
Sans doute les grandes places offrent d’autres
plaifirs ; mais ce font des jouiffances de particuliers
, femblables à-peu près à toutes celles
que les différentes vanités recueillent dans le
monde. L'accroiffement de fa fortune , l'avancement
de fa famille , les bienfaits répandus parmi
Tes amis, les faveurs accordées à fes connoifiances,
la prévenance de tous ceux qui efperent , les
politeffes des grands, les mots obligeans des princes,
H charme indéfini du pouvoir.: en voila
plus* qu’il n’en faut pour attacher au miniftere ,
les hommes qui fe bornent a 1 envifager comme
. un nouveau grade dans la fociété, ou comme un
- heureux coup du fort , qui vient embellir fa
; deftinée.
Mais, celui qui conçoit fes devoirs , celui qui
veut les remplir, méprifera toutes ces jouiffances ;
elles troublent l’imagination de l’homme privé,
mais elles, font un objet d’indifférence pour la
véritable homme public ; le fage adminiftrateur
ne fe laiffera point éblouir par ceS trompeufes
amorces. Il renoncera donc à la reconnoifiance
particulière , parce qu’il n’en méritera point s'il
eft toujours jufte. Mais il fe pénétrera de l ’idée
de cette bienfaifance univerfelle , qui étend les
devoirs & les fentimens , & qui avertit de défendre
l’intérêt général, contre les ufurpations de
Fintérêt perfonnel.
Un tel adminiftrateur appuyera le mérite ifolé
contre les efforts de la protection ; il rendra au
rang & à la naiflfance ce qui leur eft dû ; mais
il ne fe laiffera point fubjuger par leur afeen^dant ;
il feaura refpeéter leurs droits fans en adorer le
preltige : fûr-tout , il ne délaiffera jamais l'ef-
time pour la faveur, & il aimera mieux que la
louange , ces bénédictions fecrètes du peuple,
qu’il n'entendra point, & cette opinion publique,
qui eft lente à fe former & dont il faut attendre
les jugemens avec patience.
Le moment peut-être où un miniftre dés finances
a le plus befoin de raflembler fes forces,
c'eft lorfqu’il doit réfifter, avec convenance, aux
follicitations des perfônnes qui tiennent le pre-
i mier rang dans l'E ta t, ou par leur naiffance ,
ou parleur emploi. Elles apperçojvent rapidement
quel eft le caraClère du chef des finances;
elles voient bien vîte-s’il veut mettre fa force
dans fa conduite , ou s'il cherche à s'étayer du
crédit & de la faveur ; elles ne tardent pas à
distinguer, fi c'eft aux principes ou aux perfonnes
qu'il a defiein de céder ; & félon qu'il fe montre
emprefîe ou circonfpeCt, complaifant ou févère ;
félon qu'il eft vain dans fes manières, ou noble
dans fes fentimens ; enfin, félon qu'il eft debout
ou profterné devant les airs de grandeur, les
courtifahs s'approchent de lui , l’ aiment & le
m.éprifent ;- ou bien ils. s’en éloignent, le haiffent
& l’eftiment. C ’eft au miniftre à choifir
entre ces deux parts ; s’il a Famé élevée & Fa-
mour de fes devoirs, il ne fera pas lent à fe
déterminer.
Il ne fuffit pas encore à un miniftre des finances
, de préférer fes devoirs aux combinaifons
de.fa politique! il faut qu’il honore fes principes ,
en les profeffant ouvertement ;\il faut qu’il renonce
à tous ces petits traités de l’homme public
a^ec l’homme particulier , & qui , prefque toujours,
aviliflent l’un fans fervir l’autre.
Il e ft, fur tout, une forte de foibleffe men-
fongère, dont on n’ a vu que trop d’exemples ;
c’eft de promettre aux folliciteurs puiflans, qu’on
\ appuyera leurs demandes auprès du roi , d’être
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