
apprentiflage , avoir la permiflion de travailler en
fon nom & pour fon compte , s'il le juge utile
& convenable.
4°. Supprimer tout chef-d'oeuvre } c ’eft une pratique
aufli difpendieufe que fuperflue. On objectera
peut-être, que pour recevoir un ouvrier dans
une profeflion , il faut qu'il fafle preuve qu'il
fait l'exercer. Nous répondons que ce n'eft pas
à la loi à examiner lï le récipiendaire eft capable
ou non î il fuffit qu'il s'offre à travailler pour être
reçu : elle doit le fuppofer inftruit , parce qu’il
eft de fon intérêt qu'il le foit. Quel préjudice pour
l'Etat peut-il réfui ter de cette admiflion ?
C e t homme fera capable ou ne le fera pas. S'il
eft capable , l'admiflion eft avantageufe j s'il ne
l'eft pas, la difette & le maîaife feront le châtiment
infaillible de fa témérité. Son exemple ne
fera pas fuivi j l'utilité perfonnelle nous eft garant
qu'il fera rare. Il ne peut donc en arriver qu'un
mal particulier & peu commun j l’E ta t, en fup-
primant le chef-d’oeuvre 3 aura ôté tout prétexte
de refufer celui qui fe préfente pour travailler ;
il aura encore évité à l'induftrie’ , une occafton de
dépenfe.
50. Regarder tous les fujets du même prince ,
comme enfans d'un même père , comme membres
d'une même' famille; leur laifler la liberté entière
de porter , fans aucun frais, leurs talens dans
les villes au ils voudront fe fixer. Quoi de plus
inconféquent que de traiter d’étranger, un ouvrier
né dans le fein du royaume ? Un fabricant d’A miens
ou de Rouen , ceffe-t-il d'être François
parce qu'il veut pafler de Picardie er\Normandie?
Rerd-t-il , en fe déplaçant, le droit que fa naif-
fance lui a acquis} & toute la France n'eft-ellè pas
fa patrie ?
6°. Défendre tout droit de réception à la mat-
trife 3 taxe fur les maîtres, métiers , apprentïfs ;
compagnons} enfin tout impôt d e communauté
quelconque } les ouvriers , nous le répétons, ne '
doivent contribuer que comme citoyens feulement.
7°. N e faire aucune diftinétion d’un Anglois ,
Hollandois, & c . avec un François, pour l’admif-
fion dans nos corps de métiers. S’il y en avoit
une à faire, ce feroit en faveur des étrangers ,
pour les inviter à peupler nos provinces : Peut-
on trop multiplièr les habitans d'un Royaume
commerçant ?
8°. N e laifler fubfifter les règlemens pour nos
manufactures, que comme un dépôt d'inftruc-
rions, un recueil de leçons & de confeils que
l'Ouvrier confultera, s'il le croit utile. Mais il
faut leur ôter toute l'autorité d'une loi qui.contraint
& qui oblige. La feule règle & la plus infaillible
, c’eft la vente, c'eft la confommation
9°. Profcrîre toute amende & confifcation,
châtiment auffi rigoureux qu’inutile à la perfection.
L'ouvrier qui a fait une étoffe d’une médiocre
qualité, n'eii-il pas affez puni de fon impéritie
, par la perte qu'il fouffre dans la vente de
cette étoffe, fans l'impofer encore à une peine
pécuniaire ? La marchandife fe vend toujours en
raifon de fa qualité} ainfi le moindre prix fera
le châtiment inévitable de celui qui fait mal:
Pourquoi ajouter à cette peine la rigueur des
amendes ?
io°. Obliger feulemeut Je fabricant, comme on
le fait aujourd'hui 3 à tiffer fur le bout de chaque
pièce qu'il met en vente, fon n.om & fa demeure}
il pourra en outre y attacher un plomb
fur lequel feront aufli’imprimés fon nom , fa demeure
&r l'efpèce de marchandife. Le fceau .de
l'ouvrier fervira à l'accréditer, s'il fait bien, &
à le décréditer s’il fait mal. La meilleure qualité
relative à la confommation, fera alors le moyen
de le faire connoître & d’augmente'r fa fortune.
L'inutile conformité à des règlemens immuables
ne confondra plus tous les ouvriers} ils ne feront
diftingués que par la qualité de leurs ouvrages,
moyen infaillible d'allumer l'émulation.
n ° . Punir févèrement l'ouvrier qui emploiera
le nom d'un autre : c'eft un larcin qui mérite un
châtiment rigoureux. Ne point tolérer l’abus commun
dans quelques fabriques > des marques héréditaires.
N'en permettre, fous aucun prétexte,
le tranfport d'un ouvrier à un autre. Chaque ouvrier
doit avoir fon coin, & ce coin doit périr
avec lui. Enfin comme cette empreinte ne doit
fervir qu'à faire l'éloge ouïe blâme de l'ouvrier,il ne
faut fouffrir aucune fraude à cet égard.Elle eft commune
dans la coutellerie & dans la quincaillerie.
Les marques que les fabricans font obligés
d'imprimer fur leurs cifeaux, couteaux & autres
ouvrages, font héréditaires dans les familles & fe
vendent au profit de ceux à qui elles pafîent par
fucceflion. 11 y a telle marque achalandée qui fe
vend dix mille francs. Le prix des marques ordinaires
eft de quarante à foixante livres. On affine
qu’àThiers, on a offert jufqu'à vingt-deux mille liv.
de celle de Palme} c ’étoit la plus accréditée. C et
abus eft doublement préjudiciable. i° . Comme
cette marque eft imprimée fur des ouvrages qui ne
font plus faits ou dirigés par le même ouvrier,
c'eft fàvorifer la fraude 5 on achette toujours fur
le crédit de la marque, des marchandifes qui ne
font plus les mêmes. 20. Le haut prix de ces marques
doit influer néceflairement fur le prix des ouvrages.
L'on ne doit pas être furpris fi nos quincailleries
font beaucoup plus chères que celles de
l'étranger.
12°. Il fuffiroit d’appliquer le plomb public de
vifite & marque, aux marchandifes deftinées à la
confommation intérieure , no» pas pour faire
\
preuve que ces marchandifes font fabriquées conformément
aux règlemens 5 mais feulement pour
conftater quelles font faites en France, & qu elles
peuvent s'y confommer.
Une loi qui ordonneroit que toutes les mar-
chandrfes qui arrivent dans toutes les villes du
Royaume, feroient vifitées pour reconnoitre li
elles portent la marque authentique du lieu ou elles
ont été fabriqués, obligeroit le fabricant a porter
au plomb les ouvrages qu'il deftine à la confom-
mation intérieure. Son interet 1 y inviteroit, parce
qu’il feroit inftruit que, fans cette condition , il
ne pourroit sen procurer une vente libre dans le
Royaume s mais il ne faudroit pas l'y -contraindre
par aucune lo i , ni l'en punir fous aucun prétexte :
en voici la raifon ; c'eft que le plomb public ne
feroit point néceffaire pour les marchandifes qui
doivent fe confominer hors du Royaume, que
dans le cas feulement où le confommateur l'exige-
toit. Or ce cas ne feroit pas commun. On peut
objeéter que foit au-dedans, foit au-dehors du
Royaume , le confommateur peut exiger que les
marchandifes qu'il demande foient faites conformément
aux.règlemens. Quoique ce cas ne' puiffe
arriver que très-rarement, cependant il eft polfi-
blé. Pour y fatisfaire, on peut appliquer fur ces
marchandifes un plomb fur lequel feront inferits
d'un côté ces mots : Conforme aux reglemens ; de
l'autre , le nom de l'endroit où elles font fabriquées.
Cette empreinte ne fera donnée qu'aux
étoffes qui auront été reconnues telles, & dans le
cas feulement que le marchand ou le fabricant
l’exigera. Cependant pour ne point fàvorifer l’ erreur
, il ferçit néceffaire d’inftruire par des avis
publics lès nations avec lefquelles nous commerçons,
qu'à l’avenir on ne donnera ce plomb qu'aux
marchandifes conformes aux règlemens, & que
les autres porteront feulement le plomb de l'ouvrier
, lequel indiquera fon nom, fa demeure &
l'efpèceV.c marchandife.
P^r ce moyen on fatisferoit le goût du confommateur,
qui étant maître de demander, des mar-
chandifès libres & conformes aux règlemens, feroit
choix de celles -qui lui feroient plus avanta-
geufes. On pourroit connoître en peu d'années
quelles font celles qui ont procuré plus de confommation
, & fe convaince lï nos règlemens font
auffi utiles au commerce qu'on le penfe. L'expérience
, guide infaillible, décideroit de l'avantage
ou du préjudice qu'ils procurent à l’état.
1 Les marques ci-deffus doivent être appliquées
par d'anciens marchands & fabricans choi-
ns, qui ne recevront d’autre droit que le prix intrin-
fèque du plomb. Pour éviter même le monopole
à cet égard, il faudroit qu'il fût libre au fabricant
de livret le plomb fur lequel l'empreinte fe
feroit gratis.
140'. Supprimer les infpeéieurs. Nous ne nous
adrefferons pas à ceux qui font plus jaloux de
leur autorité que de l'avancement des manufactures.
C e u x - là font le peuple des infpe&eurs }
ils ne méritent aucune attention : c'eft au témoignage
de ceux qui font guidés par l'amour du pub
lic , que nous eltimons affez pour les croire capables
de facrifier leur intérêt à celui de l'Etat ;
( nous croyons même qu’ ils compofent le plus
grand nombre , ) c’eft à leur témoignage, difons-
nous, que nous ofons- appeller de leur inutilité.
Ils doivent convenir de bonne f o i , que s'ils font
inftruits de la fabrique fur laquelle ils veillent,
ils tiennent ces inftruétions & ce s lumières des
fabricans & des commerçans de cette fabrique.
C 'eft aux conférences fréquentes qu'ils ont en-
femble fur le commerce} c’eft à l'accord & à
l’intelligence qui règne entr'eux & les commerçans
} c'eft aux efforts communs des uns& des autres
, pour la perfection & pour l’aggrandiffement
de la fabrique} enfin c’eft fur-tout aux avis que
les négocians leur donnent de la volonté du commettant
, qu'ils doivent le bien qu'ils procurent
dans leur emploi. Us avoueront avec la même
droiture, que pour procurer ce bien, ils font
obligés dans mille occurrences, de faire plier la
loi aux circonftances & à ce que la confommation
exige.
Ainfi il réfulte, que s'il n'y avoit pas d’inf-
peCteurs , le fabricant & le marchand ne feroient
pas moins inftruits, & ne feroient pas moins
intéreffes à étendre la confommation de la fabrique
5 que ce feroit une fuperfluité ou un obfta-
cle de moins.
Que dès que l’avantage du commerce force
fouvent les infpeCteurs éclairés à s’écarter de la
lo i , leur emploi devient arbitraire en bien des
cas. Or rien de plus contraire au bon ordre & à
une fage adminiftration, que de confier les exceptions
de la loi à un fe u l, fi intelligent qu'on Je
fuppofe. Il refte toujours de l'homme, dans l'esprit
le plus droit & le mieux intentionné. Que
feroitee , fi ces infpeéteurs étoient conduits par
l'envie d'étendre leur empire, & par des .vues
contraires au bien public ? Que de maux n'en ré-
fulteroit-il pas pour le commerce & pour l’ac-
croiffement de l'induftrie ? Leur fuppreflion pro-
cureroit encore l'avantagé de trouver dans leurs
appointemens des moyens d'éteindre les dettes des
communautés.
Telles font les obfervations que l’amour-feul de
la perfection des arts & de l'avancement du commerce
, nous a fait faire. Nous croyons avoir ex-
pofé dans la première partie, les abus-autorifés
par les corps de métiers , le préjudice qu'ils cau-
fent à l'état, & l'avantage qu’il retireroit de fa
profeription de ces abus; -
Nous ayons obfervc dans la fécondé , que les