
Cependant fi les orfèvres & les bijoutiers fondent
des louis & des écus pour les befoins de
leur commerce, la quantité du numéraire ne fera
pas moins la même au bout d’un tems donne;
car ces fabricans achèteront autant moins d’or
& d’argent venus de l’étranger} & puifque cha- :
~ que année il doit s*en introduire en France une
fomme équivalente à la balance du commerce,
la partie de cette fomme qui n’aura pas été con- j
fommée par les orfèvres & les bijoutiers, fe |
trouvera en accroiffement de la quantité d’or & j
d’argent qu’on porte aux hôtels des monnoies.
Il n’ eft pas inutiîe de préfenter les mêmes idées j
fous différentes formes, îorfqu’on difcute une
queftion à la fois abftraite » importante. Ainli je
me réfumerai de cette manière fur le fujet que je
traite en ce moment.
Suppofons qu’ il entre chaque année, en France,
cinquante millions d’or & d’argent, & que cette
fomme foit le paiement néceflaire à la folde des j
échanges entre le royaume & les autres nations.
Suppofons encore que fur ces cinquante millions
, les orfèvres , les bijoutiers, les fabricans
de galons , & c . en achètent habituellement dix
pour les befoins de leur commerce.
Reliera quarante millions , qui feront néceflai-
rement portés aux hôtels des monnoies ; & cette
fomme compofera l’augmentation du numéraire.
Que maintenant, & en admettant une autre
hypothèfe , on imagine que par une fluéluatia-n
fingulière dans le cours des changes & dans le
prix des métaux précieux, les mêmes fabriques
d’orfèvrerie & de bijouterie aient trouvé momentanément
leur compte à fondre des louis & des
écus , & quelles l’aient fait dans le cours d’une
année, jufqu’à la concurreuce d’une fomme de
cinq millions ; certainement ces mêmes fabriques
auront acheté d’autant moins d‘or & d'argent venus
de l’étranger} & comme l’introduftion de
ces métaux eft fixée à cinquante millions , par la
loi impérieufe de la balance des échangés , fi les
achats des fabriques n’ont monté qu’ à cinq millions
dans l’efpace d’une année . on en portera
quarante-cinq aux hôtels des monnoies | au lieu
de quarante } 8ç d'après cette marche inévitable,
fi l’on faifoit le compte de l'accroiffement du numéraire,
on trouveroit que cinq millions d’anciennes
efpèces aqroier.t été fondues | que la
fabrication des nouvelles auroit été portée à
quarante-cinq } il s’enfuivroit donc, que dans
cette fécondé hypothèfe, comme dans la précédente
, l’aecroinement du numéraire feroit toujours
de quarante millions.
Ainfi , quoiqu’on ait peine à fe perfuader , en
voyant des louis & de$ écus dif^aroître dans un
creufet, que la fomme du numéraire n’eprouve
aucune diminution, néanmoins, en examinant
les effets de ces fontes d’efpèces, dans l’efpace
d’une ou de deux années , on ne pourra contefter
la vérité de la propofition que j'ai avancée. C e pendant
comme cette vérité n’eft fenfîble qu’ à
l'aide d'un raifonnement qui exige de l'attention ,
l’on ne doit pas douter qu'il n’y eût de grandes
oppofitions, & une réclamation prefque générale,
fi l’on vouloit autorifer légalement la fonte des e£
pèces nationales} mais il n'eft pas moins important
d’éclairer l’adminittration, afin qu’on laiflc
tomber en défuétude un règlement fi peu raifon-
nable, & qu’en obfervant le cours de l’opinion
publique, on faififfe un moment convenable pour
détruire abfolument tous ces relies 4 ’une ancienne
ignorance.
Je fais bien qu’il eft difficile de furprendre en
flagrant délit , les fabricans qui fondent des louis
ou des écus, puifque pour y parvenir, il faudroit
placer des furveillans au milieu de leurs atteliers j
mais il y a toujours beaucoup d’inconvéniens àim-
pofer fans néceflité , des loix contraires à l’intérêt
particulier & qu’on peut fi facilement enfreindre
en fecret} car on engage ainfi les hommes à s’affranchir
par degrés du joug de leur confcience.
C ’eft affez d’exiger d’eux des facrifices en faveur
de tout ce qui eft vraiment utile au bien de l’Etat ;
il ne faut pas que des erreurs d’adminiftration
multiplient inutilemenr les devoirs & les affervif-
femens ; il ne faut pas non plus affaiblir le ref-
pe£t dû aux volontés du prince , en défendant ce
qu’on ne peut empêcher} & l’on ne doit pas ex-
pofer les citoyens à des inquiiïtions continuelles,
en attachant des peines graves à des délits qu’on
ne peut jamais reconnoitre, & qu’on peut toujours
foupçônner.
C ’eft ainfi, cependant, qu’en étudiant de près
les différens fujets de l ’économie politique, on
apperçoit que, dans les parties même les plus inconnues
& les plus délaiflees, il exifte une liai—
fon intime entre les principes qui doivent fervir
de règle à l'adminiftration , & les idées d'une faine
morale, & c’eft ce qui agrandit ces queftions;
c'eft ce qui les rend , par-deflus tou t, intéreflan-
tes aux yeux de ceux qui aiment les hommes , &
qui fe plaifent à rencontrer par-tout les traces de
cet ordre & de cet enchaînement dont l’intelligence
profonde, fait du gouvernement une fi belle
& fi noble fcience.
La déclaration du ro i5 du 30 o&obre 1785,
regiftrée en la cour des monnoies le 11 novembre
fuivant, ayant ordonné une refonte des efpèces
d’o r , & augmenté la valeur intrinsèque de ce mé-.
t a l, il convient de faire connoître cette nouvelle
lo i , afin qu’on puiffe faire la comparaifon des
maximes & des principes qu’elle contient , avec
ce qui a été dit précédemment.
Louis
L o u is , &c. L ’attention vigilante que nous
donnons à tout ce qui peut intérefler la fortune
de nos fujets & le bien de notre E ta t, nous a
fait appercevoir que le prix de l'or eft augmente
depuis quelques années dans^ le commerce ,
que la proportion du marc d’or au marc d argent
étant reliée la même dans notre royaume,
n’eft plus relative aujourd’hui a celle qui a ete
fiicceflivement adoptée en d’autres pays; & que
nos monnoies d*or ont actuellement, comme métal
, une valeur fupérieure à celle que leur dénomination
exprime , & fuivant ^laquelle on les
échange contre nos monnoies d argent j ce qui
a fait naître la fpéculation de les ' vendre^a 1 b-
tranger , & préfente en même temps l’appat d un
profit confidérable à ceux qui fe permettroient
de les fondre, au mépris de nos ordonnances.
Le préjudice qui en réfulte pour plufieurs genres
de commerce, par la diminution déjà fen-
fible de l’abondance des efpèces d or dans notre
royaume, a rendu indifpenfable d’en ordonner la
nouvelle fabrication , comme le feul moyen de
remédier au mal. en faifant ceffer fon principe;
mais en cédant à cette liéceffîte , notre premier
foin , & la première bafe de notre détermination,
ont été qu’ elle ne pût caufer la moindre perte aux
poflefleurs de no$ monnoies d or , qu elle leur
devînt même avantageufe : Et pour ne laifler
aucun nuage fur cet objet important, nous avons
voulu que*'le développement de toute l ’opération
, & la publication du tarif qui en préfente
les réfultats, en manifeftafîent clairement la juf-
tice & l’exaClitude*
La nouvelle monnaie d’or aura la même valeur
numéraire que la rtionnoie aCIuelle ; elle aura aufli
le même titre de fin ; il n’y aura de différence
que dans la quantité de la matière, qui y fera
réduite à fa jufte proportion , & il fera tenu
compte de cette différence aux poflefleurs d’efpèces
d’or., lorfqu’ils les rapporteront à nos hôtels
des monnoies ; notre intention étant qu’ils
profitent du bénéfice de l’augmentation fur le
prix de l’or.
Par une opération dirigée^aufli équitablement,
le rapport de nos monnoies d or aux monnoies d argent.,
fe trouvera rétabli dans la mefure qu’exige
celle qui a lieu chez les autres nations, l’intérêt
dettes exporter difparoitra, la tentation de Jes
fondre ne fera plus excitée pat l’appât du gain,
notre royaume ne fera plus lefe^ dans 1 échangé
des métaux, & il n'en pourra réfulter ni dérangement
dans la circulation I ni changement aucun
dans le prix des productions & des^mar-
chandifes, puifque toutes les valeurs fe. règlent
relativement à l’argent, dont le cours fera toujours
le même. A ces caufes ) 8cc. nous avons
ordonné ce qui fuit :
Tome I I I , Finances,
A r t i c l e p r e m i e r .
Chaque marc d’or fin , de vingt-quatrekarats ,
vaudra quinze marcs & demi d’argent un de douze
deniers , & fera reçu 8c payé dans nos monnoies
& changes , pour la fomme de huit cent vingt-
huit livres dou^e fous , valeur defdits quinze marcs 8c demi d’argent au prix aCtuel de cinquante-
trois livres neuf fous deux deniers le marc , fixes
par le tarif de nos monnoies, du mois de mal m m I I.
Toutes nos monnoies d’or ayant cours actuellement
, louis y doubles> louis Ù demi-louis , ce»-
feront d’avoir cours, à compter du premier janvier
prochain, & feront reçus & payes comptant
en efpèces,dans nos monnoies 8r changes, a compter
du jour de la publication de la prefente déclaration,
jufqp’au premier avril prochain, fur
le pied .de fept. cents cinquante livres \e marc , o a
vinet-cinq livres le louis, qui , par 1 ufage, n auroit
rien perdu de fon poids i & fauf, en cas
de diminution dans le poid s , de faire fur ledit
prix de vingt-cinq livres une diminution proportionnelle
; ledit terme expiré , ils n'y feront plus
reçus que fur le pied de fept cem quarante-deux
livres dix fous le marc , ou vingt-quatre livres
L’or , tant en lingots qu'en monnoies étrangères
, apporté dans nos monnoies & changes ,
y fera payé en proportion de fon titre de fin #
fur le pied de huit ' cent vingt huit livres dauçc
fous le marc fin , & trente-quatre livres dix fous
fix deniers le karat, conformément au tarif annexé
d la préfente déclaration , dans lequel les monnoies
étrangères ont été portées fur le pied de
ladite augmentation.
I V .
Il fera fabriqué de nouveaux louis d’o r , au
même titre que Ceux, qui ont actuellement cours ;
chaque marc fera compofe de trente deux louis ,
afin qu’au moyen de l’augmentation furvenue dans
la valeur de l’o r , chaque nouveau louis continue
de valoir vingt-quatre livres, & ait précifément
la même valeur en argent ; lefquels ouïs porte-
ront l’empreinte défîgnee dans la feuille attachée
fous le contre-fcel de la préfente déclaration ,
& auront cours dans tout notre royaume pour
vingt-quatre livres pièce.y
.
Le travail de la fabrication defdits louis, fera
fait aux mêmes remèdes de poids & de loi que
nos monnoies d’or aCtuelles , & fera jugé en notre
cour des monnaies , conformément à nos précédons
édits 8c déclarations.