
auquel les débitans de tabac ctoient fournis, 8e
on leur permit de râper eux - mêmes du tabac
pour le diltribuer au public. Cette permillion fut
confirmée par les lettres-patentes du iS mai 1725.
II eft vrai que fuivant les commiflions délivrées
alors aux debitans de tabac, le fermier ne perdoit
pas de vue fon intérêt, ni la fûreté de fa régie.
“ Permettons, e ft-ild it, s'il ell établi en bou-
” tique, S: que quelques particuliers lui propofent
v de leur livrer le tabac râpé pour leur confom-
» mation journalière, d'y fatisfaire, & de leur
” donner le tabac râpé provenant de bouts ficelés
“ & non d'autres, once par once, en convenant
” avec eux de gré à gré , du paiement du rapeur,
“ fous la condition que le tabac fera râpé dans
» la boutique ».
C e nouveau régime contenu dans ces bornes,
ne mît aucun obftacle a la prolperite des ventes ;
chaque année ajoutoit un fuccès dans une proportion
de fept cents cinquante mille livres pefant.
Ce tte progreffion fut fans doute un peu contrariée
par l'impofition des quatre fols pour livre
établis par la déclaration du 14 août 175S. Malgré
les effets défavantageux de ce nouvel impôt qui
augmentoit la difproportion déjà exiftante , entre
le prix du tabac de contrebande 8c le prix du
tabac de la ferme , on penfe que fi l'on n'eut pas
dans cetems-là, laiffé aux débitans, qui furent
très-multipliés, la facilité de fubftituer à la râpe,
des moulins pour pulvérifer \t tabac-, celle d'avoir
des approvifîonnemens confîdérables, 8c la liberté
de tenir de plufieurs fortes de tabacs, ep poudre
fous prétexte de fatisfaire aux fantaifies des con-
fommateurs, 8c d'en vendre tout autrementqu'once
par once, cette ferme n'eût pas éprouvé dans fes
produits, la décadence qui furvint alors, 8c à
laquelle on a voulu parer enfuite en s'attribuant
les bénéfices de la pulvérifation. La queftion fe
réduit donc a examiner fi réellement, il eft plus
utile au fermier, de livrer direâement au public
du tabac réduit en poudre, que de laifler aux
débitans le méchanifme 8c les profits de cette
opération.
Leur étendue avoir été calculée dès 1 7 6 ; , par
un particulier qui avoit propofé de donner annuellement
cent mille livres au ro i, fi on vouloit
lui donner le privilège exclufif de pulvérifer du
tabac à raifon de dix fols par livre ; mais le con-
fe i l, d'après les repréfenrations des fermiers généraux
, décida le 20 juillet 1764 que ce projet étoit
înadmifiibie.
En 1768, le même projet fut de nouveau pré-
fenté par une compagnie, qui faifoit des offres
plus avantageufes encore ; mais elles-'furent également
rejettées.
Il eft probable que ce fut la communication de
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ou du moins de quelques-uns de fes mem-
1 rCr iiA '1 es ^îeureux réfultats que pouvoit donner
le fylteme propofé, en en réunifiant l’exécution,
a 1 exercice du privilège exclufif de la vente du
/ ff.* c'eft en 1768 que l’entrepofeur
établi cette année à Paris, fut autorifé à vendre
du tabac en poudre. On ne fut point arrêté par
la confîderation de ce qui s’étoit paffé depuis
1674 jufques a la fin de 1730, intervalle dans
lequel la vente du tabac avoit été fpible &\lan^
guinante, parce que le fermier délivrant du tabac
râpe , la circulation de cette denrée, fous cette
forme, favorifoit l’introdu&ion clandeftine & frau-
duleufe, & laifïoit moins de moyens pour les
comtater & les réprimer.
Cependant cette innovation d'abord établie
dans la capitale, d’où l'on fe propofoit de l’étendre
par-tout le royaume, ne réunit pas les fuffrages
de tous les intérelfés. Le nouveau régime trouva
des partifans en plus grand nombre que celui des
detra&eurs 5 c eft ici le cas, non pas de compter,
mais de pefer les raifons principales que l'on don-
noit de part & d'autre pour foutenir fon opinion.
Les premiers expofoient, 10. , que le fermier
ayant feul le droit de manufacturer & vendre du.
tabac_y c'étoit le départir d'une portion de cet
avantage, que d'abandonner au débitant une préparation
, dont l’effet étoit de diminuer les bénéfices
du fermier & d’augmenter fes rifques.
20. Que le débitant reliant maître de la pul-
verifation, il y trouvoit la facilité de dénaturer en
peu d inftant. les ta b a c s (bit par l’humeélation,
foit par l ’introduClion des matières hétérogènes *
& affurer à des tabacs de contrebande l'ufage
peut-être pernicieux, le nom , le titre & le prix
du tabac de privilège.
j ° . Que le tabac^ ne pouvant être confômmê
qu'en poudre, il étoit inconféquent au fermier
de ne pas le livrer dans l'état le plus près de la
confommation.
4q. Que quoique l’avantage de marquer fes
tabacs d'un caractère diftindif toujours propre à les
faire reconnoître, fût très - précieux au fermier ,
cependant il en perdoit tout le fruit, puifque cette
marque difparoiffoit dès l’inftant que le tabac
paffoit dans les mains du particulier , dont la préparation
l’anéantiffoit abfolument, enlorte que
le caractère fe trouvoit toujours où il ne devoit
pas être, & n'étoit jamais où .il étoit utile.
5°. Que la ferme perdoit un produit immenfe ,
qui après avoir fait le'fuccès d'un bail, augmenteroit
de plufieurs millions les revenus de l'E ta t, puifque
les débitans faifoient un bénéfice de dix-huit
fols.par livre, fans compter celui de lamouillade
«ne l'on peut encore évaluer à dix pour cent ;
que cette fomme répartie fur dix millions de Iiv.
qu'ils vendoient, opéreroit fûrement un gain net
de cinq millions, fuppofant que celui de 1 humectation
ferviroit. à la remife qu'on accordetoit i
cès débitans, & que les huit fols par livre com-
penferoient les frais d'atteliet & de pulvérifation.
■ 6° . Que le méchanifme de la pulvérifation du
tabac une [fois confié aux manufaéhires, il en
réfulteroit une perfeétion de qualités & de procédés
& une économie d un million dans la
fabrication , en ce qu'on pourrait faire palier au
mdùlin les côtés q u i, dans l état aftuel, ne font
utiles qu'aux employés fupeneurs des manutac-
tures.
Les diffidens objeéioient : la liberté^ accordée
au débitant de pulvérifer du tabac n’altère nullement
le privilège exclufif du fermier, puifque
lui feul établit le débitant* La faculté de vendre
qu'il lut tranfmet, àffoiblit l'effet toujours dangereux
d'un privilège exclufif, en procurant à une
foule de perfonnes des moyens de^ fubfiftance
qui contribuent au bien général & a 1 avantage
du fermier, en multipliant les confommations.
2P. C e n'eft pas cette liberté de vendre du
tabac râpé qui donne la faculté de dénaturer dans
ün inftant une quantité confidérable de tabac ,
mais les moulins qu'on a permis d’employer 5 en
reftreignant cette liberté dans les bornes mifes en
1730 , les chofes rentreront dans l'ordre, & tous
les dangers cefferont.
3P. Lorfque la compagnie des Indes a obtenu
le privilège exclufif de vendre du café, ejle
n'a pas prétendu devoir ne le livrer que brûle
& moulu 5 de même que la ferme des gabelles
lie peut prétendre diftribuer dans fes greniers, le
fel à la livre , ou égrugé, parce qu'on le con-
fomme en grande partie réduit en cet état 5 le
débitant pour fatisfaire aux différens goûts des
confommateurs, eft obligé d ’avoir^ du tabac fez ,
du tabac plus ou moins humeété , chofe im-
poffible an fermier, puifqu’ il ne peut pas livrer ces
différentes fortes de tabac aux débitans , ce qui a
l'inconvénient de priver le particulier d une qualité
de tabac qui flatte davantage. D ’ailleurs la
profeription de la râpe chez les debitans par la
ferme elle-même, qui a encouragé l’établiffement
des moulins , a concouru à multiplier les abus 3
car la râpe biffant fubfifter jufqu’au dernier morceau
d’ un bout de tabac, la marque & les caractères
de fâ fabrication, faifoit craindre une fur-
prife au débitant & au rapeur, les expofoit à
être découverts dans leur contravention, s’ils
ufoient de tabac de contrebande, au lieu que le
moulin anéantiffant en un inftant tout ce qu’on
lui donne à pulvérifer, biffe la liberté d’y jetter
de la cendre, du bois pourri, du poivre & plufieurs
autres ingrédiens qui s’identifient tellement
avec le tabac, qu’on ne peut plus les^ diftinguer,
& ôte tous les moyens de reconnoître la mai-
verfation.
Indépendamment du mal qu'a produit à cet
égard la fubftitution des moulins à la râpe, ils
ont encore l'inconvénient d’altérer la qualité des
tabacs 5 car les meilleurs , qui font onélueux,
tenaces & gommeux, pour fubir la trituration ,
doivent être fechés au foleil ou au four : ainfi les
moulins les dépouillent de leur on&uofité , ils
en accélèrent la - fermentation par un frottement
plus rapide , & développent les parties les plus
fines qui s'évaporent & font perdues pour la
qualité.
40. Le fermier en vendant du tabac en poudre,
borne tous fes ' avantages à fe mettre en
concurrence avec le débitant, le rapeur & le
contrebandier, que l’intérêt affocie naturellement ;
mai S', par cette concurrence il renonce au privilège
exclufif de manufacturer 3 il s’interdit les moyens
de reconnoître les produits'de fa fabrique 3 il légitime
la circulation du tabac de. contrebande qui fe
trouve confondu avec le fien, & il rappoche ainfi
plus fûrement, le débitant du contrebandier, en
ôtant aux tribunaux tous moyens de punir leurs
manoeuvres.
y°. S’il eft vrai que les débitans de tabac en
vendent dix millions de livres actuellement qu’ils
font chargés de fa préparation , & qu’ils étendent
leurs .ventes par les crédits, par leurs foins à varier
cette préparation & à fatisfaire i tous les
‘ moyens que dicte l’amour du gain, eft-il bien fur
I qu’ils en vendront la même-quantité lorfque ler<z-
bac leur fera remis en état d’écre confommé ? Leurs
bénéfices étant diminués de plus de moitié, & ne
, pouvant fournir à leurs befoins comme auparavant,
n’y a-t-il pas à craindre qu’ils ne fe livrent 2
d’autres travaux, & que celui qui étoit leur principale
occupation , ne devienne plus qu’un accef-
foire' indifférent. De plus, ce débitant qui fe
conformoic à la diverfité des goûts, à l’illufioa
des fantaifies, en fourniffant du tabac de tout grain,
c’eft-à-dire, du gros & du fin , du fec du plus
ou - moins humeCté 3 n’en ayant qu’une fo r te , fa
confommation fera moindre & diminuera encore
fes profits. C ’eft donc un calcul très-hafardé, que
celui qui préfente cinq millions d’augmentation
fur le tabac vendu par les débitans.
Mais fuppofons ce bénéfice réel, & examinons-
en b bafe. Suivant les relevés faits à b manu-
fa&ure de Cette en Languedoc, un quintal pefant
de tabac vendu en bouts par les bureaux généraux ,